L’histoire du numérique montre que les produits qui ont réussi en entreprise sont ceux qui ont d’abord conquis le public.
Le PC s’est imposé en entreprise grâce aux geeks qui programmaient en Basic à leur domicile. Le succès des Microsoft, Google ou Amazon s’explique par l’engouement des utilisateurs. Les particuliers en imposent l’usage au bureau, c’est le Shadow IT. L’étape suivante est la récupération par les informaticiens qui apprivoisent l’animal, l’adaptent pour en faire un service professionnel.
On a assisté ces derniers mois à l’irruption d’une Intelligence artificielle pour tous, l’IA générative. L’agent conversationnel ChatGPT permettant aux étudiants de rédiger leur rédaction scolaire. Certes, l’IA n’était pas chose nouvelle, c’était une sorte de boîte noire, omniprésente, apanage des informaticiens. Les chatbots ont fleuri, à l’instar de M. Jourdain, ils faisaient de l’IA…sans le faire savoir.
Avec une accélération fulgurante ChatGPT se répand dans les bureaux : 51% de ses utilisateurs en auraient déjà un usage quotidien*.
Microsoft est en embuscade derrière OpenAI, start-up dans laquelle il a investi des milliards de dollars. Le fruit de son alliance est Copilot, un assistant encore en test, qui sera intégré dans la suite Microsoft 365 et devrait doper Word, en rédigeant un résumé ou en produisant une présentation PowerPoint à partir d’un texte, en permettant des meetings Teams « augmentés », par des synthèses et notes de réunion. Versant développeurs, c’est GitHub Copilot, pour générer du code.
A la fin du siècle précédent, Google, une autre start-up, avait doublé l’inventeur de Windows sur le sujet Internet, dont elle n’avait pas pris la mesure. L’heure de la revanche a sonné pour Microsoft…Après l’ère d’Internet, arrivons-nous brutalement dans l’ère de l’IA pour tous ?
Les géants américains ont tous réagi. Google en tête, avec son armada de solutions (Bard, Baidu, Ernie Bot entre autres) et son prochain Gemini. Méta développe Llama 2.La marque à la pomme préparerait en secret un Apple GPT, Elon Musk lance la start-up xAI…
Face aux Gafam qui investissent des milliards de dollars et produisent du code, que fait l’Europe ? Elle développe du code… pénal, en développant les digues d’un mille-feuille de lois et règlements : après le RGPD, le DSA (Digital Services Act), le DMA (Digital Markets Act), eidas2… sans doute Ligne Maginot, face à la loi du marché, au choix des consommateurs.
Et pourtant, il sera utile de prévenir les risques générés par l’Intelligence artificielle : après la boîte noire, n’est-elle pas la boîte de Pandore ?
Jean Kaminsky
Directeur de la publication