L’association Talents du Numérique recommande de systématiser la formation aux soft skills des étudiants et des professionnels du numérique. Elles sont déterminantes dans le succès des projets et l’attractivité dans un contexte de pénurie. Ce qui nécessite d’intégrer une démarche soft skills dans les établissements d’enseignement et de former managers et directions RH à l’évaluation de ces compétences transverses.
L’évolution des modes de travail, des technologies, comme l’intelligence artificielle, et des usages rendent la maîtrise des soft skills fondamentales au succès des personnes et des projets dans le domaine du numérique.
L’association et think tank Talents du Numérique, qui réunit établissements d’enseignement supérieur et entreprises du numérique, a récemment publié une note sur l’importance de ces compétences transverses, issue des réflexions et auditions de la commission compétences. Il lui paraît déterminant de comprendre qu’il ne s’agit pas uniquement d’acquisition de compétences, mais bien d’un changement de paradigme de ce qu’est un professionnel ou une professionnelle du numérique en 2023. « Avec la remise en cause des modes de collaboration (travail à distance, coopétition, travail en écosystème…), savoir donner du sens, communiquer et travailler en mode agile sont désormais des compétences fondamentales pour mener à bien et piloter des projets au sens large, et en particulier dans le domaine des systèmes d’information, explique Frédéric Dufaux, coprésident de la commission compétences de Talents du numérique (collège entreprises). Les compétences techniques sont toujours nécessaires mais les expertises complémentaires pour réaliser un projet étant de plus en plus pointues et variées, la capacité à communiquer, écouter et échanger autour d’un objectif commun est indispensable à la réussite d’un projet IT. »
C’est quoi, les soft skills ?
Les soft skills sont des compétences transversales, qui ne relèvent ni des strictes connaissances, ni des compétences techniques ou métier. Emotionnelles, cognitives, sociales et relationnelles, elles peuvent s’acquérir et se développer. Quatre compétences sont notamment utiles pour résoudre des problèmes complexes : créativité, pensée critique, communication et coopération.
“savoir donner du sens, communiquer et travailler en mode agile sont des compétences fondamentales pour mener à bien et piloter des projets”
Structurer l’apprentissage des soft skills en formation
Les entreprises du numérique regrettent que les soft skills soient, encore trop souvent, acquises en dehors de la sphère scolaire ou universitaire. De fait, dans les établissements d’enseignement supérieur, la dimension soft skills est encore trop souvent non structurée et/ou noyée au sein d’un corpus plus global tourné vers la dimension technique. Or, pour que ces compétences puissent être mobilisées à bon escient dans l’entreprise, selon l’environnement de travail et les circonstances, il est important que les personnes y aient été formées durant leur cursus scolaire et universitaire.
Pour Laurent Prével, coprésident de la commission compétences (collège établissements), « nous devons développer la formation de nos futurs ingénieurs selon trois axes : technique, organisationnel et humain pour qu’ils possèdent des soft skills. Celles-ci font partie du bagage standard d’un ingénieur souhaitant œuvrer dans le numérique. Il me paraît important de mettre à disposition des apprenants tous les moyens et occasions de les acquérir : à travers les cours, les projets, les expériences en entreprises, et idéalement, dans la vie associative et l’engagement étudiant. »
Les soft skills doivent s’intégrer dans tout projet d’établissement de formation, à travers un programme, des outils, ressources et moyens dédiés, une démarche et une vision à long terme et structurée inscrites dans la stratégie de l’établissement. Talents du Numérique recommande de créer une direction spécifique soft skills, chargée de la conception et du pilotage du programme et des intervenants. La direction générale doit porter la démarche pour qu’elle soit opérante.
Un changement de comportement ne peut être atteint que dans la durée et la répétition, en multipliant les moments et actions lors desquels on fait appel à ses soft skills. Les méthodes d’animation du programme doivent être résolument participatives : équipes-projets, jeux de rôle, exercices, mises en situation, classes renversées… Quelques exemples : formation soft skills par thématique, hackathons soft skills, accompagnement soft skills des projets techniques. La commission privilégie des modalités d’évaluation à travers les mises en situations (stage, exposé, projet, vie associative…) ou par les pairs. Cela passe également par la sensibilisation et la formation des enseignants.
Des compétences indispensables aux projets et au recrutement
Les compétences humaines transverses sont une condition décisive de la réussite des projets. Ainsi, la mise en œuvre de certains projets informatiques très onéreux depuis plusieurs décennies a été catastrophique du fait d’une mauvaise communication « Face aux défis auxquels nous sommes collectivement confrontés dès aujourd’hui, il est indispensable de décloisonner les métiers. Chaque projet, au quotidien, est nécessairement multi-facettes, multi-compétences, multi-fonctions. Pour être en mesure d’orchestrer un tel projet, il est essentiel de disposer de soft skills, » souligne Laurent Prével. « À l’heure des IA génératives et de l’infobésité, quel que soit le métier d’origine (codeur.se, designer, data scientist, expert.e fonctionnel.le, …) la pensée critique est fondamentale pour rester maitre de ses choix et garder un esprit ouvert aux idées des autres membres de l’équipe, » ajoute Frédéric Dufaux.
Ces compétences sont également un facteur d’attractivité des candidats alors que la pénurie règne. Elles représentent une occasion d’affirmer une proposition de valeur auprès de publics plus larges, notamment féminins, en quête de sens et parfois rebutés par la seule dimension technologique des métiers du numérique et des sciences informatiques.
Former managers et RH à évaluer les soft skills
Dans ce contexte, l’évaluation des soft skills des collaborateurs s’avère très importante. Dès le processus de recrutement et par la suite dans les référentiels métiers, lors des entretiens annuels et du suivi du collaborateur, elle permet de comprendre le potentiel d’évolution des candidats et celle des hauts potentiels de l’entreprise. La commission recommande donc que les équipes RH et les managers soient être formés à l’évaluation des soft skills.
L’attention portée aux soft skills en entretien de recrutement est certes forte pour les métiers en contact avec les clients, par exemple le support, sur des compétences de type capacité d’expression et gestion du stress. Mais la commission insiste sur le fait que les soft skills sont nécessaires et importantes pour l’ensemble des métiers du numérique.