Un décret du Premier ministre Manuel Valls adopté le 29 décembre 2014 vient d’inscrire dans le Code des assurances un nouveau cas d’usage de la lettre recommandée électronique. Le point avec Polyanna Bigle, avocat au Cabinet Alain Bensoussan. http://www.alain-bensoussan.com
Les textes spécifiques d’usage de la lettre recommandée électronique sont encore peu nombreux, ce qui limite son application à la conclusion et à l’exécution d’un contrat (cf. C. Civ. art.1369-8). Le décret n° 2014-1685 du 29 12 2014, relatif à la résiliation à tout moment de contrats d’assurances et portant application de l’article L. 113-15-2 du code des assurances, vient instituer à l’article R.113-12 III du même code l’usage de la lettre recommandée électronique.
Qui peut ici utiliser la lettre recommandée électronique ?
Le nouveau décret vise uniquement un usage entre assureurs : lorsqu’un nouvel assureur notifie à un précédent assureur la résiliation du contrat de l’assuré, il doit pour ce faire utiliser la voie de la lettre recommandée qui peut être électronique.
Quels contrats d’assurance sont concernés ?
Le nouveau décret vise les contrats d’assurance couvrant les personnes physiques en dehors de leurs activités professionnelles et qui peuvent être reconduits tacitement chaque année.
Pourquoi ? La loi n° 2014-344 du 17 03 2014 relative à la consommation dite « Loi Hamon » prévoit la possibilité pour l'assuré à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la première souscription, de résilier sans frais ni pénalités les contrats et adhésions tacitement reconductibles.
Il s’agit des contrats incluant une garantie de responsabilité civile automobile, ceux incluant une garantie de responsabilité des propriétaires ou occupants d’immeuble, ou constituant un complément d’un bien ou d’un service vendu par le fournisseur.
Dans quelles conditions la lettre recommandée électronique doit-elle être utilisée ?
Le décret fait expressément référence aux exigences du décret d’application n°2011-144 du 2 02 2011 relatif à l’envoi d’une lettre recommandée par courrier électronique pour la conclusion ou l’exécution d’un contrat.
Ainsi, l’assureur devra utiliser les services d’un tiers achemineur qui satisfait aux conditions du décret de 2011 précité, afin d’adresser sa notification par lettre recommandée électronique.
Le code des assurances précise que la date de réception de notification de la résiliation du précédent contrat d’assurance est présumée être le premier jour qui suit la date de son dépôt auprès du tiers achemineur.
La lettre recommandée électronique est ainsi particulièrement intéressante car :
->le tiers chargé de l'acheminement doit conserver pendant un an les informations relatives au dépôt, ainsi que le document original électronique et son empreinte informatique.
->L'expéditeur – donc l’assureur – a accès, sur demande au tiers chargé de l'acheminement, à ces informations ainsi qu'à la lettre recommandée électronique et à son empreinte informatique. Il peut en obtenir une copie pendant un délai d'un an.
“Pratique et efficace, la lettre recommandée électronique ne se formalise plus des heures d’ouverture de bureau, et permet de reporter la charge de la preuve du dépôt sur le tiers achemineur pendant un an.”
Il s’agit maintenant de s’interroger sur les conditions d’application de la lettre recommandée électronique entre assureur et assurés… sachant qu’il ne semble pas utile d’attendre un nouveau texte en la matière…
Pour l’assuré, l’envoi d’un support durable à l’assureur suffit
En effet, l’article R.113-12 III du code des assurances prévoit également que la demande de résiliation du contrat d’assurance en vue de contracter une nouvelle assurance, peut être faite par l’assuré « par lettre ou tout support durable » adressé au précédent assureur.
Or selon la jurisprudence, la notion de support durable est moins stricte : il vise des courriers électroniques simples, mais semble pour l’instant exclure les « espaces perso » des sites web des prestataires.
En conclusion, les compagnies d’assurance qui se lancent dans la dématérialisation devront prévoir et auditer les modalités juridiques, organisationnelles et fonctionnelles de leurs parcours numériques pour pouvoir gérer la réception des lettres de résiliation adressées sur support durable par les assurés, ainsi que la réception des lettres recommandées électroniques de leurs concurrents.