Au Conseil des ministres de ce mercredi 10 mai, Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, va présenter un projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique. Lors d’une conférence de presse à laquelle la rédaction a assisté, Jean-Noël Barrot nous a livré les détails du projet. En voici une synthèse.
“Aujourd’hui, tous les Français sont concernés par les désordres des agressions en ligne et, en particulier, les plus vulnérables que sont nos concitoyens les plus modestes et les plus éloignés du numérique, les enfants, qui subissent des atteintes brutales à leur innocence, nos entreprises, que la loi du plus fort place dans une dépendance à l’égard des géants du numérique et, enfin, notre démocratie, soumise aux coups de boutoir des professionnels de la désinformation et des ingénieurs du chaos, a introduit Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications. Face à cette accumulation de désordres qui viennent jusqu’à questionner la pertinence de la transition numérique chez certains de nos concitoyens, nous faisons suite, avec un projet de texte de combat, aux initiatives prises très récemment par Bruno Le Maire pour réguler l’activité des influenceurs et apportons des réponses concrètes aux inquiétudes, aux difficultés et aux souffrances que cause le numérique dans la vie quotidienne des Français.”
Premier chapitre : protéger nos concitoyens avec notamment trois mesures
Le projet de loi instaure des protections nouvelles et vient donc protéger les concitoyens, les enfants, les entreprises et les collectivités ainsi que la démocratie. Ce projet est découpé en quatre chapitres dont voici les principales mesures.
- Le filtre anti-arnaques qui servira de rempart contre les campagnes de faux SMS. 18 millions de Français ont été victimes de la cybercriminalité l’année dernière dont la moitié a perdu de l’argent. “Il faut donc couper le mal à la racine et dévitaliser le commerce de ces mafias sans foi ni loi qui se sont professionnalisées et ont fait de nos tablettes et de nos smartphones leur nouveau territoire de racket”, a ajouté Jean-Noël Barrot.
- Deuxième mesure, une peine complémentaire de bannissement pour les personnes reconnues coupables de cyberharcèlement. “Ces violences sont le fait de responsables qui, se pensant à l’abri derrière un pseudonyme, propagent la haine comme un incendie sur les réseaux sociaux en enflammant leur communauté et en déclenchant de véritables raids de harcèlement. Il nous faut donc mettre fin à ce sentiment d’impunité en ligne et c’est le but de cette mesure de peines complémentaires, de bannissement qui, à l’image du dispositif des interdits de stade, préviendra la récidive. Elle frappera les chefs de meute là où ça fait mal et les privera de leur caisse de résonance en confisquant leur notoriété”, a précisé le ministre délégué.
- Troisième mesure, l’encadrement des nouveaux types de jeux en ligne. Avec ce texte, la France définira un régime pionnier et protecteur des utilisateurs pour encadrer les jeux numériques fondés sur les technologies émergentes du Web 3 et offrira les garanties nécessaires de protection des mineurs et de lutte contre le blanchiment tout en permettant le développement en France de ce type d’ activité.
Deuxième chapitre : protéger les enfants avec deux mesures fortes
- La première avec le blocage, voire le déréférencement, et des amendes dissuasives prononcées par l’Arcom à l’encontre des sites pornographiques qui ne vérifieront pas l’âge de leurs utilisateurs. Des mesures qui pourront être prises en quelques semaines pour mettre fin à l’exposition de nos enfants à ces contenus pornographiques, puisque 2 millions d’enfants parmi les plus jeunes sont exposés chaque mois aux contenus pornographiques en ligne dans notre pays. Jean-Noël Barrot rappelle “qu’à douze ans, un tiers de nos enfants a déjà été exposé, ce qui porte des conséquences très lourdes pour leur développement affectif de long terme. Pourquoi ? Eh bien parce que les sites pornographiques ne vérifient pas l’âge de leurs utilisateurs malgré l’obligation qui leur en est faite par la loi. Il nous faut donc soustraire nos enfants au déferlement d’images porno en accès libre sur Internet déversés par ces mercenaires cupides et irresponsables qui considèrent que leurs recettes publicitaires, le trafic sur leurs sites valent mieux que la santé de nos enfants. Une procédure judiciaire est en cours qui vise cinq de ces sites. Le verdict sera rendu au mois de juillet et je souhaite qu’il soit exemplaire pour l’avenir.” Cette mesure renforce les pouvoirs de l’Arcom pour agir plus vite et plus fort.
- Deuxième mesure, une peine d’un an d’emprisonnement et 250 000 € d’amende pour les hébergeurs qui ne retireront pas les contenus pédopornographiques qui leur sont signalés par la police et la gendarmerie en moins de 24 h, sur le modèle de la sanction qui s’applique aux non retrait des contenus terroristes. Pour rappel, l’année dernière, ce sont 74 000 demandes de retraits de contenus pédopornographiques qui ont été adressées aux hébergeurs.
Le troisième chapitre vise à protéger les entreprises et les collectivités avec deux mesures
- La première est l’interdiction des frais de transfert, l’encadrement des avoirs commerciaux et la portabilité imposée sur le marché du Cloud qui est un marché concentré entre les mains d’une poignée d’entreprises qui abusent de leur position dominante et se livrent à des pratiques commerciales déloyales, plaçant les entreprises dans une situation de dépendance et d’assujettissement. “Il faut en finir avec la loi du plus fort et libérer nos entreprises de leur joug numérique, a déclaré Jean-Noël Barrot. Une question de souveraineté qui est une des priorités de l’action que nous menons avec Bruno Le Maire.” Cette mesure sur le Cloud permettra aux entreprises françaises de changer beaucoup plus facilement qu’aujourd’hui de fournisseurs de Cloud en faisant jouer la concurrence entre les fournisseurs.
- Deuxième mesure, la création d’une base de données unique pour recenser l’activité des meublés de tourisme. “Nous pérennisons avec cette mesure l’expérimentation qui a été lancée suite aux lois Élan et Engagement et proximité en associant cinq communes et cinq plateformes de location. Cette fois-ci, on la généralise pour faciliter la régulation par les collectivités de ses activités de meublés de tourisme et en particulier le contrôle de la limite de 120 nuits par an qui est particulièrement difficile à établir”, a précisé le ministre délégué.
Quatrième chapitre : protéger la démocratie
Il s’agit ici d’une mesure permettant la mise en demeure voire le blocage des sites internet diffusant des médias frappés par les sanctions internationales comme celles prises contre les médias russes, RT France et Sputnik. “La désinformation sur Internet est l’une des menaces les plus lourdes qui pèsent sur nos démocraties. Nous l’avons vu au Capitole et avec la montée des mouvements anti-VAX qui aurait pu entraîner une aggravation de la situation sanitaire. Nos ennemis dévoient la liberté d’expression pour instiller le mensonge comme un poison dans le débat public. Cette mesure permettra de contrer efficacement et rapidement la propagande des ennemis de la démocratie”, a terminé Jean-Noël Barrot.
Un projet de loi formé à partir de trois affluents
- Le premier concerne les deux règlements européens portés par la France l’année dernière et destinés à mettre fin aux abus des géants du numérique. D’une part, le règlement sur les services numériques, le DSA (Digital Services Act), qui fait entrer les grandes plateformes dans l’ère de la responsabilité et qui leur impose des obligations de modération des contenus des sites qui leur sont signalés, qui les enjoint à analyser et corriger le risque systémique qu’elles font peser sur le bien-être, la santé de leurs utilisateurs ou sur la qualité du débat public qui leur interdit de proposer de la publicité ciblée sur les mineurs et qui les contraint à faire auditer leur algorithme. Et, ensuite, le règlement sur les marchés du numérique, le DMA (Digital Market Act), qui a pour objet, lui, de rétablir l’équité commerciale dans l’économie numérique et de favoriser l’émergence d’acteurs français et européens au travers de 26 interdictions correspondant à des pratiques commerciales déloyales comme l’auto-préférence (installation par défaut d’un navigateur, d’un moteur de recherche ou d’un assistant personnel sur un smartphone) ou l’utilisation par un service d’une entreprise des données personnelles utilisées sur un autre service opéré par la même entreprise.
- Le deuxième affluent repose sur les travaux parlementaires, émanant de députés et de sénateurs issus de toutes sensibilités politiques allant des communistes aux républicains. Jean-Noël Barrot fait référence ici au rapport des sénatrices Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol sur l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques et aux rapports sur la souveraineté numérique avec d’une part celui des sénatrices Amel Gacquerre, Sophie Primas et du sénateur Franck Montaugé et, d’autre part, celui du député Philippe Latombe
- Le troisième affluent, ce sont les consultations qui ont été menées ces derniers mois au sein du Conseil national de la refondation.