Il y a seulement quelques années, les États-Unis étaient divisés sur le nouvel isolationnisme du président Trump, ses alliés et partenaires commerciaux profondément inquiets par les chants de ses partisans « Construisez le mur ! ». Pourtant, dès que la pandémie a frappé, ces mêmes pays se sont précipités pour ériger leurs propres barrières commerciales.
Non seulement les restrictions accrues aux frontières n’ont pas réussi à empêcher le virus d’entrer, mais elles ont également rendu les efforts pour le combattre plus difficiles. Les événements qui se déroulent en Ukraine ajoutent une dimension encore plus difficile à l’environnement commercial mondial. Selon un rapport récent, plus de 300 000 entreprises ont déjà constaté un impact significatif sur leur chaîne d’approvisionnement depuis le début de la guerre. Ce nombre continuera d’augmenter à mesure que le conflit se poursuivra et que les sanctions commenceront à arriver. Alors que l’inflation atteint déjà son plus haut niveau en 30 ans, les entreprises de pratiquement tous les secteurs sont confrontées à la hausse des coûts. Les mesures de résilience, qui comprennent le maintien de niveaux de stocks plus élevés pour faire face aux cycles volatils de la demande, ajoutent à la pression.
Le danger d’une mentalité « d’état de siège »
Dans un monde parfait, acheteurs et fournisseurs travailleraient ensemble pour relever des défis communs. Un certain nombre de facteurs les en empêchent, notamment l’instinct primaire d’auto-préservation. De nombreuses grandes organisations n’ont pas tardé à ériger leurs propres barricades au début de la pandémie, annulant les commandes des fournisseurs et reportant les paiements pour protéger leur propre trésorerie. Ce type d’attitude est une réponse naturelle à des événements déconcertants comme le Covid-19, et ce n’était pas nécessairement la mauvaise réaction, à court terme. Les mesures de verrouillage rapides et sévères de la Chine ressemblaient à un coup de maître au début de la pandémie, avec des usines à nouveau opérationnelles en quelques semaines. Cependant, les mêmes mesures strictes de Covid deviennent maintenant un obstacle majeur à la reprise.
La relation problématique entre acheteurs et vendeurs
Il est assez facile de blâmer le Covid pour les barrières qui continuent d’entraver les chaînes d’approvisionnement, mais les murs entre les entreprises se sont en fait érigés bien avant la pandémie. En effet, pendant des décennies, les entreprises ont adopté une approche d’approvisionnement « en étoile », la production dépendant entièrement d’un petit cercle de fournisseurs opérant dans le « jardin clos » de l’acheteur. Ces éléments ont permis aux organisations de réduire considérablement les coûts grâce à des modèles de fabrication juste à temps. Mais ils offraient très peu de visibilité au-delà des relations de premier niveau. Les entreprises n’avaient aucune idée des relations de leurs fournisseurs avec d’autres organisations en aval de la chaîne et, par conséquent, de leur santé globale. En bref, ils étaient dans une prison de leur propre fabrication, aveugles aux problèmes potentiels qui pourraient affecter leurs fournisseurs et par la suite, eux-mêmes. Globalement, les petits fournisseurs détiennent la clé pour résoudre la crise, voire la prévenir en premier lieu : si les fabricants avaient une vision plus globale des activités de leurs fournisseurs, ils seraient en mesure d’anticiper quand ils sont sur le point de subir des pressions et de passer à l’action.
L’effet réseau
Les chaînes d’approvisionnement les plus efficaces et les plus résilientes sont des écosystèmes de fournisseurs, de distributeurs et de détaillants qui travaillent sur des plateformes d’échanges digitales. Il s’agit du seul modèle qui permet aux entreprises participantes d’échanger des informations en temps réel, de prévoir avec précision les évolutions de la demande et de communiquer efficacement avec leurs partenaires. Faire cette transition est plus qu’un changement de mentalité ; cela nécessite une nouvelle méthodologie, soutenue par une technologie qui ressemble davantage à un réseau social, et où chaque entreprise a la même opportunité de faire partie de la communauté et de tirer profit de sa participation. La technologie n’est en aucun cas la solution ultime aux problèmes. La vraie valeur que la technologie apporte est la visibilité, les options et le temps qu’elle nous offre en tant qu’êtres humains. Tous ces atouts seront cruciaux pour maintenir des relations solides en ces temps incertains.
Par Christian Lanng, CEO Tradeshift