Le cloud fait rêver. Il promet aux DSI de revenir dans le jeu des métiers, par un meilleur time to market et un passage à l’échelle simplifié, face à un shadow IT dont l’attrait ne faiblit pas.
Les chiffres des cloud service providers, toujours en forte croissance, cachent pourtant une réalité en demi-teinte.
En effet, la mise en œuvre du cloud interroge la capacité des DSI à se transformer et à proposer de nouveaux modèles de delivery, qui n’ont peu ou pas évolué depuis l’émergence des ERP.
Parler du Cloud comme la panacée de la transformation numérique n’est-ce pas se mettre en quête d’un eldorado bien trop beau pour être vrai ?
La promesse du cloud : moins cher, plus simple et plus agile
Dès le départ, la promesse du cloud présente un tropisme économique fort qui fait écho aux injonctions de performance des DSI. Avec l’enrichissement des catalogues de services des Cloud services providers et les attentes des métiers en matière de transformation digitale, l’offre Cloud a construit sa promesse autour de trois invariants :
Un tropisme économique :
Une réduction globale des coûts et une amélioration de la capacité d’investissement redirigée vers les enjeux métier. Attention toutefois, le bilan économique de la transformation cloud « toutes choses égales par ailleurs » est complexe à dresser et doit être interprété avec précautions : la baisse du coût des workloads allant souvent de pair avec une croissance de la demande.
L’idéal de la simplification
Une simplicité induite par l’externalisation de pans entiers de la gestion des infrastructures IT, généralement coûteuses et complexes. Toutefois 70 % des entreprises ont opté pour un cloud hybride, requérant d’appréhender une infrastructure combinant plusieurs Clouds ainsi que des infrastructures historiques, loin de la promesse initiale d’un cloud homogène.
L’attrait de l’agilité
Pour épauler les métiers avec un time to market toujours meilleur, ainsi qu’une fluidité de l’expérience ATAWADAC (Any Time, Any Where, Any Device, Any Content) pour les utilisateurs finaux.
La promesse des cloud service providers fait ainsi parfaitement écho aux enjeux des DSI. Ces derniers affirment d’ailleurs que les principaux déclencheurs de leur transformation cloud sont la performance économique et l’accélération des projets.
Derrière une promesse relativement monolithique se cache une multiplicité de fournisseurs et de technologies différentes. Charge aux DSI de choisir par quel chemin conduire la transformation numérique.
L’enjeu stratégique : le cloud requestionne le métier des DSI
Le Cloud, levier de différenciation business
Dans un contexte où la transformation digitale s’impose comme un avantage concurrentiel décisif et un facteur de résilience en période de crise, les attentes vis-à-vis des DSI se renforcent. La transformation Cloud, avant même sa dimension technique, nécessite de réaliser des choix stratégiques pour les DSI.
Le Cloud compose un nouvel écosystème de partenaires. Le choix du partenaire et la cohérence de la relation fournisseur est une des clés de la réussite.
L’engagement avec un fournisseur, partenaire au long cours, engendre de nombreuses questions relatives à la sécurité, la flexibilité, au coût, à l’intégration avec l’existant, la disponibilité ou encore la résilience. Il y va d’un choix et d’un engagement stratégiques. Si dans leur grande majorité les Directeurs des systèmes d’information (DSI) plébiscitent leur fournisseur partenaire, ils doivent pourtant trouver le meilleur équilibre. D’un côté, la nécessité d’un engagement contractuel long qui permette de bénéficier d’une tarification avantageuse et d’un support réactif. De l’autre, le besoin de flexibilité sur les plans opérationnel (possibilité d’adapter le volume, d’utiliser tout ou partie du catalogue de services) et économique (pay as you go).
Le choix de fournisseur s’accompagne d’un repositionnement de l’activité des DSI
Ce repositionnement s’opère à deux titres au moins :
Il s’agit d’abord d’endosser le rôle de Cloud Broker. Le DSI doit garantir l’adéquation entre les besoins métiers et les technologies cloud adoptées. Ce rôle s’avère d’autant plus complexe que les cloud services providers proposent des technologies évolutives et des catalogues de services toujours plus complets.
Il faut par ailleurs assurer le rôle de FinOps. La « cloudification » de l’infrastructure IT bouleverse les métiers associés et repositionne de facto la plus-value des DSI sur le bon usage des solutions adoptées. Le FinOps représente ainsi un enjeu clé : en matière d’acquisition de savoir-faire – ressources, outils, processus – mais aussi de gouvernance.
Le cloud permet une flexibilité des usages, imposant aux DSI et aux métiers de repenser leur dialogue de gestion mais également d’opérer une bascule dans leur mode de fonctionnement. Il s’agit de passer d’un fonctionnement essentiellement transactionnel et planifié (nombre d’utilisateurs, de connexions, etc. prévus à l’avance) à un suivi et un accompagnement des usages.
Ainsi, au-delà du défi technologique et de l’enjeu économique, la transformation cloud consiste en un renouveau majeur du métier des DSI et donc de leur repositionnement. La mobilisation des métiers sur un sujet souvent perçu comme éloigné de leur expertise est un véritable défi pour les acteurs du numérique.
L’enjeu opérationnel : repenser l’activité des DSI de façon horizontale et dé-silotée
Après des années de recherche d’optimisation de processus à des fins de performance opérationnelle, le cloud donne aux DSI une nouvelle perspective d’état de l’art. Il leur offre aussi une opportunité de repenser l’activité de façon transverse pour enclencher des transformations.
D’abord repenser leur fonctionnement à l’aune des attentes des métiers pour permettre plus d’horizontalité et répondre au besoin de réactivité et de souplesse. Cela suppose de casser les silos d’activités traditionnellement taylorisées et hyper-spécialisées à des fins de performance, qui sont en place depuis plusieurs décennies.
Au-delà des organisations à aplatir, il est nécessaire de refondre les processus pour passer à approche intégrée. Cela permettra la mise en œuvre du DevOps, et, plus largement, de repenser l’ensemble des activités de développement, d’intégration, de déploiement, d’exploitation dans un fonctionnement en équipes pluridisciplinaires intégrées.
Enfin, la transformation des compétences doit supporter la refonte structurelle des activités IT. Cette restructuration porte autant sur les soft skills que sur les expertises techniques. Ces compétences sont rares sur le marché et les DSI, habitués à une forte externalisation, ont jusqu’alors que trop peu valorisé leur marque employeur pour favoriser aujourd’hui ces recrutements.
L’enjeu technologique : le cloud engendre un changement de paradigme du réseau, du legacy, et dela sécurité
Au-delà des innovations apportées par le cloud, les DSI amorcent également cette transformation pour consolider leur cœur de métier sur les services historiques. La standardisation et la sécurisation du système d’information ainsi que l’amélioration de la qualité de service délivrée en sont de bons exemples.
Que faire de son legacy ?
Toute organisation se lançant vers une transformation vers le cloud se heurte à l’obstacle de son système d’information historique. Le legacy est devenu au fil du temps un outil cœur de métier, souvent sur mesure, indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise. Il répond à des processus métiers établis et stables. Alors, pourquoi remettre nécessairement en cause ce legacy pour une stratégie full cloud ?
Une nouvelle approche de la sécurité
Sécurité informatique et Cloud ont longtemps été antinomiques. Que l’argument soit fondé ou un simple prétexte, la sécurité a souvent été un point de blocage majeur pour envisager une transformation de système d’information métier. De nouveaux enjeux apparaissent, tels que la gestion de la multiplication des applications Web, le potentiel de l’IoT, les accès multi-localisés et le télétravail en croissance. De nouveaux chantiers pour les DSI et Responsables sécurité des systèmes d’information qui doivent s’adapter en prenant conscience des nouveaux périmètres et de la répartition de l’effort de sécurité à entreprendre.
Un réseau pour les supporter tous
La « cloudification » des systèmes d’information fait vivre une véritable révolution dans la façon de déployer le réseau d’entreprise. L’arrivée massive, ces dernières années, d’applications cloud native, rebat les cartes des réseaux WAN et apporte de nouvelles contraintes d’accessibilité et de performance.
Le Cloud, vaccin anti-covid du DSI ?
La crise sanitaire a mis à l’épreuve la continuité de l’activité économique, par un recours au télétravail généralisé. Les DSI et leurs fournisseurs ont dû relever un double défi : celui de s’adapter dans un temps court et celui de maintenir un dispositif parfois dégradé sur la durée. Cette période a engendré une prise de conscience quant à la nécessité d’accélérer leur transformation numérique.
A moyen terme, le contexte économique en tension imposera aux DSI de retrouver un équilibre. En effet les DSI ont pu démontrer tout au long des derniers mois leur rôle essentiel à l’activité sans que soit relégué leur positionnement historique de centre de coûts. Dans un contexte de reprise d’activité, les choix réalisés dans l’adoption du Cloud – levier de performance économique ou de différenciation business – influeront sur cet équilibre et détermineront certainement leur positionnement à venir.
Cette analyse se nourrit d’une étude que les cabinets Almond et Eurogroup Consulting mènent conjointement auprès d’un panel représentatif de leurs clients (Chief information Officers, Chief technical Officers et et Chief Information Security Officers). Un livre blanc paraitra en septembre.
Nicolas Bartel, Associé – Eurogroup Consulting
Vincent Montagné, Manager – Eurogroup Consulting
Maxime Gardereau Partner Digital & Technology – Almond
Udaya Léost, Manager – Almond