La transformation digitale dans les grandes organisations est en vogue, et a un impact quotidien dans la vie de leurs employés : ils sont submergés de nouvelles applications informatiques, à utiliser tous les jours ou presque. Selon le cabinet Josh Bersin, ce n’est pas moins de 20 applications qui figurent en moyenne sur le poste de travail !
Cette digitalisation à outrance a des conséquences sur la façon de travailler. D’un côté, le digital casse des silos et ouvre des modes de collaboration inédits : partage et travail simultané sur les fichiers bureautiques, travail à distance et télétravail, passage de l’email unidirectionnel à la messagerie de groupe (slack, Microsoft Teams).
De l’autre, les process sont beaucoup plus encadrés et normés. De la même façon que pour sa vie personnelle ” il y a une application pour tout ” (faire les courses, faire un trajet en voiture, etc.), pour chaque process et tâche de l’entreprise, il y a également une application digitale pour tout geste. Sauf que les règles inhérentes à chacune de ces applications est déterminée par l’entreprise, et non pas par ses employés.
C’est pour cette raison qu’il devient obligatoire pour chaque employé non seulement de maîtriser ces nouveaux outils, mais également de s’y conformer. Maitriser Powerpoint et un CRM est la base pour un commercial. Savoir naviguer dans un ERP et passer des heures sur Excel est le quotidien d’un financier. La nouveauté, c’est que c’est aussi vrai pour les notes de frais de son dernier déplacement, pour faire une demande d’achat, ou pour faire une demande de création de poste, etc.
Contrairement aux idées reçues, tout cela n’a rien d’évident, même pour les plus jeunes. Tout d’abord car les applications d’entreprise ne sont pas toutes aussi ergonomiques que celles que l’on a sur son smartphone. Ensuite car il ne s’agit pas que d’utiliser mais bien de se conformer à un process d’entreprise, qui souvent comporte de nombreuses règles.
Dans ce contexte, se former aux outils digitaux et à ces nouveaux process est essentiel. On comprend bien que la transformation digitale ne sera réussie que si les employés maitrisent ces outils. Pour autant, les entreprises doivent-elles se lancer dans de vastes programmes de formation, comme dans les années 2000, où la formation informatique était une discipline à part entière ?
Peut-être pas, car ces nouveaux outils digitaux induisent de mettre en place de nouvelles approches de formation. Le digital est un ” must have “, pas un savoir ou une compétence qui différencie deux employés entre eux.
En premier lieu, le rythme de mise en place, et donc d’adoption de ces nouveaux outils est particulièrement rapide. Là ou un ERP mettait plusieurs années à se mettre en place dans l’entreprise, les cycles sont maintenant parfois inférieurs à un an. L’arrivée du SaaS (Software As A Service) fait également que les applications évoluent plus fréquemment, et les process également. Il est donc nécessaire de former en continu et tout du moins beaucoup plus régulièrement.
Cela pose cependant des problèmes. Là où on formait en présentiel au déploiement d’une nouvelle version de Windows / Office tous les 2 ou 3 ans, il devient assez inimaginable de former à chaque amélioration de Microsoft Office 365. C’est tout simplement ingérable au vu du rythme des nouveautés (des dizaines de nouveautés par mois) !
En second lieu, les besoins des employés ” apprenants ” ont changé. Théorisé par Bersin, l’Apprenant Moderne n’a pas le temps de se former, et a surtout le souci d’être opérationnel, pas de devenir un expert des 20 applications qui figurent sur son poste de travail. Nous sommes bien loin du parcours de formation qui valide des acquis. Place à la pratique et à l’efficacité. Le premier réflexe d’un utilisateur est maintenant d’ouvrir son application et d’essayer de se débrouiller par lui-même. S’il est bloqué, il va demander à un ou une collègue, appeler le support ou essayer de consulter une aide en ligne. En aucun cas il ne s’inscrira à une formation, car ce qui est important est de réaliser la tâche qui lui est assignée.
Nous passons donc d’une approche plutôt proactive (former avant d’utiliser) à une approche plutôt réactive (utiliser puis former sur l’instant). La formation informatique se confond alors presqu’avec une forme de support à la demande, au moment où la personne en a besoin, c’est-à-dire en face de son écran, dans son application – donc en temps réel. Nous retrouvons ici une composante essentielle du digital (et sans doute de notre époque) : l’accélération du temps et le besoin d’immédiateté.
Autre facteur amené par le digital : la personnalisation. Il s’agit ici de prendre en compte le profil de l’employé, son niveau de maturité digitale (est-ce un novice ou un expert ?) afin d’adapter la formation à l’utilisateur. Il est par exemple inutile d’expliquer à un ” digital native ” comment faire un ” post ” sur un réseau social. On peut par contre lui expliquer quelle nature d’information il doit y mettre.
Ces tendances fortes se matérialisent aujourd’hui par l’apparition d’assistants digitaux ou virtuels, de plus en plus nombreux, sous forme de chatbots ou de programmes automatisés, embarquant une intelligence plus ou moins artificielle. Leur job ? Rendre la vie plus facile en exécutant ou en apportant de l’assistance le plus rapidement possible, et de manière personnalisée. Dans ce cadre, la formation devient bien obsolète ou plus exactement elle se fond dans le fonctionnement de l’assistant ou de l’application. C’est d’ailleurs déjà le cas pour les applications mobiles d’entreprise, car avoir une formation pour ce type d’application, c’est avouer qu’elle n’est pas simple et utilisable.
La formation informatique / digitale doit donc se fondre elle-même dans ces nouveaux outils digitaux. Pour reprendre l’exemple des applications mobiles, peut-être faut-il s’inspirer des applications de jeux qui embarquent au sein même de leur fonctionnement des moyens de mettre à l’étrier l’utilisateur et de maintenir son intérêt (didacticiels embarqués, système de points et badges). Tout ceci au bon moment, quand il en a besoin.
Par Toan Nguyen, CEO de Shortways