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Et si la robotisation en col blanc redonnait la part belle à l’humain ?

Après l’industrie, les fonctions tertiaires sont à leur tour gagnées par la révolution robotique avec les solutions dites Robotic Process Automation. Et pour cause. En introduisant la RPA dans leur système d’information, les entreprises font coup double : elles modernisent leur ERP vieillissant, vital pour les métiers mais gourmand en interactions humaines ; en libérant les opérationnels de tâches administratives ingrates, exécutées par les robots, elles redonnent des lettres de noblesse aux métiers du back-office.

Les robots sont-ils là pour nous aider ou nous remplacer ? Alors qu’on observe depuis une quinzaine d’années un mouvement d’automatisation massive du travail, les craintes de voir la machine supplanter l’humain se multiplient. Cette question de l’impact sur l’emploi se pose, il est vrai, à chaque grande vague d’innovation. Le débat a été encore ravivé lorsqu’Amazon a ouvert à Seattle son magasin d’alimentation, sans vendeurs ni caissiers, truffé de caméras pilotées par des algorithmes puissants. Avec une large part des tâches confiée à des robots et des logiciels, le point de vente n’aurait besoin que d’une poignée d’employés pour fonctionner, faisant passer à la trappe le métier de caissier, manuel et peu qualifié.

L’étape ultime visée par l’enseigne serait-elle de ne plus avoir aucun personnel ? L’épreuve du terrain a pour l’heure montré que non. Si l’objectif d’Amazon – faire gagner du temps au client en supprimant l’irritant que constitue le passage en caisse – est globalement atteint, le magasin doit néanmoins faire appel à des opérateurs pour surveiller les vidéos et vérifier que les bons produits sont facturés à la bonne personne. L’espace de travail a certes évolué mais l’humain n’a pas disparu. Ce n’est pas parce qu’une activité est robotisée qu’elle peut se dispenser de salariés, rappelle ainsi France Stratégie.

Supprimer les irritants utilisateur dans les processus

Cette idée de supprimer les irritants et autres goulets d’étranglement est aussi celle qui prévaut dans la nouvelle révolution robotique qui s’engage au sein des entreprises, auprès des cols blancs cette fois. L’automatisation via des algorithmes, proposée par la technologie RPA, vise en effet à prendre en charge, bien plus rapidement et sûrement que ne saurait le faire l’humain, l’exécution de tâches répétitives, chronophages et sans valeur ajoutée. Configurés selon un ensemble de règles prédéfinies (des scripts), ces robots permettent d’automatiser ces tâches en imitant les interactions humaines avec les systèmes d’information. En cible notamment, les fonctions amenées à manipuler d’importants volumes de données, matières premières des ERP. La finance, les RH, les achats, la gestion de maintenance des équipements ou encore la gestion des données de référence recèlent ainsi nombre de processus et de sous-processus matures et stables qui sont d’excellents candidats à l’automatisation. Dans le domaine de la finance, on peut citer par exemple les opérations de clôtures, de rapprochement bancaire, de gestion des normes IFRS ou encore la création de compte clients / fournisseurs.

Le traitement manuel des données (collecte, saisie, mise à jour) au sein de ces processus peut vite se révéler ingrat pour l’utilisateur métier dès lors qu’il faut interagir avec l’ERP, ou entre l’ERP et plusieurs systèmes hétérogènes. En particulier lorsque cela exige qu’il passe des heures devant son écran à exécuter des séquences d’action répétitives. A titre d’exemple, une simple création d’article peut nécessiter jusqu’à 13 transactions dans SAP. Non seulement la tâche est laborieuse mais le traitement manuel constitue un facteur élevé de risque d’introduire des données de mauvaise qualité dans l’ERP. Lorsque l’utilisateur doit de plus aller chercher les informations dans une feuille Excel ou dans un mail, le nombre d’opérations se multiplie, et augmente le nombre d’erreurs. La gestion de ces erreurs, souvent détectées tardivement, ne fait qu’ajouter au coût de traitement assumé par l’entreprise, d’autant plus qu’elles sont traitées selon les même modalités, en devant en plus trouver l’information dans des écrans différents.
RPA générique ou spécifique ?

La technologie RPA va permettre d’exécuter ces interactions avec les applications en lieu et place de l’utilisateur mais toujours sous son contrôle, à travers le monitoring des activités et la génération d’alertes en cas d’erreurs. Insérés dans le processus, les logiciels RPA réduisent de façon spectaculaire les temps de traitement. Pour l’entreprise, les bénéfices paraissent substantiels : gains de productivité sur des centaines ou milliers de processus, réduction des coûts, meilleure qualité des données, conformité, amélioration de la compétitivité (accélérer les transactions peut faire la différence auprès des clients). Ceci étant posé, quelle solution faut-il choisir, sachant que le marché, selon le Gartner, se partage entre RPA générique et spécifique ?

La différence majeure réside dans leur façon de travailler avec l’ERP. Les RPA génériques sont des solutions dites de surface qui travaillent au niveau des interfaces des applications (IHM – Interface Homme Machine). Ils présentent le grand avantage de pouvoir s’adapter facilement à tous processus, en environnement hétérogène. Ils sont dédiés à des processus inter systèmes dans lesquels les informations doivent être transférées entre des systèmes hétérogènes(par exemple un mail et un ERP). Les processus concernés ont trois grandes caractéristiques : ils font l’objet de volumes important, sont fortement répétitifs et ne nécessitent aucune prise de décision.

Inconvénient, les traitements sont ralentis dès qu’il faut interagir avec l’ERP, régi par de fortes contraintes de sécurité et de gouvernance. Il est alors nécessaire d’éduquer le robot pour qu’il accomplisse des taches spécifiques, pas à pas. Ces phases de programmation sont très lourdes et obèrent fortement la rentabilité d’un modèle initialement prometteur. Et les robots qui s’appuient sur les formes d’affichage seront également sensibles à toute modification de configuration.

A contrario, les solutions RPA spécifiques, dédiées à un environnement ERP, se montrent plus robustes et performantes parce qu’elles utilisent directement les protocoles de communication du système (par exemple la couche RFC de SAP). Benchmarks à l’appui, le gain de temps est substantiel. Les RPA spécifiques seront par contre moins bien taillés pour automatiser certaines tâches, comme aller extraire une pièce jointe d’un email ou consulter un portail web pour collecter une information.

A l’heure de choisir, l’entreprise devra aussi s’interroger sur la facilité d’utilisation de ces outils par les lignes métier, les mieux placées pour bien appréhender les processus et les données à manipuler. Elle devra également vérifier la rapidité de développement d’un robot. Le rapport peut être de quelques semaines contre quelques jours entre les deux technologies. Les quick wins seront plus faciles à obtenir avec un RPA spécifique, car la solution est plus légère. Pour autant, l’entreprise n’est pas tenue de choisir et beaucoup dépend de la cartographie des processus éligibles à l’automatisation. En pratique, les deux solutions sont tout à fait complémentaires. Associées – le robot spécifique est alors utilisé en sous-processus d’un robot générique – elles permettent d’automatiser de façon optimale des processus de bout en bout.

Des métiers revalorisés

Si la technologie RPA fait assurément gagner en productivité, les salariés en front ou back office sont-ils menacés ? En réalité, les emplois menacés de totale destruction sont moins nombreux qu’on ne le croit : 10 à 15 % selon les études. Car la grande majorité d’entre eux ne sont que partiellement automatisables.

Dans le cas de la robotisation en col blanc, celle-ci permet avant tout de libérer une partie du temps de l’opérationnel, lequel peut alors se recentrer sur des tâches à réelle valeur ajoutée. En somme, le robot évite à l’humain d’avoir à travailler … comme un robot. Suppléé par la machine pour les tâches rébarbatives, il peut développer des missions qui feront davantage appel à ses fonctions cognitives : anticipation, analyse, décision, créativité. Des domaines pour lesquels le robot n’a pas encore d’aptitude. Dans ce cadre de partage intelligent des tâches, on parle de cobot, pour collaborative robot. Il est d’ailleurs essentiel dans un processus automatisé de laisser cette possibilité à l’humain de reprendre la main à chaque fois que de besoin, pour gérer par exemple les cas que la RPA ne sait pas traiter.

Du point de vue des ressources humaines, cette revalorisation des missions contribue à développer un mieux-être au travail, à diminuer le turn-over et à éviter le “bore-out”, ce syndrome de l’ennui qui touche les salariés surchargés de travail ou affectés à des tâches inintéressantes, gagnés par le sentiment de gaspiller leurs capacités. C’est le cas, par exemple, au sein des équipes Finance, dont certains membres ont l’impresssion de subir les pics d’activité liés aux clôture, lors desquels ils deviennent ont l’ils deviennent des robots.

Pour toutes ces raisons, la RPA convainc de plus en plus d’entreprises à la recherche de moyens d’améliorer leur performance et leur qualité de service. Le marché est d’ailleurs promis à un bel avenir. Selon le cabinet Forrester, il devrait atteindre les trois milliards de dollars d’ici 2021. Et si effectivement la RPA va modifier demain la relation homme / machine, ce sera dans le sens où la seconde va amplifier les capacités du premier. L’être humain est encore loin d’avoir perdu toute utilité dans les processus.

Par David Coerchon chez Winshuttle