En complément au dossier datacenter de juin, nous nous devions de donner la parole au leader mondial des réseaux de communication, fabricant incontournable des équipements de transmission de la donnée, CommScope. Ceci d’autant plus que le câblage joue un rôle essentiel, mais trop souvent oublié, au sein du datacenter, qu’il s’agisse de transporter la donnée ou de limiter les risques comme l’incendie.
CommScope est un géant de l’industrie, le leader mondial de la fabrication des solutions d’infrastructure des réseaux de communication, avec 30 000 collaborateurs présents sur plus de 130 pays et 8 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Le groupe a débuté voici plus de 40 ans, en 1976, sur les réseaux de télécommunication câblés. Il a su évoluer au rythme des technologies, et de sa croissance externe (dont Arris, Ruckus, ou encore la division connectivité d’Avaya).
C’est aujourd’hui le seul acteur mondial équipementier des télécoms qui offre un portefeuille complet, du datacenter à la livraison de la donnée. Ce portefeuille lui permet d’opérer dans la connectivité, la mobilité, les locaux, le Cloud, et les réseaux d’entreprise. Et de servir les réseaux de communication comme les opérateurs télécoms, la couverture mobile, la couverture DAS intra bâtiments, ou encore les set top box (avec Arris).
Mais CommScope souffre également d’un déficit de reconnaissance en France sur le marché du datacenter. Pourquoi ? Nicolas Vincent, Country manager France, , et fin connaisseur de CommScope où il évolue depuis 23 ans, a répondu à nos questions.
Couvrir l’ensemble du spectre des réseaux d’entreprise
“Pourquoi ? Cela tient à la particularité française du choix des technologies de câblage informatique, qui a porté sur le câble blindé et le 120 Ohms, même si nous sommes présents sur ce domaine, avec des marques comme Systimax”. La complétude du portefeuille n’a donc pas encore permis à CommScope d’occuper la place que mérite le fabricant dans le datacenter, ce qui ne saurait tarder cependant. “CommScope offre un portefeuille unique, qui intervient sur l’ensemble du spectre de couverture des réseaux d’entreprise, à la fois des solutions actives et passives”.
Si l’on prend l’exemple de Cisco, souvent cité en référence, ce dernier ne propose que des solutions actives. Pour autant, CommScope est présent chez les grands acteurs du marché, avec des accords passés avec les hyperscalers, une forte demande provenant des acteurs du cloud, ou encore SAP qui s’est réorganisé vers le cloud en déployant son infrastructure SAP HANA via ses datacenters en propre et chez des hébergeurs. Le fabricant met également à la disposition de ses clients français un support technique et des architectes pour l’urbanisation de leurs datacenters, afin de les accompagner et pour faire face à la pénurie de techniciens.
Le cablage, un marché qui affiche une croissance importante, de l’ordre de 7% annuels jusqu’à 2025.
Câbles et switchs dans le datacenter
Le datacenter est l’une des cibles de CommScope. “Le câblage informatique est spécifique au datacenter, fait de fibre et d’innovation. C’est un marché qui affiche une croissance importante, de l’ordre de 7% annuels jusqu’à 2025. Et la France est une terre d’accueil propice aux datacenters, qui présente de très grandes opportunités. Arcadis a placé la France dans le Top 10 des pays les plus accueillants pour les datacenters”.
Sur un datacenter, le câblage représente 2% à 3% du coût, mais sa durée de vie moyenne du câble est de 5 ans (elle est de 7 ans dans les immeubles connectés). C’est généralement sur ce délai que se projettent les clients, même si cela dépend du type d’usage et du client. La banque-assurance et l’hyperscale, par exemple, expriment le besoin d’une infrastructure agile, ce qui impose une forme de pérennité de l’investissement. “La question n’est pas la fibre, mais comment faire circuler les débits demandés ? Pour y répondre, les normes nous aident. Avec un impact sur le câble, le choix et le coût des actifs, qui dépendent des usages et des perspectives des clients, avec une projection sur 5 ans”.
L’émergence de nouvelles connectiques
CommScope détecte et participe également à l’émergence de nouvelles connectiques, à l’image des VSFF (Very small form factor). “Nous voulons propulser les connecteurs ultra low cost”. Ainsi le groupe participe à la conception du connecteur CS destiné à la prochaine génération de transceiver (émetteur-récepteur) 200/400G, qui offre une réduction de taille de l’ordre de 40% comparé au LC Duplex afin de doubler la densité dans le panneau de brassage. D’autres viendront, comme le connecteur SN. CommScope préconise également le MPO multimode (câble à fibre optique pour des solutions à haute densité) avec les câbles Modulo 24 (576 fibres en tubes compacts de 24 fibres chacun) ou éventuellement Modulo 12. Et pour les protocoles ? “MPO ou Modulo 16 auraient une vraie pertinence”.
“Nous voulons propulser les connecteurs ultra low cost”.
Les tendances du datacenter perçues par CommScope
Au contact avec ses clients, Nicolas Vincent voit deux grandes tendances dans le datacenter : la sécurité et la latence.
Sécurité – “Chez les clients, l’événement OVH a suscité de l’inquiétude et du questionnement, des demandes des clients finaux qui mettent le doigt sur les acteurs des câbles et des cheminements”. CommScope y répond en respectant les réglementations applicables au risque d’incendie sur les câbles, qui figurent depuis 2016 au Règlement Produits de Construction (CPR), Règlement Européen N° 305/2011, après la publication en juillet 2017 de la norme harmonisée hEN 50575 sur la réaction au feu des câble applicable à la fois sur le sécurité incendie et sur l’environnement, selon la norme du syndicat Sycabel. La demande des opérateurs de datacenter et de leurs clients évolue vers la classe des performances de réaction au feu (propagation du feu réduite et faible génération de chaleur) améliorée B2CA sur le cuivre et l’optique.
Latence – “L’accélération de la migration vers le cloud, avec le Covid, le télétravail, le commerce en ligne et les plateformes numériques, a entraîné une forte demande sur l’hybridation, avec les clouds privés pour sécuriser les applications stratégiques, et avec l’IoT couplé avec l’Intelligence Artificielle. Cela demande des switchs de plus en plus performants sur les ASIC, avec plus de lignes (256) et plus de débit (150G en 2023), et une bande passante de 12,8 To qui va aller vers les 25,6 To. Il est important de disposer de capacités de switching”. Autre domaine émergent, celui des datacenters Edge et de la communication M2M, avec des capacités de calcul en local. “Nos clients expriment des besoins de bande passante et de systèmes de câblage très performants. Nous allons vers des besoins exprimés de 400 Gbits (2021) puis vers les 800 Gbits (2023). Il faut les accompagner, nous constatons une évolution phénoménale sur l’actif”.
Interrogé plus spécifiquement sur le Edge, Nicolas Vincent se montre plus prudent. “Oui pour les opérateurs télécoms, avec les antennes 5G. Sur le smart building, la smart city, etc., ça reste confidentiel. Mais sur l’industrie, il n’y a pas encore de cas concret”.
L’avenir du et dans le datacenter
“Nous investissons beaucoup dans le datacenter. Le câblage, c’est 2% à 3% du coût d’un datacenter, mais ne le négligeons pas, il est essentiel, car tout passe à travers lui. Le câble, c’est le produit qui restera le plus longtemps”. CommScope s’engage également sur l’environnement. “Les clients finaux y sont sensibles. Ils se montrent exigeants sur le recyclage. Pour accompagner leur démarche RSE, nous agissons sur l’impact de l’emballage. Depuis un an, nous faisons évoluer le packaging de nos produits, avec des emballages respectueux et un minimum de carton. Et ça arrive sur le foncier”.
Qu’en est-il pour la France ? Pour Nicolas Vincent, “C’est très positif, la France est attractive. Les administrations comme les sociétés privées ont un besoin croissant de numérique, mais veulent faire un investissement juste, à la clé, adapté aux usages, aux besoins et à la réalité de leurs marchés, aux usages des salariés. C’est ce qui pousse les datacenters à être exigeants et performants. Mais les clients n’acceptent plus d’attendre, même face à la pénurie qui leur impose de faire preuve de patience, d’au moins 6 mois. Les 5 prochaines années seront aussi passionnantes, mais plus exigeantes. J’ai envie de leur dire : prenez le temps de réfléchir, on peut préparer le futur”.