AVIS D’EXPERT – Partout, l’intelligence artificielle s’annonce comme un outil révolutionnaire. Pourtant, elle est encore largement sous-exploitée dans les entreprises, explique Peter Hammer, Global Brand Manager chez Nagarro, aux lecteurs de Solutions numériques et cybersécurité.
Alors qu’elle semble être ancrée dans des usages au quotidien, l’IA recèle un potentiel immense qui reste à libérer. Malgré les acquis de leur transformation digitale, les entreprises sont encore loin d’exploiter pleinement ce potentiel, se heurtant à des silos organisationnels et une approche fragmentée.
L’IA : plus qu’un simple outil pour améliorer la productivité
L’IA générative a récemment captivé l’attention du grand public et d’une majorité de professionnels, traduisant enfin la puissance de l’IA en termes compréhensibles. Cependant, ces outils comme Chat-GPT, Gemini, Poe ou encore Midjourney, ne sont qu’une facette d’un ensemble beaucoup plus large. Depuis une dizaine d’années, des outils IA, basés notamment sur l’apprentissage automatique et l’analyse profonde de large volumes de données, sont déployés. Mais sur le terrain, même ces formes les plus avancées d’IA ne réalisent que 10 à 20 % de leur potentiel. Dans la presse, McKinsey confirme ainsi que « moins de 10 % [des entreprises] ont vu un effet sur plus de 20 % de leurs revenus”. Pourquoi ? Principalement à cause de l’accès fragmenté aux données et de leur manque de qualité. Ainsi, l’IA générative a besoin de données de qualité pour être efficace, faute de quoi elle produit des résultats biaisés.
L’IA : de la fragmentation à l’intégration
Surmonter les silos organisationnels
Sans une base de données de qualité solide et centralisée, l’IA ne peut pas atteindre son efficacité maximale. Dans de nombreuses entreprises, les données restent cloisonnées par département. Par exemple, les CTOs utilisent des données techniques, les départements financiers leurs propres données financières, sans jamais les agglomérer. Cette fragmentation mène à des analyses limitées, pertinentes uniquement dans des contextes restreints.
Les entreprises doivent dépasser ces barrières historiques et hiérarchiques pour exploiter pleinement l’IA. L’analogie de l’éléphant et des aveugles illustre bien cette problématique. Imaginez plusieurs personnes aveugles touchant différentes parties d’un éléphant : une personne touche la trompe, une autre la patte, une autre encore la queue. Chacune décrit une réalité différente, mais aucune ne peut comprendre l’éléphant dans son ensemble. De la même manière, si chaque département d’une entreprise se concentre uniquement sur ses propres données sans une vision globale, l’entreprise ne pourra jamais tirer parti de l’IA de manière cohérente et efficace.
Les entreprises doivent dépasser ces barrières historiques et hiérarchiques pour exploiter pleinement l’IA. L’histoire récente de la transformation digitale offre un exemple plus que pertinent. À ses débuts, la transformation digitale rencontrait des défis similaires. Chacun travaillait dans son couloir de nage, avec des méthodologies hétérogènes : pseudo-agile, waterfall… Aujourd’hui, l’IA se trouve à un carrefour semblable. Les entreprises doivent unir leurs données et réorganiser leur fonctionnement pour obtenir une véritable transformation structurelle, au-delà des améliorations superficielles.
Redéfinir les business models et stimuler l’innovation
L’IA a le potentiel de redéfinir les business models et d’impulser une innovation radicale. Cependant, seule une minorité d’entreprises, principalement celles qui créent l’IA, ont un véritable plan stratégique pour son intégration. Les obstacles courants incluent une gouvernance inadéquate, des régulations restrictives et un manque de savoir-faire.
Pour beaucoup, l’IA est encore perçue comme une extension de la transformation digitale, plutôt qu’une révolution à part entière. Pourtant, pour déclencher une véritable innovation, les entreprises doivent adopter une approche holistique et proactive. Cela passe, par exemple, dans l’intégration de l’agilité à l’échelle non seulement dans les produits mais aussi dans les méthodes, répondant ainsi à l’idée d’une entreprise capable de s’adapter rapidement aux changements.
L’IA, pierre angulaire de la prochaine vague de transformation
Une étude de McKinsey au Canada met en lumière cette réalité : de nombreuses entreprises se dirigent droit dans le mur en négligeant une intégration stratégique de l’IA. Il est donc plus que temps d’intégrer l’IA à un niveau global et stratégique.
Pour libérer le potentiel transformateur de l’IA, les entreprises doivent adopter une approche progressive et mesurable. Voici quelques recommandations :
- Centraliser et soigner la qualité des données : Utiliser des data lakes pour concentrer toutes les données de l’entreprise, et les mettre à disposition sous forme “raffinée”, assurant une base solide pour l’IA.
- Promouvoir une culture collaborative : Encourager la collaboration interservices pour briser les silos et permettre une utilisation transversale de l’IA.
- Leadership engagé : Créer un boardroom prêt à soutenir et à piloter les changements nécessaires pour l’intégration de l’IA.
- Définir des proofs of value : Identifier et se concentrer sur les cas d’usage les plus prometteurs où l’IA peut apporter une valeur ajoutée significative, puis valider ces concepts avant de les déployer à grande échelle.
L’IA a le potentiel de transformer profondément les entreprises et d’impacter leur croissance et leur performance, mais cela nécessite une approche stratégique et intégrée. En dépassant les silos, en centralisant les données et en adoptant une culture collaborative, les entreprises peuvent libérer toute la puissance de l’IA. Celles qui sauront saisir cette opportunité se positionneront en leaders de l’innovation, prêtes à affronter les défis de demain avec agilité et proactivité.
Peter Hammer