Invoquant l’impact de la Covid-19 sur ses ventes, mais pas celui de ses choix stratégiques et fiscaux, Cisco réduit cet été ses coûts d’un milliard de dollars. Au programme, ses classiques licenciements estivaux, mais aussi le possible arrêt d’activités non rentables. Ainsi qu’un réalignement de certains produits sur une vente locative « As-a-service » dans le Cloud.
En avril 2020, alors que Cisco et ses concurrents affrontaient déjà la crise économique mondiale générée par la Covid-19, Chuck Robbins, son PDG, affirmait à plusieurs médias américains, dont Bloomberg, qu’il serait stupide de licencier certains de ses quelques 75 000 employés. Changement de ton quatre mois plus tard. Cisco procédera bien à ses classiques « ajustements » économiques estivaux.
Des licenciements et l’arrêt d’activités non rentables d’ici 2021
Invoquant l’impact financier de la pandémie Covid-19 sur ses ventes, le leader mondial des équipements réseaux IT met en place mi-août un plan de réduction de ses coûts de fonctionnement d’un milliard de dollars. Il se traduira non seulement par des licenciements, comme chaque été, et par le possible arrêt d’activités non rentables d’ici 2021. Cisco a également coupé dans les montant habituels des indemnités de départ et de couverture médicale de ses salariés aux Etats-Unis.
L’équipementier réseaux confirme aussi avoir demandé à ses employés de continuer à travailler de préférence à domicile jusqu’à fin 2020. Une grande partie des frais de voyage, de marketing et des investissements consacrés aux salons se sont ainsi évaporés sur l’année. Selon l’agence Reuters, la réorganisation de ses équipes et de ses produits, ainsi que le plan de départs (volontaires) pourrait malgré tout lui coûter jusqu’à 900 M$ !
Les revenus de Cisco ont diminué dans presque tous les segments
Malgré des résultats légèrement supérieurs aux attentes de Wall Street, les revenus du dernier trimestre de Cisco ont diminué dans presque tous les segments (-16% dans les infrastructures), sauf dans la sécurité (+10%).
Les entreprises et les particuliers s’étant rués sur les équipements de communication et de visioconférence durant les mois de confinement, on aurait pu croire que le chiffre d’affaires de l’équipementier réseaux américain explose dans ces domaines… A l’instar de ceux de Microsoft et de Zoom dans la visioconférence par exemple. Et bien non, ses revenus issus des PME auraient chuté de 23%.
Pour son quatrième trimestre fiscal clôt le 30 juin, les revenus des produits de Cisco ont reculé eux de 13 % en glissement annuel au quatrième trimestre 2020, tandis que ses revenus issus des services sont restés stables. Le revenu net total de Cisco a lui diminué de 5 % d’une année sur l’autre, reculant de 3,59 à 3,39 milliards de dollars. Le lendemain de la publication de ses résultats, l’action Cisco a enregistré mi-août sa pire baisse (-12 %) en près de dix ans.
Cisco aurait-il dû mieux profiter de la réforme fiscale avantageuse aux Etats-Unis ?
William Blair, analyste financier chez Jason Ader, a aussi une autre explication pour expliquer les résultats financiers, à nouveau décevants, de Cisco en 2020 : “Pour dire les choses simplement, nous pensons que Cisco a manqué une occasion en or de remodeler fondamentalement ses activités après la réforme fiscale et le rapatriement des actifs (aux Etats-Unis), en choisissant plutôt de racheter près de 37 milliards de dollars d’actions en 2018 et 2019. Maintenant, avec les évaluations élevées des actifs de croissance, nous craignons qu’il ne soit trop tard“. Nombre de multinationales américaines détenant d’importantes liquidités à l’étranger ont bénéficié de la loi américaine sur la réduction des impôts et l’emploi (TCJA), qui a éliminé les taxes fiscales antérieures liées au rapatriement des revenus situés à l’étranger.
Cisco basculera la majorité de son portefeuille sur un modèle locatif
Chuck Robbins a également parlé aux analystes d’un réalignement de certains produits de communication sur une vente locative, « As-a-service », dans le Cloud autrement dit. Sans doute admiratif des revenus récurrents générés par les géants du Cloud, dont certains (Google, Microsoft, etc.) le concurrencent désormais sur la communication unifiée et la visioconférence, Cisco déclare vouloir aligner ses produits sur la façon dont les clients souhaitent désormais consommer la technologie.
L’équipementier réseaux poursuit ainsi son désengagement de la vente des seuls matériels sur site (+60% de son chiffre d’affaires) au profit des logiciels et services, qui génèrent plus facilement des revenus locatifs récurrents. Cisco veut devenir le leader incontesté des produits réseaux pilotés par logiciel (SDN). Un virage économique ardue qu’il devra également faire prendre à ses dizaines de milliers de revendeurs dans le monde…
Cisco réaligne ses budgets de R&D et ses offres vers le Cloud
Enfin, Cisco réaligne aussi ses budgets de R&D pour mieux se positionner sur les marchés porteurs de la sécurité et du collaboratif dans le Cloud. Enfin diront les mauvaises langues qui attendent toujours de sa part une offre de Cloud public hybride digne des Gafam. Espérons que l’équipementier améliorera aussi rapidement l’expérience utilisateur sur Webex, un produit de communication qui a assez peu évolué 10 ans après son acquisition. Cisco prévoit également de développer davantage ses offres de communication pour les secteurs de l’éducation et de la santé.
Même s’ils ne sont pas publiés, il serait intéressant de connaître les résultats du constructeur chinois Huawei, le principal concurrent de Cisco dans les réseaux, qui semble continuer de gagner des parts de marché dans les routeurs et les commutateurs dans toutes les géographies en 2020.