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Bachelot et Lang veulent sauvegarder la rémunération pour copie privée sur les appareils reconditionnés

La ministre de la Culture Roselyne Bachelot a demandé jeudi que soit abandonnée dans le texte de loi sur l’empreinte environnementale du numérique en discussion au parlement la remise en cause partielle de la “rémunération pour copie privée”,  à ses yeux  “inconcevable” car préjudiciable à la culture.

Certains voudraient que lorsque des oeuvres sont téléchargées sur un appareil reconditionné, les créateurs ne perçoivent plus de rémunération, c’est inconcevable“, s’est insurgée Mme Bachelot, dans une déclaration à l’AFP. L’ancien ministre de la Culture Jack Lang, initiateur de la loi de 1985 qui a créé ce dispositif de rémunération, est lui aussi monté au créneau, “très en colère” qu’on veuille “remettre en cause la loi qui est un des socles de notre protection des droits des auteurs et des artistes“. Il a déclaré à l’AFP avoir
écrit au président Emmanuel Macron pour qu’il affirme clairement l’attachement
de l’exécutif à ce dispositif.
 

L’Assemblée doit débattre le 10 juin de l’exonération des appareils électroniques reconditionnés (principalement les téléphones) de la rémunération pour copie privée. L’article incriminé stipule que “les équipements numériques reconditionnés ne seront pas assujettis au paiement de la rémunération pour copie privée, lorsque ces équipements ont déjà donné lieu à une telle rémunération“.
“La redevance pour ce qu’on appelle les copies privées vise à rémunérer les ayants-droit, et ce que l’on sait moins, c’est que 25 % des sommes collectées sert à financer 10 000 projets culturels par an, a souligné Roselyne Bachelot. 64 % des festivals par exemple sont soutenus par cette redevance, cela représente un peu moins de 300 ME par an“.
Une oeuvre écoutée ou vue sur une tablette ou un téléphone reconditionné demeure le fruit du travail d’un artiste (…) devant faire l’objet d’une rémunération“, a-t-elle martelé.
“Le reconditonné est une industrie vertueuse, en tant que citoyenne et ancienne ministre de l’écologie, j’y suis sensible, et il faut accompagner son développement“, a relevé Mme Bachelot, avant d’ajouter que “la protection de l’environnement ne doit pas se faire en sacrifiant la rémunération des créateurs et le soutien à la création”.
La rémunération pour la copie privée est un pilier du financement de la culture avec 270 millions d’euros recueillis chaque année (soit l’équivalent de 7 % de tout le budget du ministère de la Culture), selon la SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique).

Une question qui fait débat…

Le secteur des produits reconditionnés explose ces dernières années jusqu’à représenter 15 % des ventes de téléphones en France en 2021. Mais la question de la redevance “copie privée” sur les produits informatiques reconditionnés fait débat. D’un côté, le ministère de la Culture, qui cherche des sources de financement pour maintenir ses aides en faveur d’un secteur sinistré. De l’autre, les industriels du reconditionnement, dont le SIRRMIET, syndicat professionnel du secteur, qui soutiennent l’économie circulaire. Les questions à la clé sont multiples : quels risques pour l’économie circulaire et, par conséquent, la limitation de l’impact environnemental du numérique ? Ou encore, qui, du « reconditionneur » ou de ses clients, devra payer l’addition ? “Appliquer la redevance pour copie privée d’abord aux téléphones puis aux ordinateurs reconditionnés, c’est donc augmenter de manière immédiate les prix pour le consommateur. C’est aussi continuer de creuser une fracture numérique déjà bien présente, qui ne cesse de se renforcer avec la crise actuelle“, plaide le SIRRMIET. “C’est également heurter de plein fouet la filière du reconditionné, menacer des milliers d’emplois dans l’Hexagone et nuire à la réduction de l’impact environnemental du numérique. Rappelons en effet que plus de 75 % de cet impact provient de la fabrication des terminaux. L’allongement de leur durée de vie est donc clé. Paradoxalement, c’est le gouvernement lui-même qui le dit.”

Jack Lang invite l’exécutif à n’acceper “aucun compromis, aucune négociation: il
faut que les autorités disent Non possumus“. L’offensive “vient de loin et des lobbies se sont activés en coulisse” pour un secteur du reconditionné en pleine expansion, analyse-t-il, estimant que des intérêts américains et chinois sont en jeu.
Selon la SACEM, la société d’électronique Back Market qui représente 85 % du marché en France de la vente de téléphone reconditionné, a oeuvré à fond pour cette mesure législative.

 

Juliette Paoli avec AFP