Le ministère de l’Economie a annoncé mercredi 24 novembre enjoindre aux principaux moteurs de recherche et magasins d’application mobile de déréférencer la marketplace américaine Wish. Cette sanction fait suite à une enquête de la DGCCRF ayant notamment souligné la dangerosité d’une part importante des produits vendus. Une première en France, qui s’inscrit néanmoins dans un mouvement plus large de contrôle accru des pratiques commerciales sur Internet. Jacqueline Brunelet, avocate au sein du cabinet Cornet Vincent Ségurel, revient sur le sujet.
La première application d’un texte récent
L’annonce, par le ministère de l’Economie, du déréférencement à venir de la plateforme Wish, a fait l’effet d’un petit séisme, à moins de quarante-huit heures du Black Friday. Et pour cause, la place de marché américaine est la première à faire les frais de l’application de l’article L. 521-3-1 du Code de la consommation, entré en vigueur il y a moins d’un an à la faveur de la loi dite « DDADUE ».
Si cette sanction est récente en droit français, elle fait néanmoins suite à un règlement européen de 2017 qui prévoyait déjà, au titre des pouvoirs minimum dont doivent disposer les autorités de contrôle en matière de protection des consommateurs, « le pouvoir de retirer un contenu d’une interface en ligne ou de restreindre l’accès à celle-ci […] »[1].
Plus généralement, ces nouvelles dispositions s’inscrivent dans le cadre d’un accroissement des pouvoirs de la DGCCRF : aux traditionnelles amendes administratives s’est par exemple ajouté le « name and shame », notamment en ce qui concerne les délais de paiement, et aujourd’hui de nouvelles sanctions propres à certains domaines, comme le déréférencement.
Une appréhension plus fine du commerce en ligne par le droit de la consommation
Bruno Le Maire l’a précisé, le gouvernement entend « faire respecter l’ordre économique par les grandes plateformes de commerce en ligne »[2]. Il est vrai qu’avec l’explosion du commerce en ligne, les réglementations se sont succédé afin de prendre en compte spécifiquement les intérêts du consommateur lorsqu’il surfe sur Internet.
Ce mouvement a donné ainsi lieu à la création à la fois d’infractions spécifiques au commerce en ligne, telles que le géoblocking dont l’interdiction a elle aussi fait son entrée dans le Code de la consommation en décembre 2020, et de sanctions spécifiques au commerce en ligne, comme le déréférencement appliqué pour la première fois cette semaine.
Si la sanction est propre au commerce en ligne, c’est ici une infraction classique au droit de la consommation qui semble reprochée à Wish, que la DGCCRF accuse de tromper le consommateur, notamment sur les risques inhérents aux produits et les contrôles effectués. Et c’est parce que la marketplace n’aurait pas respecté les injonctions de la DGCCRF que celle-ci a pu faire application de cette nouvelle arme, qui nécessitera néanmoins la coopération des moteurs de recherche et autres plateformes qui se voient notifier le déréférencement.
Une affaire à suivre
L’application de ce nouveau pouvoir de la DGCCRF ne s’arrête cependant pas au communiqué de presse publié mercredi, et risque au contraire de donner lieu à un contentieux nouveau. En effet, chacune des parties a déjà annoncé qu’elle défendrait fermement sa position : la plateforme Wish, en déposant un recours contre la décision, le ministère de l’Economie en rappelant qu’il n’hésiterait pas à aller plus loin, puisque le même texte autorise la DGCCRF à ordonner le blocage du nom de domaine.
L’étau est en tout état de cause amené à se resserrer autour des plateformes en lignes, avec l’adoption à venir, par l’Union Européenne, du Digital Services Act visant précisément à encadrer et responsabiliser les plateformes numériques.
[1] Règlement (UE) 2017/2394 du 12 décembre 2017, article 9, §3. g) i)
[2] Communiqué de presse du Ministère de l’Economie du 24 novembre 2021