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Avis d’expert – “Les soft skills sont plus décisifs que les hard skills”, Laurianne Le Chalony, DRH Linedata

Recrutement : comment repenser l’évaluation des soft skills ? Laurianne Le Chalony, chief people officer chez Linedata, éditeur de logiciels de services financiers, s’appuie sur son expérience pour partager avec les lecteurs de Solutions Numériques un processus structuré d’évaluation de ces compétences comportementales si recherchées par les entreprises.

Intelligence émotionnelle, comportement, personnalité, attitude… Les soft skills sont plus que jamais au cœur du recrutement moderne. Désormais, l’attitude ou la personnalité constituent la principale cause d’échec pour près de 90% des nouveaux embauchés… Cette nouvelle donne contraint les services RH et les recruteurs à penser en priorité « cohésion d’équipe » et « compétences comportementales » plutôt que de se focaliser sur la formation ou les expériences professionnelles. 

Bien sûr, certaines entreprises sont moins sensibles que d’autres aux soft skills. Chez Linedata, ce n’est pas notre cas. Alors que nous devons former nos collaborateurs sur la maîtrise de produits très spécifiques, supposant une courbe d’apprentissage rallongée, les soft skills occupent une place centrale. Ils sont d’ailleurs plus décisifs que les hard skills puisque nous pouvons toujours former techniquement nos candidats. Par contre, une inadéquation entre leur savoir-être et notre culture d’entreprise se soldera forcément par un échec ! Mais comment bien évaluer ces soft skills ? Au feeling ? À l’expérience ? Avec des tests ? Avec l’intelligence artificielle ?

Autant d’entreprises que de soft skills…

Le recrutement d’une personnalité ou d’une attitude n’obéit à aucune règle. Si vous intégrez un garçon dans une équipe 100 % féminine avec l’intention logique d’injecter de la diversité, il existe des risques sérieux de mauvaise intégration : le garçon se retrouve esseulé tandis que l’efficacité générale de l’équipe se trouve remise en cause.

En fait, une entreprise doit rechercher les soft skills dont ELLE a besoin. Chez Linedata, nous nous intéressons aux personnes portées sur l’esprit d’équipe, l’entraide, la collaboration, la gentillesse… Souvent, nous favorisons des personnes moins développées techniquement ou moins expérimentées au profit de ces qualités « humaines, sociales ou comportementales ». D’ailleurs, nos managers sont sur la même longueur d’onde. Ils s’intéressent moins à l’opérationnalité rapide du nouvel embauché qu’à son intégration réussie à long terme.

Nos managers s’intéressent moins à l’opérationnalité rapide du nouvel embauché qu’à son intégration réussie à long terme.

Du feeling à la méthode !

Durant mes précédentes expériences professionnelles, l’évaluation des soft skills reposait largement sur le feeling, la sensation, les demandes de références… Aujourd’hui, il est possible de développer un processus bien plus structuré. Je distinguerai trois grands moments.

  • La cartographie des besoins de l’entreprise en soft skills

Ces dernières années, notre direction RH s’est attachée à mener un projet autour de la cartographie des métiers, qui a naturellement abouti à un travail profond sur les soft skills attendus par nos managers.

Avec la direction et les responsables d’équipe, nous avons pu identifier 28 comportements correspondant à notre projet d’entreprise et à notre culture de travail. Nous n’avons pas hésité à élargir la notion de soft skills pour s’assurer que les futurs collaborateurs seront évalués sur leur potentiel d’intégration et non sur des compétences techniques maîtrisées à un instant T. Charge à nous ensuite de leur proposer le bon programme de coaching et d’on-boarding… Pour faciliter le travail des recruteurs et des managers, nous avons développé une plateforme, CareerStudio, qui recense l’ensemble des compétences « soft » à rechercher chez les candidats et sur lesquelles nous évaluons aussi nos collaborateurs. La plateforme intègre également les compétences fonctionnelles et techniques.

  • Tester avec les bonnes approches

L’évaluation d’un savoir-être ou d’un comportement doit être parfaitement structuré. Je ne suis pas forcément favorable aux tests de personnalité qui ont tendance à placer les personnes dans des cases. En revanche, je m’intéresse davantage aux quiz type Origamix qui ne diagnostiquent pas la personnalité mais renseignent sur la logique et la manière de penser du candidat. A mon sens, la gamification du recrutement représente le futur et permet une évaluation plus complète de la personnalité.

A mon sens, la gamification du recrutement représente le futur et permet une évaluation plus complète de la personnalité.

Il faudra aussi de plus en plus compter sur les outils d’évaluation fonctionnant à base d’intelligence artificielle. Certes, l’IA vaut surtout pour les compétences techniques et intervient au moment de la sélection des CV et candidatures pour vérifier la concordance entre les compétences du candidat et les compétences attendues pour le poste. Mais cela pourrait bientôt changer. Comment ? Avec des capteurs et donc des algorithmes capteurs qui scruteront l’émotion des candidats dans telle ou telle situation. On obtiendrait ainsi une photographie « plus objective » de l’attitude et de la personnalité de la personne. Cette photographie donnée par la machine serait ensuite à mettre en balance avec le regard du recruteur.

Dans tous les cas, je reste persuadée que l’évaluation des soft skills procède de plusieurs méthodes, et qu’aucune ne peut être éliminatoire. Elles doivent être appréciées dans leur globalité avant de pouvoir prendre la bonne décision.

  • Le bon mix technologique et humain 

Jusqu’ici, les recruteurs recevaient en entretien les « meilleurs CV ». L’entretien vidéo vient faire bouger les lignes. Plutôt que de lire les CV et faire leurs sélections, nos managers peuvent voir et écouter un plus grand nombre de candidats avant de décider lesquels recevoir pour un entretien physique. L’entretien vidéo permet clairement de mesurer des variables comme l’engagement (le candidat s’est prêté avec sérieux à l’exercice), la personnalité (le candidat raconte son histoire) et l’attitude (son regard, ses expressions…).

L’entretien vidéo permet clairement de mesurer des variables comme l’engagement, la personnalité et l’attitude.

Enfin, les soft skills restent bien sûr le territoire d’expression du recruteur. Il faut cependant adapter les techniques. Par exemple, on peut observer le comportement du candidat hors de l’entretien, lorsqu’il se présente à l’accueil ou juste avant de pénétrer dans la salle. On peut aussi lui demander non pas de raconter ses précédentes expériences professionnelles mais comment il perçoit son ancienne organisation afin d’évaluer son état d’esprit. On peut aussi évaluer sa résilience en cherchant à apprécier ses capacités d’adaptation au changement.

Bref, un ensemble de mises en situation qui visent un objectif global : ses aptitudes humaines, comportementales et sociales sont-elles parfaitement en phase avec la culture de mon entreprise ?