Alors que l’Etat souhaite acquérir les activités souveraines, comme l’a annoncé Bruno Le Maire, le groupe d’informatique français en difficulté Atos a revu sensiblement en hausse ses besoins de financement, dans un nouveau plan d’affaires dévoilé lundi, après un début d’année décevant au niveau de son activité.
L’ex-fleuron de la French Tech a également exprimé lundi sa “satisfaction” après que le gouvernement français s’est manifesté ce week-end, via une lettre d’intention, pour racheter ses activités souveraines. Une telle opération “protègerait les impératifs stratégiques de souveraineté de l’État“, a souligné le groupe dans un communiqué. Atos possède notamment des supercalculateurs utilisés pour la dissuasion nucléaire et des contrats avec l’armée française. “J’ai déposé ce week-end une lettre d’intention en vue d’acquérir toutes les activités souveraines d’Atos”, afin d’éviter que des activités
stratégiques pour la France ne “passent dans les mains d’acteurs étrangers“, a ainsi déclaré le ministre de l’Economie Bruno Le Maire sur LCI.
Supercalculateurs, IA et cybersécurité
Les activités concernées par la lettre d’intention recouvrent, entre autres, ces supercalculateurs, des serveurs participant à l’intelligence artificielle (IA) et à l’informatique quantique ou encore des produits de cybersécurité. Leur valeur d’entreprise indicative se situe entre 700 millions et 1 milliard d’euros. Ces activités ont généré un chiffre d’affaires d’environ 1 milliard d’euros en 2023, soit un peu moins de 10 % des revenus de l’ensemble du groupe, a précisé Atos, alors qu’une offre non engageante de l’Etat est attendue d’ici juin et que la phase de “due diligence” (consultation des comptes, NDLR) doit démarrer “prochainement“. Le périmètre rassemble 4 000 salariés, essentiellement basés en France.
Dans ce dossier éminemment politique, l’Etat s’est déjà engagé à prêter 50 millions d’euros à l’entreprise pour l’aider à stabiliser sa situation financière et a acquis une “action de préférence” qui lui permet de mettre son veto à certaines opérations au niveau de Bull, filiale d’Atos qui construit ses supercalculateurs.
Un besoin de 1,1 milliard d’euros de liquidités
En pleine tourmente financière, Atos a par ailleurs précisé avoir désormais besoin de 1,1 milliard d’euros de liquidités pour financer son activité en 2024-2025 (contre 600 millions d’euros estimés précédemment). Le groupe, qui a perdu plus de 80 % de sa valeur boursière en un an, a aussi dit vouloir réduire de 3,2 milliards d’euros sa dette brute, qui avoisine les 5 milliards, alors qu’il souhaitait initialement la réduire de moitié. Il a laissé jusqu’à vendredi à ses créanciers pour qu’ils lui fassent des propositions de refinancement, après avoir repoussé cette date butoir d’une semaine, à la suite de la publication de ses revenus du premier trimestre, en baisse de 11 %.
Dimanche, en annonçant avoir envoyé une lettre d’intention à Atos, le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, avait dit souhaiter “que l’Etat ne soit pas seul” et espérer rallier d’autres acteurs français pour cette opération. Sans donner de noms, le ministre avait expliqué sur LCI qu’il pourrait s’agir d’entreprises tricolores opérant dans les domaines de la défense ou de l’aéronautique.
A la tête d’Atos pendant une dizaine d’années, jusqu’en 2019, le commissaire européen au Numérique, Thierry Breton, a insisté lundi matin sur le fait que l’entreprise disposait d’actifs “stratégiques pour l’Europe“. “Je ne voulais pas que certains de ces actifs partent dans des mains qui n’étaient pas européennes, c’est pour ça aussi que je les avais acquis. Donc
je crois que c’est très important que ça reste en Europe“, a-t-il expliqué sur France Inter.
A la Bourse de Paris, le titre d’Atos affichait lundi matin une hausse de 13,99 %, à 2,17 euros, vers 09H10, mais accusait toujours une chute de près de 70 % depuis le début de l’année.
Juliette Paoli avec AFP