Alain Carpentier, VP des ventes mondiales d’Aruba, décode en exclusivité la stratégie de cette filiale de HPE spécialisée dans les réseaux. Et notamment les raisons qui l’ont encouragé à racheter SilverPeak pour 925 M$ afin d’enrichir ses offres SD-WAN et Edge. Il explique aussi l’impact de la pandémie et de la pénurie de composants sur les ventes des leaders du secteur.
Olivier Bellin, magazine Solutions Numériques et channel : Comment expliquez-vous les très bons résultats (+17%) d’Aruba en Q2 2021 avec ses 799 M$ de chiffre d’affaires ?
Alain Carpentier, VP des ventes mondiales d’Aruba, la filiale spécialisée dans les réseaux de HPE :
Un an avant, Aruba avait assuré au Q2 2020 une croissance convenable, de l’ordre de 3 %, mais le groupe a enregistré ensuite un net recul de son chiffre d’affaires en Q3 2020 à cause de la Covid19. Fort heureusement, il est reparti à la hausse (+12 %) dès Q1 2021 avec un résultat d’exploitation de 19 %, lequel est plus élevé que notre moyenne habituelle. Pour le Q3 2021, je table sur 27 % de croissance, ce qui place Aruba très loin devant ses concurrents. C’est aussi un phénomène de rattrapage car la forte croissance d’Aruba avait été arrêtée nette en 2020 par la Covid. le groupe a aussi bénéficié du succès de ses plateformes réseaux, dont Aruba Central, qui étaient arrivée à maturité au moment de la pandémie. Elle est adoptée par les autres entités de HPE, dont le stockage et les serveurs. Enfin, Aruba a enregistré également certains beaux succès sur ses offres Edge Computing.
Pourtant, Aruba n’a pas réalisé d’acquisition dans le LAN pouvant doper son chiffre d’affaires 2021, pourquoi ?
Effectivement, Aruba est le seul grand fournisseur de produits réseaux à ne pas avoir réalisé des acquisitions dans le LAN, contrairement à Cisco et à Juniper par exemple. Nous n’en n’avons pas besoin actuellement, et notamment parce que nos offres réseau et Wi-Fi sont complètes et n’utilisent qu’un seul firmware, ce qu’apprécient les clients qui modernisent leurs réseaux. Leur demande est simple : « simplifiez-moi la vie sur cette brique de base pour nous aider à développer ensuite des solutions par verticaux ». Cela tombe bien car Aruba ne veux plus être « le plombier des réseaux IT », raison pour laquelle nous investissons beaucoup dans des secteurs comme l’Education, la Santé, mais également dans le Retail et l’Hospitalité par exemple.
Mais pourquoi Aruba en a réalisé une dans le WAN avec le rachat pour 925 M$ de SilverPeak ?
Aruba disposait déjà une offre SD-WAN que nous consolidons avec celle de SilverPeak. Sa solution est plus complète et nous fournit la brique connectivité entre Cloud et Edge qui nous manquait.
Les offres de SilverPeak sont-elles déjà toutes intégrées et revendues par vos revendeurs ?
Aruba réalise 60 % de son chiffre d’affaires à l’international et nous aiderons Silverpeak et ses revendeurs à se développer dans le monde grâce à notre grand réseau commercial. Par ailleurs, nous avons intégré ses offres dans notre plateforme Aruba Central et nos programmes partenaires sont en cours de fusion.
Manque-t-il encore des briques technologiques à Aruba justifiant d’autres acquisitions en 2022 ?
Aruba peut encore se renforcer dans l’Internet des Objets (IOT), domaine en croissance grâce à l’arrivée de la 5G notamment, et où nous signons déjà des partenariats. Aruba se positionne également dans la cybersécurité, secteur où nous avons déjà fait des acquisitions dans le cadre de la définition de notre politique « 0 Trust », dont celles de Niara (machine learning sur la sécurité) et de Cape-Network (mesure de l’expérience utilisateur des réseaux).
Les exigences des clients ont-elle changé en matière d’achat de produits réseaux à cause de la multiplication des cybermenaces ?
Oui, le respect d’une approche « 0 trust network » est désormais primordial. Les clients ne veulent plus acheter de produits réseaux ne disposant pas d’une protection adaptée pour contrer les cybermenaces.
Constatez-vous depuis 2020 un ralentissement de vos ventes dans les réseaux à cause de la pandémie et de la pénurie de composants ?
Malgré l’énorme accélération de la transformation numérique opérée par les entreprises dès 2020, beaucoup de projets IT ont été reportés à 2021. Aruba ne peut pas satisfaire encore toutes les commandes du fait d’un problème majeur de disponibilité des composants, comme dans d’autres secteurs du Digital. Cette pénurie ralentit nos livraisons et celles de nos revendeurs. Nous passons tous beaucoup de temps sur les problèmes de logistique encore actuellement.
L’Edge Computing, est-il juste un repackaging marketing de la bonne vieille logique client-serveur ou ce concept technologique présente-t-il une réelle nouveauté ?
La réelle nouveauté de l’Edge Computing est qu’il répond mieux aux problématiques complexes de gestion sécurisée des réseaux pilotés à distance grâce à un seul système unifié, comme avec notre plateforme Aruba Central par exemple. Le monde du client-serveur de jadis ne gérait pas non plus aussi bien des clusters implantés partout ; et encore moins la multiplication et la variété des terminaux qui se connectent désormais à toutes les formes de réseaux, et non plus seulement à des réseaux dédiés. L’Edge Computing n’en n’est qu’au début de sa phase de transformation des plateformes IT traditionnelles que l’on trouve notamment dans les datacentres.
Est-ce uniquement pour ces raisons que les entreprises achètent plus de Edge en 2021?
Non. C’est surtout à cause des nouveaux usages que permet de générer l’Edge Computing. D’ailleurs, le monde du Cloud se transforme lui aussi et ses acteurs se rapprochent de l’Edge, car ils constatent que de gros volumes de données et de charges sont davantage traités au niveau de l’utilisateur. C’est le cas par exemple de la voiture connectée autonome, dont le système ne supporte pas la latence plus élevée du Cloud. Le marché arrive progressivement vers une logique plus orientée « Edge to Cloud ».
Quels seront les principaux vecteurs et relais de croissance en 2022 sur le marché des réseaux pour Aruba et ses revendeurs ?
Côté Cloud, les entreprises souhaitent bénéficier d’une expérience hybride, qui combine des solutions de Cloud public et privé par exemple. Elles s’intéressent également davantage à une gestion améliorée et de proximité de leurs données avec l’Edge Computing. C’est un marché en forte croissance, comme pour la 5G, où des fournisseurs leaders comme Aruba mettent de plus en plus d’intelligence et de capacité de calcul au plus près des utilisateurs. Nos revendeurs l’ont compris et ils investissement dans l’Edge Computing en rachetant des structures ou en créant des offres dédiées. Ils peuvent aussi capitaliser sur ce qu’ils ont déjà mis en place pour le cloud de proximité. Aruba est d’ailleurs le seul fournisseur à disposer d’une stratégie et d’une offre « Edge to Cloud » de bout en bout.
Votre réseau de revendeurs IT traditionnels est-il en capacité de répondre à tous les nouveaux besoins des entreprises et sur toutes vos technos (Edge, SD-Wan, etc.) ?
L’Edge Computing est un nouvel Eldorado qui nécessite de nouvelles compétences, dans la sécurité notamment. Aruba demande donc à ses partenaires d’accélérer la formation de leurs collaborateurs sur les réseaux intelligents et la sécurité, sur l’Edge notamment. D’autant que de nombreux acteurs du Cloud s’y intéressent de plus en plus, et qu’ils risquent de se retrouver au milieu d’une confrontation entre eux et les Telcos. Raison pour laquelle Aruba a lancé au printemps 2021 un programme MSP afin d’aider aussi nos partenaires à commercialiser des produits clef-en-main avec le financement en mode « as a service ». Ce programme sera aligné sur d’autres gammes de produits chez HPE.
Cisco annonce qu’il vend désormais au moins autant de logiciels que de matériels réseaux en 2021, est-ce également le cas d’Aruba ?
Nous n’obligeons pas nos clients à acheter des licences dont ils n’en n’ont pas besoin… Ce n’est pas le modèle de vente d’Aruba. Alors oui, le marché des réseaux adopte une logique commerciale de plus en plus basée sur les abonnements dans un mode « as a service », mais quand un client achète un commutateur, a-t-il réellement besoin d’une licence pour exploiter ce matériel ? La réponse est non. Aruba est d’ailleurs l’un des seuls leaders des réseaux à vendre encore des routeurs ou des commutateurs sans licences. En revanche, Aruba dispose de logiciels dans le domaine des solutions « Software Defined » car elles répondent à des besoins concrets chez les clients pour mieux piloter leurs réseaux.