Mais pour l’heure, chacun se concentre sur sa propre expertise, pour s’en remette à celle des autres lorsqu’il s’agit de livrer une chaîne de traitement complète. Tels des intégrateurs, les acteurs de cet écosystème conçoivent la solution qu’on leur commande à partir de briques dont ils n’ont pas toujours la propriété. Mais les besoins variant d’une entreprise à l’autre, il leur est difficile de standardiser leur offre. Ainsi une simple plateforme de traitement documentaire en mode SaaS repose-t-elle sur des dénominateurs communs qui couvrent seulement les besoins les plus courants des entreprises mais pas ceux de ces métiers spécifiques. Associé à des ressources on premise, le Cloud privé fournit une meilleure réponse aux enjeux numériques de l’ingénierie documentaire. « Faire le choix technique il y a huit ans de développer des applications 100 % Cloud, nous donne aujourd’hui une souplesse d’adaptation pour fournir des plateformes qui doivent gérer des workflows complexes », indique Frédéric Sastrel, PDG d’Eukles. Mais cette approche nécessite souvent des développements, des ajustements, des paramétrages, bref de l’intégration à l’inverse d’une solution universelle. « Il n’existe pas deux clients qui ont les mêmes besoins. Il est complexe d’embarquer à la fois l’ouverture d’un système et toutes les briques que l’on peut lui adjoindre. Alors que l’archivage reste plutôt transparent, il peut y avoir plusieurs typologies de GED. Il est donc difficile d’imaginer une solution unique, capable d’englober tous les besoins sauf peut-être ceux de métiers transversaux dans l’entreprise comme les RH », estime Emmanuel Faure, directeur marketing de Locarchives.
De fait, les plateformes verticales, associées par exemple au secteur de l’immobilier, aux cabinets d’avocats ou encore aux concessionnaires automobiles, rencontrent pour l’heure un succès. « Notre plateforme d’enrôlement de locataires s’appuie elle-même sur une plateforme plus large de case management qui intègre à la fois des outils de reconnaissance de caractères, de GED, de gestion de workflows, de formulaires et de BPM, avec également de la signature en ligne et du paiement.« Pour des raisons de facilité de déploiement et de gestion, les clients veulent une interface unique. Nous devons rendre les plateformes les plus intégrées possible. »
Emmanuel Faure, Locarchives
Cette plateforme est en plus capable de se connecter à d’autres plateformes ou des bases de données externes via des web services, et nous pouvons l’adapter à de nouveaux besoins. Notre choix a été de verticaliser des applications avec l’objectif de valider notre concept. Cela nous permet aussi d’industrialiser les deux processus commercial et déploiement pour répondre à une demande de clients qui ne souhaitent pas particulièrement une plateforme universelle mais attendent plutôt une réponse concrète à un besoin », illustre Eric Blat, directeur marketing et alliances groupe de Numen.
Avec un socle technologique ouvert, l’interopérabilité est facilitée, mais elle n’est pas systématique. Aucun généraliste ne propose aujourd’hui réellement de plateforme de dématérialisation documentaire transverse et universelle. On peut même compter jusqu’à cinq intervenants différents pour créer une telle solution, alors que le client final n’a aucune connaissance de ce Lego à plusieurs mains.
« Les solutions métiers sont intégrées dans la plateforme par le prestataire, demain elles le seront par le client. »
Eric Blat, Numen
« Ce type de plateforme peut être vu comme un tronc commun auquel se rattachent des services additionnels très spécialisés et qui dépendent de la nature des projets. Cette approche permet de couvrir tous les cycles de vie de l’information mais nécessite quelquefois la participation de plusieurs acteurs », explique Noureddine Lamriri, VP product manager chez EverTeam. « La plateforme de démat GED, workflow, SAE est totalement intégrée. Tout est transparent pour le client qui dispose via un portail d’un accès web pour déposer ou récupérer ses documents et déclencher ses workflows », ajoute Jean-Marc Angeard, directeur commercial BPO chez Jouve.
Trois volets de traitement qui utilisent la plateforme comme un support
L’optimisation des processus documentaires passe simultanément par les trois volets capture, diffusion et archivage des données. « Les entreprises ont la volonté d’offrir à leurs clients une expérience utilisateur riche à travers une bonne gestion de l’omnicanal. Elles cherchent donc à optimiser leurs processus et supprimer les silos, mais elles sont pressées de le faire. Les plateformes ont l’avantage de posséder des briques pré intégrées avec des templates, des composants ou des paramétrages métiers qui facilitent l’adaptation des processus. Ces plateformes font le lien entre les nouvelles applications digitales liées à l’expérience client, les processus en back office et le SI existant », indique Eric Brétéché chef de produits chez Itesoft.
« Une partie des processus documentaires peut être déployée on premise pour des raisons d’intégration très spécifique, tandis que la lecture automatique des données est confiée à un service Cloud. »
Eric Brétéché, Itesoft
Récupérer les flux et les structurer
Pour la capture, le traitement multicanal facilite la gestion des documents, qu’ils soient encore sous forme de papier ou nativement électroniques. Le courrier, les mails, les factures, les commandes, les contrats constituent l’essentiel des données régulièrement traitées auxquelles s’ajoutent désormais celles en provenance des réseaux sociaux et des espaces collaboratifs. Il faut récupérer tous ces flux, les canaliser et les structurer. L’entreprise a alors besoin d’un processus unique capable de capter l’ensemble des flux de ses documents entrants. C’est le premier périmètre de la plateforme. Celle-ci consomme les formats nativement numériques soit via des connecteurs dédiés (messagerie, SAP, etc.), soit via des mécanismes d’injection asynchrone (portail propriétaire). Les flux papier sont quant à eux l’objet d’un traitement de numérisation interne ou pris en charge par un spécialiste du BPO.
Afin d’optimiser la diffusion des documents, les solutions de GED et d’ECM sont renforcées par des outils qui assurent l’intégrité et la sécurité des données, et le contrôle de leur mise à disposition lorsque celles-ci sont confidentielles ou stratégiques. Dès lors qu’il appartient à la plateforme, le document est piloté tout au long de sa vie par un module de gouvernance, quel que soit l’espace applicatif dans lequel il se trouve.
Automatiser les approches via un digital ERP
Enfin, pour l’archivage, le déploiement d’un SAE et d’un coffre électronique met à disposition un espace figé ou en libre-service dans la plateforme. La sécurisation de ces environnements et leur respect des normes et réglementations sont un préalable à une politique globale de conservation des données. Tous les services de l’entreprise accèdent alors aux documents à valeur probatoire et aux records qui les concernent. Pour ces trois grands volets de traitement, la plateforme sert d’outil de support à l’ensemble des applications métier de l’entreprise, tout en fournissant à chacune d’elle un accès contextuel à l’information.
« Les entreprises peuvent désormais réaliser un choix à la carte à partir d’une plateforme. On constate la plus forte demande sur les documents sortants, notamment les factures, les bulletins de salaire et les échanges avec Chorus. Viennent ensuite les documents entrants, en particulier toujours la facture et ses éléments liés comme le bon de commande ou le bon de livraison. À la fois document entrant et sortant, le contrat arrive en troisième position, accompagné des signatures associées », note Pierre Patuel, DG de DPII Telecoms. Mais, même lorsque les entreprises maîtrisent leurs processus prioritaires et qu’elles décident de se pencher sur la gouvernance de l’information, l’automatisation de l’organisation et de la distribution des données n’est pas encore au rendez-vous. « Elles se demandent comment exploiter les données issues de leur plateforme, qu’il s’agisse par exemple de dématérialisation de relations contractuelles ou bien de dématérialisation fiscale des factures. La solution passe par les API, mais aussi par une bonne gestion des métadonnées et des accès. L’idéal est de pouvoir automatiser ces approches, à travers ce qu’on pourrait appeler un digital ERP, mais son coût est encore dissuasif », souligne Charles Du Boullay, PDG de CDC Arkhinéo.
Une automatisation qui va de pair avec une intelligence des traitements et qui détermine l’efficacité des interactions de l’entreprise avec ses clients, ses partenaires et ses salariés à travers son patrimoine informationnel.