« Intranet is dead » ! L’arrivée, il y a une dizaine d’années, des réseaux sociaux d’entreprise devait signer la fin des Intranets. Pourtant, ceux-ci sont toujours là et évoluent de plus en plus afin de répondre aux besoins des métiers.
Certains l’annonçaient comme mort, ringardisé par les réseaux sociaux d’entreprise, pourtant l’Intranet n’est pas mort. Certes, l’Intranet “portail” décline, mais l’Intranet est en train de se réinventer pour être plus collaboratif, plus social aussi. Les réseaux sociaux d’entreprise promus par BlueKiwi, Seemy, Jive et plus récemment Facebook ont bousculé le marché, mais les éditeurs de plateformes d’Intranet collaboratifs ont intégré leurs recettes. Emmanuel Douaud, fondateur de Seemy, éditeur de RSE (réseau social d’entreprise) estime avoir été trop loin dans l’innovation : « Nous avons cru que les Intranet portails allaient totalement disparaître au profit des RSE, car c’est ce qui s’est passé dans le grand public. Aujourd’hui, l’audience des sites d’actualité est en chute libre par rapport à celle enregistrée par les réseaux sociaux. Les jeunes s’informent désormais en majorité sur Facebook. Nous nous attendions à ce qu’il se passe la même chose dans les entreprises. »
Quand Intranet collaboratifs et RSE convergent
Les Intranet portails classiques avaient été conçus pour être utilisés sur un mode de lecture seule. Ils étaient structurés sur l’information elle-même et non pas sur les profils utilisateurs comme le sont les réseaux sociaux d’entreprises. De leur côté, les RSE sont, eux, centrés sur les utilisateurs, tout comme le sont Facebook ou LinkedIn, le contenu est moins important que les utilisateurs eux-mêmes. Deux approches en train de converger. « Les Intranet auxquels on ajoute des fonctions collaboratives réussissent assez bien à offrir une approche lecture / écriture avec la possibilité d’ajouter des commentaires à certains articles de l’Intranet, mais le fonctionnement de fond reste radicalement différent du réseau social », estime Emmanuel Douaud.
A l’opposé, les RSE ne convenaient pas complètement aux entreprises classiques : « Nous avons d’abord proposé des solutions totalement basées sur les utilisateurs et la notion de flux d’activité. De ce fait, la communication interne se retrouvait dépossédée de son outil, puisque les informations qu’elle souhaitait diffuser aux collaborateurs était noyées dans le flux des contributions.» Depuis, les éditeurs de RSE ont fait un pas vers les Intranet plus classiques en dotant leurs réseaux sociaux de fonctionnalités de type portail.
Le rouleau compresseur Office 365
Si cette convergence entre Intranet collaboratif et RSE semble acquise, ce marché fait face à un phénomène très déstabilisant : l’arrivée d’Office 365 dans les entreprises. Celles-ci optent pour les forfaits mensuels Microsoft pour la messagerie électronique Cloud ainsi que la suite bureautique Office mais Microsoft a inclus dans ses formats sa plateforme collaborative SharePoint, son réseau social Yammer ainsi que sa communication instantanée Skype for Business. De quoi profondément déstabiliser le marché. Les éditeurs de RSE et d’Intranet ont dû se spécialiser comme Seemy qui s’est réorienté vers l’innovation. « Nous nous positionnons désormais comme une plateforme pour organiser des challenges innovation et sur laquelle les collaborateurs viennent partager leurs idées, où ces idées sont ensuite enrichies et votées. Par exemple, tous les ingénieurs de la RATP innovent avec Seemy. »
D’autres, notamment les intégrateurs Microsoft, proposent une autre approche et viennent se greffer sur Office 365 afin de proposer un portail collaboratif qui exploite les multiples outils de communication mis à disposition par Microsoft dans ses forfaits. C’est ce que propose Expertime avec son offre Powell 365, un Intranet clé en main, qui a notamment été retenue par la SNCF, Française des Jeux, Lacoste et Gedimat. Infeeny (ex MC NEXT) a lui aussi créé une offre qui vient se placer sur Office 365 : Mozzaik365 : « Beaucoup de nos clients vont vers Office 365 qui apporte l’ultra-mobilité à leurs collaborateurs. Avec Mozzaik 365, nous nous posons en facilitateurs pour bien utiliser ces briques et centraliser les flux, aider les utilisateurs à se retrouver face à ces multiples outils de collaboration, et donc transformer la façon de travailler en équipe et collaborer. Notre plateforme Mozzaik365, c’est un Intranet déjà fonctionnel et qui va servir de base à ce que l’entreprise souhaite mettre en place. » Mozzaik365 est une solution prête à être installée avec des services sur mesure adaptés. Elle offre un portail Intranet complet, et permet de mettre en place très facilement des espaces collaboratifs d’équipe et de bénéficier d’un centre d’aide pour Office 365. Les différents produits d’Office 365 y sont connectés (SharePoint, Yammer, Delve, OneDrive, Office Videos, …). Le tout peut être disponible pour l’ensemble des collaborateurs en moins de 10 jours ou personnalisé, met en avant l’éditeur. Mozzaik365 est disponible pour 1€ / utilisateur / mois.
Facebook peut-il changer la donne ?
Depuis quelques mois, un autre acteur tente de bouleverser la donne dans le monde de la collaboration en entreprise : Facebook, qui propose une version entreprise de son réseau social. Baptisée à l’origine Facebook at work, celle-ci s’appelle maintenant Facebook Workplace, bien que beaucoup d’experts en collaboration en entreprise soulignent qu’il ne s’agit en aucun cas d’une plateforme collaborative. Julien Lesaicherre, directeur Europe de Facebook Workplace tentait de convaincre les DSI français lors de la dernière conférence annuelle du CRIP : « Ce qui nous a poussés à compléter notre offre avec cette approche entreprise, c’est lorsque nous nous sommes aperçus que des centaines de millions de personnes utilisaient nos outils grand public pour travailler. C’était notamment le cas d’une grande compagnie aérienne qui utilisait Facebook Groups, les groupes fermés de Facebook, pour organiser l’intégralité de la gestion de ses équipages. » Selon le responsable Facebook, plus de 500 entreprises testent déjà Facebook Workplace dont Danone, Le ClubMed, Renault. Julien Lesaicherre souligne : « Chaque instance est isolée de Facebook, hermétique et les data appartiennent à l’entreprise. En outre, nous avons développé des connecteurs avec Azure Active Directory et Okta. Cet environnement apporte tout ce que l’on connaît de Facebook mais pour les collaborateurs uniquement, dans un environnement maîtrisé par l’entreprise qui dispose d’une console d’administration, d’API. » Si les experts sont sceptiques, Facebook mise sur les utilisateurs qui utilisent dans le privé quotidiennement Facebook et Facebook Messenger pour être les ambassadeurs de l’offre auprès des dirigeants d’entreprise. Un pari osé en France. Lors de son annonce à Londres en octobre, Forrester indiquait : « Il est logique que Facebook fasse une poussée vers une plateforme de cloud d’entreprise qui sera en concurrence avec les principaux acteurs de l’industrie comme Salesforce. » Craig Le Clair, analyste chez Forrester indiquait: « D’ici 2020, 50% des travailleurs seront des millennials et ils ont déjà commencé à révolutionner la façon de travailler. Facebook peut réussir et capitaliser financièrement sur ce marché. »
Norbert Friant,
Responsable du Service Numérique,
Rennes Métropole / ville de Rennes
«Il est indispensable que tout soit en ligne»
« La Métropole de Rennes a créé des lieux dans toute la ville où accueillir des gens, des lieux avec des moyens numériques afin de créer une communauté. Nous avons notamment développé un réseau de Fab Lab, soit en tout 21 lieux dans toute la métropole. Aucun n’est identique et tous partagent leurs ressources, leurs pratiques collaboratives sur la plateforme LabFab.fr. Ce réseau de lieux travaille sur les domaines de la mobilité, du recyclage des déchets, et nous avons récemment organisé une nuit du code et une cryptoparty. Chacun utilise ses propres outils collaboratifs, certains utilisent notamment Github, mais il est indispensable que tout soit mis en ligne. Nous les aidons à s’outiller, mais nous ne gérons pas nous-mêmes les outils mis en œuvre. C’est très hétérogène mais tout doit être accessible par tous, on n’est pas tous des « barbus » ! Nous mettons en œuvre la plateforme Fun afin de publier des Mooc. La première année, nous avons eu 22 000 utilisateurs et actuellement nous en avons 20 000 en moyenne chaque année. »
Vincent Bouthors,
PDG de Jalios
Intranet à dimension RSE
« La collaboration ne doit pas être “jetable” »
« Nous assistons aujourd’hui à une convergence entre gestion de la connaissance et collaboration. La collaboration aide les employés à s’échanger de l’information, facilite les échanges, mais les outils collaboratifs ne traitent pas du volet capitalisation de ces échanges. C’est particulièrement vrai des réseaux sociaux d’entreprise qui sont conçus pour faciliter les échanges entre ses membres. Si des documents sont échangés, ce sont des pièces jointes qu’il est ensuite très difficile de retrouver plusieurs mois plus tard. Notre positionnement est qu’il faut allier ces deux volets collaboration et gestion de la connaissance. La collaboration doit servir l’employé, mais aussi l’entreprise qui a besoin que la connaissance soit gérée de façon plus efficace. La collaboration ne doit pas être une collaboration “jetable” qui se limite aux échanges mais doit être réalisée via le même dispositif qui gère la connaissance sur le long terme. »
Alain Berger,
directeur général d’Ardans
Ingénierie de la connaissance et de l’information
« Les systèmes de GED ou SharePoint sont au Néandertal de la gestion de la connaissance »
« La collaboration est aujourd’hui essentielle en gestion de la connaissance car l’objectif n’est pas de créer des dictionnaires qui dorment dans des bibliothèques, mais bien de proposer des dispositifs qui évoluent au fil du temps car la connaissance est un produit vivant et la plateforme doit pouvoir la faire vivre dans la durée. Les RSE et des outils nouveaux collaboratifs, tels que la messagerie instantanée, génèrent énormément de flux, mais aussi énormément de bruit. Il faut être capable de filtrer tout ce bruit et dans des domaines extrêmement sensibles comme le nucléaire, l’énergie, l’industrie, les gens sont très prudents. Il faut savoir prendre du recul. Un système tel que Google qui ne retourne pas le même résultat à une requête en fonction du profil de l’utilisateur pose un vrai problème de “consistance” de ses réponses. De même, sur un réseau social, est-ce que celui qui communique le plus est le plus légitime ? Bien souvent dans les entreprises, les meilleurs experts ne sont pas ceux qui parlent le plus ! Des outils qui ont tout leur sens dans le grand public ne sont pas adaptés à un cadre industriel. »