Le point de vue sur la question a-t-il évolué récemment ? Pour le savoir, Solutions Numériques a interrogé des spécialistes. Réponses.
« Oui, je sens une évolution significative depuis deux – trois ans, constate Carole Davies-Filleur, une associée du cabinet Accenture. Les problématiques écoresponsables arrivent au cœur de la stratégie d’un nombre croissant d’entreprises, des grandes notamment, qui ne se contentent plus de cocher des cases. D’ailleurs, des responsables du numérique commencent à apparaître dans les Comex ».
Une tendance que confirme également Laurence Jumeaux, directrice associée chez Capgemini en charge de l’offre Informatique Durable : « La notion de Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE) a émergé dès 2020 dans les entreprises. J’ai constaté post-confinement une intensification de l’intérêt pour le numérique responsable au sein de certaines DSI, qui étudient davantage l’écoresponsabilité dans une dimension plus ou moins intégrée à la RSE ».
Pourquoi assiste-t-on à cette récente mobilisation écoresponsable chez davantage d’entreprises et de DSI ? Plusieurs raisons à cela. On peut citer l’aiguillon financier et RH par exemple.
L’écoresponsabilité est mieux prise en compte par le législateur
En effet, les analystes financiers commencent enfin à regarder si les entreprises, au moins celles cotées en bourse, font ce qu’elles disent en matière d’écoresponsabilité et de RSE. Leur avis sur la durabilité de l’entreprise peut impacter leur notation financière ou leur cours de bourse, voire leur capacité d’embauche. Carole Davies-Filleur constate d’ailleurs que « certains employés, et surtout des “digital natives”, exercent désormais une pression “écologique” sur les directions générales, qui prennent davantage au sérieux certaines de leurs préoccupations à l’heure où la guerre des talents fait rage ».
L’aiguillon réglementaire améliore aussi la prise en compte des questions d’écoresponsabilité par les entreprises et les différents Etats. En France, le gouvernement a commencé à encadrer ces questions avec les lois Reen et Agec et Pact.
Par exemple, la loi Agec publiée en janvier 2021 pour divers secteurs, dont le numérique, oblige les fournisseurs à montrer un indice de réparabilité pour les produits grand public, avec des amendes à la clef s’ils ne la respectent pas. « Le gouvernement français a étendu cet indice aux produits du marché BtoB également. Nous savons qu’un nouvel indice de réparabilité apparaîtra dès 2024 et il est probable qu’il oblige les acheteurs de produits du secteur public à respecter aussi la loi Agec », explique Laetitia Cousi, responsable RSE chez Dell Technologies.
D’ailleurs, ne pas proposer de produits recyclés au secteur public est déjà disqualifiant selon elle « car l’article 58 loi Agec oblige les acheteurs de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements à acquérir au moins 20 % de biens recyclés ou comportant des matières recyclées ». Le numérique responsable s’impose dans beaucoup d’appels d’offres selon Gérôme de Gea, directeur des Infrastructures Cloud en EMEA d’Oracle : « Dans ceux émis par des sociétés qui désirent atteindre une certaine neutralité carbone, les prestataires doivent répondre désormais à des questions précises, sur le type d’empreinte carbone d’une solution dans le cloud ou d’un datacentre par exemple ». Et des mauvaises réponses peuvent leur faire perdre l’appel d’offres.