Bénédicte Bonnet Roussey, Business Services Sourcing Manager d’Essilor et Hervé Thoumyre, DSI du Groupe Carrefour ont conjugué gouvernance et rationalisation, la première des prestations IT et le second du système d’information. En 2008, les achats de prestations informatiques du fabricant de verres de lunettes s’élevaient à 28 millions d’euros, pour deux tiers en assistance technique et un tiers en forfaits d’intégration et tierce maintenance applicative. La direction des SI a fait appel à la direction achats afin de réduire les coûts, avec pour objectif de passer de 54 à 15 SSII. Pour opérer cette coupe sèche, en 2009, des SSII ont été consultées selon plusieurs critères : compétences telles que référencées par le CIGREF, niveau de maturité, présence internationale. En sont ressorties deux grandes familles de fournisseurs : trois VIP, partenaires privilégiés qui ont l’exclusivité dans un premier temps pour les réponses à appel d’offres, et douze challengers. Des contrats cadres ont été signés avec ces quinze entreprises. Des contrats d’exécution sont ensuite signés et limités à des périodes de trois mois. “Dans la pratique, reconnaît Bénédicte Bonnet Roussey, Business Services Sourcing Manager d’Essilor, le suivi du projet par les directions opérationnelles a été compliqué. Par exemple, les règles de consultation ont difficilement été respectées et ont nécessité un suivi spécifique.” Les bénéfices retirés ont été une réduction du budget de 10% en 2010. Chez Carrefour, le modèle de gouvernance a été décidé par le directoire en novembre 2007. Le SI est un levier de transformation et d’innovation pour soutenir le programme stratégique de l’entreprise. Celui-ci cherche à développer les différents formats de distribution, des magasins de proximité aux hypermarchés, et les marques distributeur, et à capitaliser sur la marque Carrefour et sur la taille de l’entreprise. Dans ce cadre, la recherche d’économies d’échelle est un objectif prioritaire. Notamment, les nouvelles solutions avaient tendance à venir s’empiler sur les anciennes, les coûts de maintenance s’accumulant. La rationalisation, en cours, passe par la réduction du nombre de datacenters, de trente à quatre, et de trente configurations à une seule pour les cent mille postes de travail, ou encore la rationalisation des réseaux télécom. La mondialisation et la verticalisation des achats IT, séparés de la fonction informatique, s’accompagne de benchmarks internes et externes. Un effort a été récemment porté sur la gestion des actifs, afin de mieux structurer les inventaires matériels et logiciels et maîtriser le cycle de vie des actifs. Mais la bonne gouvernance du groupe de distribution ne s’arrête pas là. Il repose sur une organisation et des règles claires et strictes :
>une organisation matricielle, avec des services informatiques par pays responsables de la fourniture de solutions aux métiers du pays, et des centres de services mondiaux ou régionaux. Par exemple, les systèmes d’encaissement sont nationaux, mais il existe un outil de pricing mondial ;
>Des équipes de gouvernance interviennent à l’échelle mondiale ;
>Des procédures et des règles de gouvernance en matière de gestion des investissements – plus sélectifs – de solutions, d’architecture, d’infrastructure, de sourcing et de partenariat. Ainsi, tout projet de transformation nécessite l’engagement de la direction métier concernée ;
>Une charte d’urbanisation qui explique comment les solutions doivent interopérer ;
>En matière de sécurité, l’objectif est de protéger l’entreprise et de bien gérer les risques. Ainsi, avec deux millions de passages en caisse chaque jour dans les hypermarchés Carrefour, la gestion du risque de ralentissement des caisses nécessite un middle-office fiable, des plates-formes d’intégration de flux communiquant avec le back -office. Enfin, Hervé Thoumyre, DSI du groupe, met en lumière l’importance des ressources humaines et de la communication : “Nous voulons des salariés motivés sur lesquels on peut capitaliser. Le SI est très obscur pour beaucoup de salariés dans l’entreprise, nous voulons le démystifier et le vulgariser.” Et d’annoncer ses résultats : “Par une simple maîtrise des investissements, sans réduction drastique des coûts, le budget informatique a gagné 0,1 point du chiffre d’affaires entre 2007 et 2010, soit 70 millions d’euros économisés.”