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Carrefour se donne pour ambition d’être un leader mondial du “Digital Retail”, d’ici 2026, après une transformation profonde conduite depuis 2018. Et il s’essaie au passage aux technologies émergentes, dont le métavers, plutôt que de rater le coche de ce qui sera demain le nouveau visage du commerce.
Dans sa stratégie à l’horizon 2026, Carrefour se donne pour ambition d’être un leader mondial du “Digital Retail”, après une transformation profonde conduite depuis 2018, migrant ses systèmes informatiques vers le Cloud. 30 % des applications du groupe y sont déjà, 100 % le seront en 2026. Fondée sur une approche
“data-centric, digital first”, sa mise en œuvre tourne autour de quatre axes clés : l’accélération de l’activité e-commerce, la montée en puissance des activités Data & Retail Media, la digitalisation des services financiers et la transformation, par le digital, des opérations traditionnelles de distribution. A la clé, des investissements dans le digital augmentés de 50 %, avec un plan dédié de 3 Md€ entre 2022 et 2026. Côté e-commerce, le groupe mise sur la progression de la livraison express et du quick commerce, du B2B et du développement cible dans le non-alimentaire au travers de marketplaces, du social commerce et du live-shopping.
« On veut tester toutes les innovations le plus tôt possible. »
« Data-centric, digital first »
« Nous avons une raison d’être, c’est la transition alimentaire pour tous, et un modèle, la Digital Retail Company, c’est-à-dire la conviction forte que le digital n’est pas que l’affaire d’une direction digitale, mais doit irriguer l’ensemble de l’entreprise. On essaie de tirer parti du digital dans toute les fonctions, corporate et client », pose en préambule Nicolas Safis, directeur de l’innovation chez Carrefour. Et pour arriver à ses fins, le distributeur fait en particulier appel à la data. En adoptant une culture “data-centric, digital first”, il fait évoluer ses processus opérationnels traditionnels, notamment le pricing, la construction d’assortiment, les prévisions d’activité, les flux logistiques et d’approvisionnement, ou encore les processus administratifs. Dans le domaine, la plateforme Carrefour Links, entièrement fondée sur la donnée, est « une fierté » pour le groupe. Elle permet aux partenaires industriels de Carrefour de réaliser leurs campagnes marketing sur l’ensemble des espaces du groupe (sites internet, applications, magasins) et d’en mesurer l’impact réel, depuis la visibilité jusqu’aux ventes réalisées.
« Elle valorise toutes les données clients, les collecte, les traite pour en extraire des insights ou des analyses afin de permettre aux fournisseurs de mieux comprendre leur clients. »
Une valeur extraite des données opérationnelles démultipliée
Carrefour dispose aussi d’un immense datalake, qu’il dit le plus grand d’Europe, avec 8 milliards et demi de données (à novembre dernier), de transactions, de tous les pays du monde. Grâce à elles, le distributeur produit des algorithmes qui vont prédire les ventes de croissants ou pains au chocolat réalisées dans les magasins. De quoi éviter à la fois les ruptures de stock et le gaspillage alimentaire. Sur le site Carrefour.fr, l’IA mise en place est, elle, capable de proposer le bon produit au bon moment dans la liste de courses d’un acheteur en fonction de ses achats passés. Elle lui propose par exemple des produits qu’il aurait pu oublier. Récemment, un bouton anti-inflation a même fait son apparition sur le site pour proposer des produits similaires moins cher, de marque distributeur ou pas.
Une stratégie “Test & Learn”
A côté de la data ou de l’e-commerce classique, Carrefour « ne veut passer à côté d’aucune innovation », avec la volonté de se saisir de toutes les tendances qui se présentent. « Nous essayons d’interpréter les signaux faibles le plus tôt possible et, si l’on considère qu’il y a un potentiel pour changer l’expérience client ou la façon dont les collaborateurs Carrefour peuvent faire leur métier au quotidien, alors on va l’expérimenter. » C’est avec cette philosophie que le distributeur s’est lancé dans le métavers, ou plus largement dans la grande famille du Web3. Il y a un peu plus d’an an, en janvier 2022, il a acquis un terrain, l’équivalent de 35 hectares, sur Sandbox, puis réalisé en mai sur la marketplace de ce monde de réalité virtuelle sa première vente de NFT, les NFBEEs dédiés à la sauvegarde des abeilles.
L’argent collecté a été reversé intégralement au Beefound de la Fondation de France, en faveur de la préservation des abeilles. Une expérience totalement nouvelle pour Carrefour, récompensé par sa tentative : 200 NFBEEs vendues en moins de 24 heures et 25 000 joueurs qui ont passé en moyenne 57 minutes sur le jeu dédié, contre les 30 habituelles sur Sandbox !
«Nous avons un modèle, la digital retail company,
c’est-à-dire la conviction forte que le digital doit irriguer
l’ensemble de l’entreprise. »
Des codes et des leviers complètement nouveaux
Pour y arriver, il a fallu créer une collection de NFT, la vendre en encaissant des cryptomonnaies, et trouver un canal de discussion avec les clients, en l’occurrence Discord, le réseau social du Web3. Pas simple pour une entreprise de la taille de Carrefour, avec tous les processus hors cadre habituel que cela implique. « Il a fallu créer une communauté, l’animer, la faire vivre », explique Nicolas Safis. Des codes et des leviers complètement nouveaux pour Carrefour qui, fort de son succès, n’hésite pas à réitérer l’opération, visant plus large, avec la vente de 4 000 NFT, aussi bien dans le Web que dans les magasins physiques, avec des événements organisés à Nice et Sao Paulo au Brésil. Carrefour en tire un bénéfice d’image, avant tout, sans chercher à donner à ces initiatives une dimension commerciale.
Pour autant, en juin dernier, le groupe tente de créer une passerelle entre l’e-commerce et le métavers au travers d’un partenariat avec Procter & Gamble autour d’un produit ménager, mêlant un jeu, « pour que le client se familiarise avec le produit », et des vignettes redirigeant vers le site Carrefour.fr pour l’acheter directement. Une tentative pour trouver les bons cas d’usage futurs…
En septembre, Carrefour s’essaie à son premier événement de recrutement dans le métavers en présence, sous la forme d’avatars, d’Alexandre Bompard, son directeur général, et d’Elodie Perthuisot, sa directrice E-commerce, Digital Transformation et Data Officer. 30 étudiants des Mines et de Polytechnique qui veulent se spécialiser dans la data y sont invités pour découvrir les projets menés chez Carrefour et échanger avec des experts.
« La moitié, environ, a continué le processus de recrutement classique et deux ont signé, ce qui est un chiffre élevé alors que les métiers de la data sont des profils très recherchés », se félicite Nicolas Safis. Certes, Carrefour devra améliorer un graphisme, critiqué à l’époque sur les réseaux sociaux, mais il faut faire avec l’équipement IT des uns et des autres : tout le monde n’est pas équipé de l’ordinateur dernier cri, d’un casque de VR vendu à prix élevé… ni simplement familiarisé avec le métavers. Mais… « soit on attend que cela devienne un courant dominant, soit on prend la tendance le plus tôt possible en considérant que ces quelques petits pas d’avance vont peut-être créer, demain, un avantage compétitif ».