A la mi-novembre, Apple a indiqué donner la possibilité à ses utilisateurs de réparer eux-mêmes leurs smartphones et certains ordinateurs. Le magasin en ligne, baptisé “Self Service Repair”, permettra d’acheter plus de 200 pièces détachées et outils utiles pour les problèmes les plus courants des dernières gammes d’iPhone (12 et 13), comme les batteries ou écrans défectueux.
Le nouveau service sera lancé aux Etats-Unis début 2022, avant d’être étendu à d’autres pays dans l’année, et comprendra bientôt, en plus des smartphones, les ordinateurs équipés de la puce M1, fabriquée par Apple.
Auparavant, les réparations étaient confiées à ses techniciens dans ses magasins et certains commerçants autorisés, avec des temps d’attente et des prix qui n’étaient pas forcément à la portée de tous… “Les clients rejoignent ainsi plus de 5 000 fournisseurs autorisés et 2 800 réparateurs indépendants qui ont accès aux pièces détachées, aux outils et aux manuels », a précisé le groupe. “Pour s’assurer qu’un client peut effectuer une réparation en toute sécurité, il est important qu’il examine d’abord le manuel de réparation. Ensuite, un client passera une commande de pièces et d’outils d’origine Apple à l’aide de la boutique en ligne de réparation en libre-service d’Apple. Après la réparation, les clients qui retournent leur pièce usagée pour recyclage recevront un crédit pour leur achat », a détaillé Apple.
L’auto-réparation, une bonne chose en soi
Faut-il se réjouir qu’Apple réponde ainsi aux diverses accusations d’obsolescence programmée sur ses appareils ? “On ne pensait pas qu’on verrait ça un jour », a réagi sur Twitter iFixit, une plateforme en ligne inspirée par le modèle de l’économie circulaire qui a pour slogan “Nous avons le droit de réparer ce qui nous appartient ». Ce qu’Apple propose “n’est pas parfait, mais nous sommes ravis qu’ils admettent enfin ce que nous avons toujours su : tout le monde est assez intelligent pour réparer un iPhone ».
“Bravo Apple de vous engager pour l’auto réparation ! Vous participez ainsi à la réduction des déchets et aidez à prolonger la durée de vie des produits », a déclaré de son côté sur Linkedin Geoffroy Malaterre, fondateur et CEO de Spareka, dont le site d’e-commerce propose des pièces détachées (8 millions de références) et des aides pour diagnostiquer les pannes. Mais il s’interroge : avec une moyenne actuelle de 5,5/10 en réparabilité selon les données du site indicereparabilite.fr, les produits Apple seront-ils vraiment réparables, par tous, dès l’année prochaine ?
“Jusque-là, Apple était fermement opposé à ce que ses appareils puissent être réparés par tous. L’accès aux outils, pièces détachées et documents techniques de la marque est réservé aux réparateurs agréés. En verrouillant le marché, le fabricant maîtrise les prix des réparations, souvent exorbitants et donc décourageants. Apple va même plus loin en empêchant concrètement les réparateurs indépendants et utilisateurs de réparer. La phrase “N’ouvrez pas l’iPhone et n’essayez pas de réparer vous-même” est encore inscrite dans chaque manuel Apple », explique-t-il avec Cyril Berton, expert technique. Avec les télévisions, les smartphones et ordinateurs sont les catégories les moins réparables : “produits impossibles à ouvrir, pas de documentation disponible, pièces détachées trop chères… » Les smartphones par exemple obtiennent un indice de réparabilité de 6,74/10 sur les 114 références analysées. Les ordinateurs portables ont une moyenne de 6,11/10.
Mais quels coûts, et comment réparer sans casse ?
Si Apple compte donner accès à des « kits de réparation » grand public, pour les manipulations les plus courantes, remplacement de la batterie, de l’écran et de l’appareil photo, quels seront les coûts de ces derniers ? Selon une étude de l’ADEME, les citoyens ne réparent pas si le coût de la réparation est supérieur à 30 % du prix de l’appareil neuf. Ainsi, un iPhone acheté 650 € ne sera pas réparé si cela coûte plus de 200 €. Actuellement, pour faire remplacer son écran en cas de fissure ou casse, il faut compter 361,10 € pour un iPhone 13 Pro Max ou 12 Pro Max par exemple. Il faudra donc que les prix des pièces détachées soient abordables…
Second problème potentiel : comment réparer un appareil non démontable ? Batteries collées, absence de vis, outils spéciaux… la plupart des produits Apple ne peuvent pas être ouverts et réparés sans être cassés, expliquent Geoffroy Malaterre et Cyril Berton. “Aujourd’hui, pour démonter un iPhone, plusieurs manipulations sont « risquées » comme devoir décoller la batterie (arrachage potentiel d’autres éléments) ou ouvrir le téléphone en chauffant les contours (chauffage nécessaire pour faire fondre les colles). »
Apple n’a-t-il pas indiqué lui-même dans son communiqué du 17 novembre : “La réparation en libre-service est destinée aux techniciens individuels possédant les connaissances et l’expérience nécessaires pour réparer les appareils électroniques. Pour la grande majorité des clients, consulter un réparateur professionnel avec des techniciens certifiés qui utilisent des pièces d’origine Apple est le moyen le plus sûr et le plus fiable d’obtenir une réparation. »
Apple se voit régulièrement reproché par des entreprises et autorités de contrôler de trop près son écosystème physique et immatériel. Les problèmes de compatibilité avec des appareils d’autres marques, par exemple, incitent fortement les consommateurs à rester dans l’univers de la pomme. Récemment, la marque a été sévèrement critiquée pour avoir programmé le blocage de « Face ID » si l’écran du nouvel iPhone est changé par un réparateur non agréé. Quelques jours après ce scandale, la marque s’est engagée à corriger le problème et permettre le changement de l’écran tactile.