Mercredi 18 juillet dernier, la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager a annoncé qu’une amende de 4,3 milliards d’euros était infligée à Google pour abus de position dominante.
La Commission européenne reproche à Google d’avoir fait en sorte que son moteur de recherche Google Search et son navigateur Google Chrome soient préinstallés sur pratiquement tous les appareils Android (système d’exploitation de Google pour terminaux mobiles), une situation qui favorise ces applications Google au détriment de ses concurrents.
Google aurait donc utilisé sa position dominante sur le marché des systèmes d’exploitation – Android équipe en effet près de 80% des mobiles à travers le monde – pour se renforcer sur d’autres marchés : celui des navigateurs et des moteurs de recherche. Google a d’ores et déjà annoncé qu’il allait faire appel de cette nouvelle sanction. En attendant, il devra changer son comportement et ne plus exiger que ses applications soient préinstallées dans les téléphones et autres terminaux mobiles.
Cette pratique et la sanction correspondante ne sont pas nouvelles. On se souviendra de l’affaire Microsoft au début des années 2000 qui avait vu le géant de Seattle sanctionné pour avoir avoir procédé à des ventes liées illégales en couplant son système d’exploitation Windows avec son logiciel de navigation Internet Explorer. Cette fois là, la sanction était prononcée par une juridiction américaine (United States v. Microsoft Corp., 97 F. Supp. 2d 59, D.D.C. 2000).
Le droit de la concurrence, en sanctionnant les abus de position dominante vise à garantir l’accès au marché – ici, l’accès au marché pour les développeurs d’applications concurrentes – afin de favoriser toujours l’innovation et d’éviter le développement de monopoles. Politiquement, cela signifie aussi ouvrir le marché du numérique, qui à l’heure actuelle, est ultra-dominé par les géants américains comme Google.
De manière plus générale, l’Union européenne est en train d’affirmer peu à peu face aux Etats-Unis son propre modèle de régulation des GAFAM, en protégeant les données des utilisateurs via le RGPD, en défendant une réforme des droits d’auteurs, en luttant contre leurs systèmes d’optimisation fiscale et leurs pratiques commerciales déloyales.
Cette amende record est tombée une semaine précisément avant la visite aujourd’hui du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker au président américain Donald Trump, rencontre qui a pour but d’empêcher une guerre commerciale entre l’Union européenne et les États-Unis. Au mois de juin, Washington a en effet augmenté les droits de douane sur l’acier et l’aluminium, ce qui a été suivi par une taxation de produits américains dans l’Union européenne. Le président américain a ensuite menacé l’Europe une offensive protectionniste sur les voitures. La Commission européenne s’est dite prête à continuer à répondre aux provocations.
Si la sanction contre Google ne peut être considérée comme purement politique, puisqu’elle est une application du droit européen de la concurrence et fait suite à une procédure de plusieurs mois, le calendrier de cette annonce s’inscrit en tout cas dans un contexte de démonstration de force de la part des Européens, tout comme le JEFTA, l’accord commercial signé avec le Japon, la semaine dernière également. Elle annonce que l’Union européenne est armée et ne baissera pas la garde face aux Etats-Unis et, dans le cas présent, face aux pratiques anti-concurrentielles des géants américains du web.