SAP peut-il facturer les clients pour les usages et accès indirects de ses systèmes par le biais d’applications de tiers ? Controversé sur le sujet, SAP est poussé à clarifier publiquement sa position.
En mars dernier, la communauté SAP s’enflammait à la suite d’un jugement rendu par la cour royale de justice, un juge britannique condamnait le groupe agro-alimentaire Diageo au bénéfice de SAP. Client de la firme de Walldorf depuis 2004, Diageo a lancé en 2012 deux projets « relation clients », bâtis sur Salesforce, et connectés à SAP via une infrastructure d’échange disposant d’une licence légitime pour accéder aux données. SAP a estimé que cette licence était insuffisante et a assigné son client en justice, exigeant que tous les utilisateurs qui accèdent aux données SAP via l’infrastructure d’échange s’acquittent d’un droit d’usage. SAP réclamait ainsi en reprenant l’historique 64 millions d’euros à Diageo… En France, l’USF, l’association des utilisateurs SAP francophones, s’en était inquiétée la première publiquement. “Cette affaire donne un signal négatif : elle risque de faire fuir certains prospects et clients de SAP, car elle constitue une épée de Damoclès pour les utilisateurs”, commentait début mars Claude Molly-Mitton, président de l’USF. “L’USF a été, il y a déjà plusieurs années, l’un des tous premiers clubs utilisateurs SAP dans le monde à tirer le signal d’alarme sur les accès indirects. Cette problématique devient très concrète, en étant portée pour la première fois devant les tribunaux. Même si le contexte contractuel est ici à la fois assez ancien et manifestement spécifique, cette affaire risque de soulever davantage de doutes auprès des clients qui croient avoir réglé un prix définitif pour leurs actifs SAP.” Henri d’Agrain, le Délégué Général du Cigref, soutenait lui : “Les données confiées aux systèmes SAP n’appartiennent pas à SAP mais aux entreprises, et ce qu’elles en font une fois que ces données en ont été extraites ne regarde qu’elles.” Et d’appeler SAP à revenir à “des pratiques qui soient raisonnables, saines et éliminer ce flou sur ses pratiques commerciales et contractuelles”. Aux côté du Cigref dans cette bataille, EuroCIO, l’association européenne des CIO qui regroupe 1000 organisations et représente 700 000 salariés IT, ainsi que le SUGEN (SAP User Group Executive Network), réseau international des 20 plus importants clubs d’utilisateurs SAP au monde (sauf DSAG).
La rébellion semble avoir été entendue. A la conférence annuelle Sapphire d’Orlando, le PDG de l’éditeur, Bill McDermott, a enfin abordé publiquement la question controversée des licences indirectes dans son discours d’ouverture. “J’entends que l’accès indirect cause de l’anxiété, alors disons-le comme il l’est. La protection de la propriété intellectuelle et la facilité de faire des affaires est un équilibre délicat. Mais, même si nous maintenons cet équilibre, nous pouvons montrer une plus grande empathie”, a-t-il déclaré en introduction.
Moderniser l’approche tarifaire
“Aujourd’hui, j’annonce des prix simplifiés. Les processus de «procure to pay» et «d’order to cash» seront maintenant basés sur les commandes, ce qui constitue un résultat mesurable pour toute entreprise. L’accès statique à la lecture dans les systèmes tiers est vos données, et SAP ne facturera pas pour cela.”
Hala Zeine, corporate development officer SAP, précise dans un billet de blog : “”a lecture statique indirecte sera maintenant incluse dans la licence du logiciel sous-jacent, c’est-à-dire sans frais supplémentaires lorsqu’un client est correctement titulaire d’une licence.”
SAP semble donc faire un pas vers les utilisateurs, mais il faudra que les choses se clarifient, car la licence est un sujet fort complexe. Quelle métrique (par utilisateur ou volume de commandes) utilisée selon les processus, à un instant T et à l’avenir ? SAP devra mieux informer ses utilisateurs. En France, l’USF veut elle prendre le temps “d’analyser l’annonce de SAP sur les nouveaux contrats” avant de se lancer dans des commentaires, d'”avoir matière à régir sur le fond”. A suivre donc.