La consommation en eau excessive des datacentres, dont ceux de Microsoft aux Pays-Bas, a généré récemment une forte indignation en cette période de sécheresse. Nous avons donc demandé à Emmanuelle Olivié-Paul, présidente et fondatrice du cabinet de conseil AdVaes, d’analyser la consommation d’eau du secteur du numérique afin de prendre la mesure de quelques grandes tendances et réalités.
Élément essentiel de la vie sur terre, l’eau ne peut plus être omise des stratégies de réduction et d’atténuation d’impact des acteurs de ce secteur, d’autant plus en regard des enjeux croissants de stress hydrique auxquels la planète fait face.
Emmanuelle Olivié-Paul rappelle au passage que la consommation énergétique et les émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) ne sont qu’un des aspects de l’empreinte environnementale du numérique. Ce secteur a de multiples incidences, que ce soit en amont sur les matières premières minérales et autres métaux rares, qu’en aval par les déchets électroniques qu’il produit et les pollutions induites.
Le Numérique est un grand consommateur d’énergies et d’eau
Le Numérique est également consommateur d’énergies et d’eau, à des niveaux variables selon les segments concernés (équipements, infrastructures, centres de données, applications et services numériques délivrés) et les étapes de leur cycle de vie (fabrication, usage, fin de vie).
L’analyse porte sur une quinzaine de sociétés du secteur, dont les plus grands acteurs de l’écosystème du cloud : AWS, Capgemini, Cisco, Digital Reality (Interxion), KDDI (Telehouse), Google, Equinix, IBM, Meta Platforms (anciennement Facebook), Microsoft, Oracle, OVHcloud, Salesforce, SAP, et Scaleway.
Seules 33% des entreprises du Numérique donnent leur consommation d’eau effective
Elle fait apparaître les tendances suivantes en regard de leur consommation d’eau :
– En 2022, 73% de ces sociétés déclarent délivrer des données sur leur utilisation annuelle d’eau. MAIS seules 33% donnent leur consommation d’eau effective. Les notions d’utilisation et de consommation d’eau ne sont donc pas systématiquement différenciées. Le plus souvent, seule l’utilisation est mentionnée.
Une consommation moindre que les entreprises des secteurs très consommateurs d’eau
Parmi les autres enseignements de l’analyse, il faut noter :
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Une consommation entre 10 à 20 moindre de ces sociétés comparativement à celle d’entreprises de secteurs reconnus pour être très consommateurs d’eau (cf. agriculture, construction de matériaux, extraction de matières premières…). Par exemple, Glencore spécialisé dans l’extraction de matières premières a consommé 19 fois plus d’eau que Google en 2021.
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Une tendance à la hausse des consommations, avec des taux de croissance à deux chiffres pour certains prestataires entre 2018 et 2021. Certains grands centres de données des opérateurs de cloud peuvent, selon leur technique de refroidissement, consommer plus de 4 000 m3 d’eau par jour, soit quasiment le volume d’une piscine olympique !
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Des indicateurs de mesure souvent imparfaits, et pour lesquels des données manquent, i.e. ne sont pas communiquées à un niveau suffisamment granulaire.
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Des leviers existent et sont activés MAIS il manque des éléments de comparaison chiffrés (et normés) pour en évaluer l’efficience et les apports.
Comme pour les émissions de GES, AdVaes note qu’il est complexe de remettre en perspective les données communiquées par les prestataires. Souvent, elles n’intègrent pas par ailleurs les externalités, i.e. les consommations en eau en amont et en aval de la chaîne de valeur (cf. extractions minières des métaux), ni les conséquences indirectes des usages en termes de pollution.
Cette analyse a pour objectif de sensibiliser la profession à intégrer dès maintenant cette dimension dans ses stratégies de réduction d’impact environnemental et à en mesurer les progrès associés.