INTERVIEW – Quelles tendances pour l’emploi et le recrutement à l’heure des pénuries des compétences, des nouveaux modes de travail, de la “grande démission”, des demandes nouvelles des salariés, etc. ? Solutions-Numériques a posé la question à Alain Roumilhac, président de ManPowerGroup France.
C’est la première fois que des patrons de sociétés du CAC 40 s’invitaient d’eux-mêmes sur le stand de ManPowerGroup à l’occasion du dernier salon Vivatech, confie Alain Roumilhac à Solutions Numériques. Alors que les entreprises s’interrogent sur les mutations actuelles du monde du travail, grands groupes comme PME semblent perdus. Les premiers vont-ils être capables de réaliser leur plan d’embauche ? Les secondes sont-elles en train de louper le coche d’un changement qui leur échappe ?
Les nouvelles attentes des salariés
Alain Roumilhac met d’abord l’accent sur les nouvelles attentes des salariés, évoquant “l’hybridation », “le sujet du télétravail », “le besoin de sens », “l’équilibre vie professionnelle/vie privée ». “La première raison de démission de nos intérimaires, c’est parce qu’ils ont trouvé un travail plus proche de chez eux” », explique le dirigeant, en particulier ceux qui sont en région parisienne, avec les difficultés des trajets des transports en commun ou l’augmentation du prix de l’essence.
Besoin également que l’on s’intéresse “à leur santé psychologique » – avec des burn-outs que l’on a beaucoup vus pendant la période du Covid – et volonté de travailler dans des entreprises “respectueuses », qui ont “des valeurs ». “C’est un premier sujet, qui est une accélération des tendances précédentes ».
La pénurie des compétences
A cela vient se juxtaposer une “énorme pénurie des compétences ». Pour Alain Roumilhac, elle s’explique pour partie par un “turnover important », notamment par rapport aux nouvelles attentes des salariés. “Les entreprises ont une intention d’embauche à un niveau anormalement haut par rapport à la croissance du marché de l’emploi ». Ce turnover n’est pas prêt de baisser, analyse le patron de ManPowerGroup France : “Dans la mesure où les organisations proposent des augmentations de salaire qui sont inférieures à l’inflation, les collaborateurs ont bien compris que s’ils veulent augmenter leur salaire et protéger leur pouvoir d’achat, sans doute que la meilleure façon de le faire est de changer d’entreprise. » D’autant que dans le même temps, un certain nombre d’entreprises lâchent un peu sur les salaires d’embauche pour attirer les talents en pénurie.
“Les entreprises ont une intention d’embauche à un niveau anormalement haut par rapport à la croissance du marché
de l’emploi »
La poursuite et l’accélération de la transformation digitale
Alain Roumilhac note beaucoup d’investissements post-Covid dans le domaine. Et les entreprises “vont aller un cran plus loin », selon lui, rapportant des propos d’entreprises clientes. Ces dernières vont devoir changer leurs business models en raison des augmentations des coût des matières premières et salariaux, des coûts en général, à combiner à leur incapacité, souvent, de faire passer ces augmentations tarifaires chez leurs clients. Cela les amène à la nécessité de leur transformation, à commencer par celle digitale.
D’autres problématiques et risques à la clé
D’autres problématiques et risques nouveaux ont également un impact sur le marché du travail. Alain Roumilhac cite l’aspect environnemental, social et de gouvernance, sur lesquels les entreprises travaillent actuellement rejoignant les attentes des collaborateurs. Elles amènent aussi à des changements de business model, et de réflexion assez majeurs. Il faut compter également sur les problématiques liés aux changements géopolitiques et leurs répercussion sur la supply chain notamment…
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Une très forte activité de recrutement
“On est au-dessus de 30 % de croissance de recrutement sur le premier trimestre », chiffre Alain Roumilhac. ManPower s’adapte lui aussi au monde numérique depuis longtemps pour s’adresser aux candidats et aux clients, au travers de son site web et de plus en plus au travers de son application mobile, avec 200 000 visiteurs uniques chaque mois, intérimaires pour la plupart, mais aussi 30 % de candidats qui arrivent par ce biais, précise le dirigeant. “En 2021, par nos canaux digitaux, en nous appuyant entre autres sur les réseaux sociaux sur lesquels nous postons nos annonces, nous avons eu 1,7 million de candidatures. » ManPower a ainsi “mis à l’emploi entre 320 000 – 330 000 personnes pour un équivalent temps plein de 100 000 personnes. »
320 000 mises à l’emploi en 2021
“Un des enjeux majeurs sur lequel nous sommes en train de travailler est la mise en place d’outils pour aider nos équipes à qualifier les candidatures qui arrivent et qui ne correspondent pas toujours au profil recherché », souligne le dirigeant.
“En ce qui concerne les réseaux sociaux, nous travaillons avec des startups pour identifier un certain nombre de personnes en fonction de leur profil et qui pourraient être intéressées par nos offres. » L’acquisition digitale, un sujet important, pour aller chercher de potentiels candidats là où ils sont !