INTERVIEW – Michel Van Den Berghe, le président du Campus Cyber, a annoncé au FIC 2022 que son organisation aidera la profession à résoudre la pénurie de cyber talents, en région notamment. D’autant que 3 régions – Bretagne, Pays de Loire et les Hauts de France – ont déjà signé des contrats pour se doter d’une version locale du Campus Cyber. Ce dernier prévoit aussi de mener des actions d’évangélisation auprès des étudiants avec l’Education nationale.
Olivier Bellin, magazine Solutions Numériques et Solutions Channel : Quel regard portez-vous sur la création de votre Campus Cyber national quelques mois après son ouverture ?
Michel Van Den Berghe, président du Campus Cyber, une organisation basée à Paris-La Défense (92) regroupant depuis fin 2021 de nombreux acteurs de l’écosystème français de la cybersécurité :
Je suis très fier d’avoir créé avec mon équipe un Campus Cyber ouvert et vivant en France. Sa concrétisation est donc déjà une belle réussite d’autant que ce projet porté par le Gouvernement français fédère désormais les efforts de 80 acteurs privés de la cybersécurité. Notre Campus Cyber est semblable par bien des aspects à celui Beer-Sheva en Israël et à certains de ceux basés dans la Silicon Valley américaine, lesquels sont souvent cités comme des exemples à suivre, tout en étant différent.
Certains acteurs français de la cybersécurité ont-ils raison de reprocher au Campus Cyber d’avoir trop ouvert ses portes, à l’instar du projet Gaia-X, aux Gamma (Google, Amazon, Microsoft, etc.) qui concurrencent les leaders français du secteur ?
Non, car la gouvernance du Campus Cyber est réservée exclusivement à ses actionnaires et aux membres de la SAS qui le pilote. Ceux que vous appelez les Gamma peuvent seulement participer à des groupes de travail, mais en aucun cas à sa gouvernance, une règle à laquelle nous ne dérogerons pas. D’ailleurs, j’ai même créé un comité stratégique avec l’Anssi pour valider toutes les candidatures à sa SAS.
Quelle est votre principale priorité pour développer le Campus Cyber en 2022 ?
Le Campus Cyber doit aider tout d’abord la profession à résoudre la sévère pénurie de cyber talents à laquelle elle est toujours confrontée. Nous devons donc encore gagner en attractivité, tout comme le secteur de la cybersécurité au sens large, en nous focalisant par exemple sur le développement de la formation et de l’évangélisation sur la cybersécurité notamment.
Pourquoi est-il important pour le Campus Cyber de mener des actions d’évangélisation sur la cybersécurité en France ?
Le Campus Cyber doit contribuer à changer l’image de la cybersécurité auprès du grand public et des « digital natives ». Tou(te)s sont très connecté(e)s, mais des enquêtes montrent que très peu d’entre eux ou elles envisagent de faire carrière dans la cybersécurité car ils considèrent que c’est une industrie surtout réservée aux « geeks ». Selon un sondage réalisé auprès de 12 000 personnes suivant des formations en Île-de-France, seuls 300 d’entre eux l’envisagent, alors que c’est un secteur qui paie bien et qui offre beaucoup de perspectives. Il est également important de féminiser la profession.
Que suggérez-vous pour changer l’image de la cybersécurité auprès du grand public et des plus jeunes ?
Le Campus Cyber a signé un partenariat avec le ministère de l’Education nationale afin de mener des actions d’évangélisation auprès des étudiants, mais aussi de leurs professeurs, qui sont parfois démunis pour bien leur expliquer les vrais enjeux de la cybersécurité. Nous devons leur dire pourquoi il est important d’adopter une bonne « cyber hygiène » au quotidien par exemple. A l’instar de Guillaume Poupard, je souhaite la diffusion d’une grande campagne de publicité pour évangéliser le grand public dans ce domaine, comme le fait déjà le Gouvernement pour renforcer la sécurité routière par exemple. Nous discutons d’un tel projet avec France Télévision.
Le Campus Cyber va-t-il accélérer son développement en région cette année ?
Oui, les demandes des régions sont nombreuses désormais, mais le Campus Cyber ne pourra pas être partout dans l’immédiat. Le patron de chaque région devra nous dire où il souhaite implanter un Campus Cyber, avec quels financements et avec quel type de structure. J’ai créé d’ailleurs un groupe de travail avec les régions intéressées pour accélérer le processus, ainsi qu’un conseil de labellisation de notre marque qui détermine et valide le cahier des charges à respecter. Toutes les régions vont intervenir dans la Gouvernance du Campus Cyber national, d’autant que certaines se sont associées par exemple au capital de sa SAS. Elles devront d’ailleurs élire un représentant commun qui siégera à son conseil administration.
Quelles sont les régions françaises qui ont déjà postulé officiellement à la création d’un Campus Cyber régional chez elles ?
Les régions Bretagne, Pays de Loire ont été les premières à signer fin 2021, et ce matin au FIC, les Hauts de France ont déclaré leur intérêt pour créer un Campus Cyber chez eux. Nos discussions sont également bien avancées avec 6 ou 7 autres régions qui pourraient nous rejoindre d’ici 2023. Je les encourage toutes à promouvoir et à embarquer leurs acteurs régionaux de la cybersécurité afin d’aider leurs entreprises locales à mieux lutter contre les cyberattaques.
Le Campus Cyber prévoit-il également de mieux faire connaître les start-ups françaises de la cybersécurité ?
Effectivement. C’est même l’une de mes priorités pour le Campus Cyber. Notre Startup Studio aide déjà certaines start-ups à être reconnues plus vite aux plans national et européen, en les aidant à monter leur business plan par exemple. C’est important car il existe trop de freins à leur développement rapide en France. Nous devons aussi encourager ces jeunes pousses à mieux se valoriser, surtout quand leurs cyber solutions sont meilleures que celles de leurs concurrents étrangers, qui réalisent pourtant beaucoup plus de marketing qu’elles.
Toutes ces nouvelles initiatives, en région notamment, ne vont-elles pas grever le budget du Campus Cyber dès 2022 ? Aurez-vous besoin d’une rallonge budgétaire ?
A priori non. Notre budget de fonctionnement annuel de 50 M€ nous permet de financer les projets avalisés par nos actionnaires au sein du campus, et également ceux que sa direction porte à l’extérieur. Le Campus Cyber sera rentable en 2022 et son Ebitda devrait avoisiner 1 % car nous avons déjà vendu plus de 1800 postes de travail répartis sur environ 26 000 m² d’espaces de travail. En outre, le poste Évènementiel fonctionne très bien. Quant à nos charges, elles avoisinent les 25 M€, dont 20 M€ pour le loyer. Le Campus Cyber ne touche pas de revenus pour l’instant si des régions dupliquent son modèle et son organisation en région.