Les petites et moyennes entreprises familières du numérique savent tirer parti des avancées de la gestion électronique des documents, mais elles restent minoritaires. Sous la contrainte de la crise sanitaire, les autres PME ont franchi le pas, et il leur faut désormais aller plus loin.
Les années 2020 et 2021 ont en commun les bouleversements de l’organisation du travail provoqués par le Covid. Depuis le premier confinement, les scénarios d’adaptation ont été multiples, avec en tête le recours au travail à distance. Pour les grandes entreprises, pas de surprise, le télétravail n’a pas été une nouveauté. Il leur a fallu “simplement” placer dans cette situation beaucoup plus de salariés, tout en ajustant leur gouvernance du collaboratif à l’aide d’outils et de solutions dédiés. À l’opposé, une grande majorité de structures plus modestes ont subi un baptême du feu. Si la poursuite des activités à l’aide du numérique a pu sembler naturelle pour certaines entreprises, elle a été en effet inédite pour beaucoup d’autres, contraintes de s’équiper en urgence pour subvenir aux besoins vitaux : gérer à la fois les clients, les fournisseurs, les achats, les factures, souvent sans être sur place. Le traitement des documents relatifs à ces besoins essentiels ne pose aucun problème, mais lorsque le système d’information d’une PME se réduit à un simple ordinateur, une application de bureautique et une connexion Internet, la tâche peut paraître rude, surtout quand l’expertise IT manque en interne.
Franchir des paliers supplémentaires
Grâce à une panoplie de survie, beaucoup d’entreprises novices ont su toutefois faire preuve de résilience au plus fort de la crise sanitaire. Après avoir amélioré leur équipement et adopté une approche minimaliste de la GED, elles connaissent aujourd’hui une phase de consolidation. L’avènement du cloud et les progrès réalisés pour simplifier et automatiser la gestion électronique des documents leur permettent de passer des paliers supplémentaires dans leur transformation numérique. « La dématérialisation permet de dégager du temps sur des tâches à création de valeur plutôt que de conserver des tâches chronophages et sans intérêt. Les entreprises ont besoin d’être agiles et le numérique est un des moyens de l’être », rappelle Cyril Colombani, chef de produit chez Sages Informatique.
Automatiser l’extraction des données
Première étape dans le traitement des documents, la capture, réalisée à l’aide d’un scanner et d’un logiciel associé ou d’une application dédiée capable d’extraire l’information contenue dans n’importe quel fichier. « La valeur ajoutée de la capture est d’éliminer l’extraction manuelle de la data, par définition chronophage, puis de positionner cette data dans n’importe quel système dans le format attendu par ce système », résume Cyril Condamines, directeur commercial chez Kodak Alaris. Couplée à des traitements d’indexation qui s’appuient sur des technologies d’OCR, la capture assure la conversion des documents numérisés en données compatibles avec les ERP de l’entreprise et leur intégration dans chaque département concerné. Les capacités de reconnaissance du document dépassent désormais les simples besoins bureautiques, notamment avec la généralisation de fonctions plus élaborées, capables notamment d’identifier un champ dans le document, par exemple un tableau ou une signature. Les éléments d’une page peuvent alors être séparés et leur contenu analysé pour retranscrire l’information.
Avec des technologies de capture qui automatisent également les opérations d’indexation, les documents sont prêts à être classés selon leur typologie. A cela s’ajoute la fameuse fonction scan to qui envoie le document numérisé vers pratiquement n’importe quelle destination et peut ainsi amorcer des traitements très simples ou servir au contraire des applications métier. « Mis à part de rares freins psychologiques, numériser au format PDF et faire circuler un document ne pose aucun problème dans une petite entreprise. Les étapes suivantes de capture doivent être franchies progressivement en commençant par des processus simples et maîtrisés, comme la facture fournisseur. Ensuite, on élargit horizontalement vers d’autres processus qui concernent par exemple les ressources humaines ou la logistique. Aujourd’hui dans le cadre d’une organisation de travail hybride, l’objectif doit être de faciliter le travail des salariés grâce notamment à la numérisation, d’accélérer le traitement des processus et de fluidifier l’expérience client », estime Alexis Vernières, VP sales Italy, France & Iberia chez Kofax.
En outre, lorsque l’entreprise manipule encore du papier, l’achat d’un scanner professionnel est conseillé. « Des normes et de nombreux critères doivent être respectés lorsqu’on numérise un document important. Le choix d’un scanner doit donc se faire en fonction de ces exigences, d’autant qu’il s’agit du premier maillon de la chaîne de dématérialisation », souligne Cyril Condamines.
Démarrer petit mais voir loin
Relais de la capture, la GED est la solution de centralisation des documents vers laquelle les entreprises se sont tournées en priorité lors de la crise sanitaire. « Dans 80 % des cas, les entreprises se sont équipées d’une GED pour gérer les achats et les factures fournisseurs. Or, dans l’urgence, les primo accédants à la GED ne se savent pas toujours très bien ce qu’ils achètent, alors qu’ils devraient d’abord comparer et tester les offres. On leur parle de télétravail, de factures électroniques obligatoires dans quelques années, et finalement, le piège est pour eux d’acquérir une solution peu évolutive. La GED est conçue pour nourrir l’ensemble des services d’une entreprise, des RH aux applications métiers. Pour une PME, le rôle de l’éditeur, comme celui de ses partenaires revendeurs, relève autant de l’accompagnement technique quotidien que de l’aide pour se projeter sur des projets suivants », indique Olivier Rajzman, directeur commercial de DocuWare. « Après un premier niveau de projet simple, se pose la question de savoir quels documents doivent être pris en compte par la suite en termes de typologie, de plans de classement, de volumétrie et de processus associés. Il s’agit notamment de déterminer comment sont produits et gérés ces documents, d’où ils viennent et comment ils transitent, afin d’avoir une solution qui répond aux attentes, mais aussi d’être en capacité d’anticiper les besoins futurs. On commence certes petit, mais on voit loin », ajoute Christophe Bastard, directeur marketing chez Efalia.
La pression législative est un marqueur tout aussi important pour orienter les projets. La facture électronique et ses échéances d’adoption étalées de 2024 à 2026 en est une illustration.
Des solutions hybrides pour accompagner la transition
« Nous recommandons de ne pas attendre ces dates pour s’équiper et de mettre en place dès maintenant des process dématérialisés en automatisant le traitement des flux entrants. Il faut aussi se préparer à une cohabitation de la typologie des factures, car malgré les différentes étapes de mise en application, les entreprises vont s’échanger des factures fiscalement dématérialisées et certainement encore des factures au format PDF ou papier, sans parler des factures de provenance européenne ou internationale. Mieux vaut opter pour des services qui prennent en compte tous les canaux possibles, tout en anticipant la connexion à la plate-forme Chorus Pro : à terme, toutes les transactions passeront par la plate-forme d’État, dont l’un des objectifs est de juguler la fraude à la TVA », explique Frédéric Massy, CMO chez Itesoft.
L’automatisation des traitements
La facture n’est pas le seul document à pouvoir être décliné en plusieurs formats. « Les PME sont sensibles à des solutions hybrides, 100 % digitales mais qui permettent aussi de conserver le volet papier, notamment à travers la digitalisation de l’envoi du courrier physique. Une entreprise peut par exemple laisser le choix à ses salariés de recevoir leurs bulletins de paye sous forme électronique ou papier. En plus de faciliter le maintien d’activités qui n’ont pas basculé dans le numérique par choix ou par nécessité, l’intérêt des solutions hybrides est de reposer sur l’automatisation des traitements. Dans un mode dispersé d’organisation, la PME se trouve alors en capacité de générer l’intégralité de ses flux, qu’ils soient physiques ou numériques, depuis un simple poste en télétravail ou au bureau. Plus globalement, nous préconisons une logique de suites de solutions, indépendantes les unes des autres et avec des passerelles entre certaines. Selon ses besoins, l’entreprise aborde sa transformation documentaire par tel ou tel axe, avec des offres packagées articulant GED, signature électronique et archivage. Et pour les TPE et PME en manque d’expertise, nous les sensibilisons, en partenariat avec France Num et BPI France, aux enjeux de la transformation numérique à travers des formations et assurons également un accompagnement sur le long terme. Ces services gratuits sont relayés par les dispositifs de l’État », indique longuement Stéphane Jacob, directeur du développement commercial chez Maileva, filiale de Docaposte.
Au cœur des projets, la signature électronique est le plus important point de bascule des PME dans le numérique. Les usages se sont simplifiés et s’imposent dans la plupart des formes de contractualisation. Eric Jamet, directeur marketing & innovation chez Tessi le souligne.
Le poids des tiers de confiance
« Il y a aujourd’hui des acteurs référents qui accompagnent les projets des PME sur les différents marchés liés à la confiance numérique. Il est important pour ces entreprises de réfléchir au parcours qu’elles veulent totalement digitaliser. La démarche est finalement simple dès lors que les prestataires les aident à mieux comprendre les rouages réglementaires qui encadrent aujourd’hui les échanges électroniques. En rendant les outils accessibles sans avoir besoin d’une grande expertise technique, les configurations de mise en œuvre en mode cloud accélèrent également les déploiements et facilitent la concrétisation des projets de signature électronique ».
L’importance de la sécurité des données
Les prestataires de confiance numérique sont liés aux opérations impliquant l’usage de la signature électronique et la conservation dans le temps des données importantes. Régulièrement audités par les organismes normatifs, les services de ces professionnels garantissent à l’entreprise son identité numérique, et par conséquent son activité en ligne. Sans oublier la nécessité de sécuriser les accès aux documents et de les protéger en cas d’intrusion, et d’assurer la continuité des activités grâce aux sauvegardes et à l’archivage. « La sécurité de la donnée est un critère extrêmement important mais aussi le lieu où elle est hébergée. Si vous faites par exemple appel aux services d’archivage d’une société américaine, le Patriot Act permet au gouvernement des USA d’accéder à toutes vos données, même si elles sont hébergées dans un data centre en Europe. En France, les engagements de confidentialité signés par les tiers archiveurs sont respectés », rappelle Victor Delancray directeur commercial de DPii-Odyssey. S’enquérir de l’origine et du statut de son tiers archiveur est une précaution essentielle, mais il est à noter que la plupart des prestataires dont la maison mère se trouve à l’étranger ont choisi désormais de confier l’archivage des signatures et des documents contractuels à des acteurs français.
Adopter une digital workplace
Toutes les PME qui ont passé un premier cap de dématérialisation le savent, en bâtissant brique par brique leur transformation numérique, elles ont toutes les chances de voir leurs activités renforcées et pourront alors envisager d’adopter une digital workplace.
Avis d’expert
Olivier Rajzman,
DocuWare
« La GED est conçue pour nourrir l’ensemble des services d’une entreprise, des RH aux applications métiers. Pour une PME, le rôle de l’éditeur, comme celui de ses partenaires revendeurs, relève autant de l’accompagnement technique quotidien que de l’aide pour se projeter sur des projets suivants ».
Avis d’expert
Stéphane Jacob,
Maileva
« En plus de faciliter le maintien d’activités qui n’ont pas basculé dans le numérique par choix ou par nécessité, l’intérêt des solutions hybrides est de reposer sur l’automatisation des traitements.
Dans un mode dispersé d’organisation, la PME se trouve alors en capacité de générer l’intégralité de ses flux, qu’ils soient physiques ou numériques ».