INTERVIEW – Devoteam multiplie les acquisitions depuis 2021 afin de réaliser 50 % de son chiffre d’affaires dans le cloud d’ici 2024 grâce aux 5 géants américains du secteur : Microsoft, AWS, Google Cloud, SalesForce et ServiceNow. Sébastien Chevrel, le directeur général de cette importante société de services, nous dévoile sa stratégie, ses acquisitions et le résultat de l’OPA réalisée avec le fonds KKR.
Olivier Bellin, Solutions Numériques et Channel : Avez-vous finalisé l’OPA lancée fin 2020 par Devoteam avec l’aide du fonds KKR (via Newco) ?
Sébastien Chevrel, directeur général de la société de services française Devoteam :
Devoteam a bouclé la deuxième phase de l’Offre publique d’Achat (OPA) simplifiée lancée le 9 décembre 2021 et qui s’est terminée le 22 décembre. Nous avons relancé cette seconde opération pour franchir la barre des 90 % du capital, qui est le seuil minimum pour un retrait obligatoire de la côte. Cette phase s’est déroulée avec succès et est confirmée par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). Nous avons d’ailleurs procédé au retrait de la côte.
Devoteam poursuivra-t-il sa politique d’acquisitions pour atteindre d’ici 2024 le milliard d’euros annoncé dans son nouveau plan stratégique ?
Oui, Devoteam complétera sa forte croissance organique avec de nombreuses acquisitions ciblées. D’ailleurs, nous démarrons 2022 avec les acquisitions de deux sociétés expertes sur le Cloud Microsoft basées en France et en Espagne, Alfun et Necsia. Devoteam en avait déjà réalisé plusieurs en 2021, dont celle d’Ysance dès janvier dans la data, de Nubalia, un leader de Google Cloud en Espagne, celles du danois Cloudeon, un expert des Services Managés du Cloud de Microsoft, et enfin d’Integrity, spécialiste européen du Pentesting as a Service basé à Lisbonne.
Devoteam renouera-t-il avec une croissance soutenue en 2021 et en 2022 ?
C’est certain. D’ailleurs, Devoteam a publié 7,5 % de croissance organique au premier semestre 2021. Nos indicateurs sont très bons cette année grâce à nos investissements soutenus dans le Cloud, la Data et la Sécurité notamment. Le groupe prévoit un retour dès 2022 à une croissance annuelle à deux chiffres, comme avant les années Covid, car la vague de digitalisation des grandes entreprises européennes s’accélère.
Quelles sont les nouvelles priorités en matière d’investissements de Devoteam pour mieux répondre aux attentes de ses clients en 2022 ?
Devoteam a lancé un nouveau plan stratégique 2021-2024 qui vise à apporter plus d’innovation dans les transformations de nos clients. Nous allons donc concentrer nos investissements autour de partenariats stratégiques avec les cinq géants américains du Cloud : AWS, Google, Microsoft, Salesforce et ServiceNow. Devoteam aligne d’ailleurs son organisation avec eux afin que leurs offres et services représentent plus de 50 % du chiffre d’affaires du groupe d’ici 2024, contre environ 25 % début 2021. Nous souhaitons également doubler la taille de l’entreprise à cette échéance.
Comment Devoteam prévoit-il de doubler la taille de l’entreprise en 2024, et uniquement grâce à ses nouveaux investissements massifs dans le cloud ?
Devoteam va concentrer ses investissements sur ces cinq partenariats stratégiques dans le Cloud afin d’accélérer les transformations de nos Clients en Europe et au Moyen Orient. Devoteam souhaite devenir le leader européen sur les offres Cloud d’AWS, Google, Microsoft, Salesforce et ServiceNow. Cette stratégie passe par un pivotage de notre fonctionnement opérationnel en transformant notre modèle historique exclusivement géographique, multi local vers un modèle matriciel.
Comment Devoteam prévoit-il concrètement de devenir le leader européen sur les offres Cloud d’AWS, Google, Microsoft, Salesforce et ServiceNow ?
Devoteam met en place ces cinq piliers dans nos 20 géographies pour construire et porter une offre de services européenne dédiée à chacun de nos cinq partenaires stratégiques, dont les activités sont rassemblées sous les marques A-Cloud, G-Cloud, M-Cloud, etc. C’est une approche commerciale de bout en bout pour chacun de ces piliers, qui allie du conseil, du design, de l’intégration et des services managés. Chacune de ces entités sera animée par des patrons possédant leurs propres équipes de consultants, des experts et un marketing dédiés, etc. Devoteam va également renforcer leur expertise en recrutant 1500 collaborateurs complémentaires en 2022 et en accélérant notre élan de certifications et de formations sur ces cinq plateformes du Cloud. Devoteam a d’ailleurs déjà été récompensé en 2021 par ces cinq acteurs, en grande partie grâce à nos niveaux élevés de certification sur leurs offres Cloud respectives. En outre, nous sommes l’une des rares ESN dans le monde à avoir signé un accord de collaboration stratégique avec AWS pour les 4 prochaines années.
Devoteam ne devient-il pas trop dépendant de ces 5 leaders américains du Cloud, alors même que votre groupe s’est toujours félicité d’être indépendant en termes de choix technologiques IT ?
Je ne pense pas. Ce plan vise en effet à concentrer nos investissements sur cinq partenaires de manière équilibrée afin d’atteindre 50% de nos activités d’ici 2024. Devoteam continuera à réaliser 50 % en dehors de ces cinq partenaires stratégiques – notamment avec d’autres partenaires figurant d’ailleurs souvent dans l’écosystème de ces géants du Cloud, tels que SAP ou Outsystems par exemple. Nous ne risquons donc pas de perdre notre indépendance.
Pourquoi Devoteam ne collabore-t-il pas davantage avec un leader européen des services Cloud et de l’hébergement comme OVHCloud ?
Nous travaillons déjà avec OVHCloud ou avec le nouveau tandem Google-Thales. En effet, Devoteam souhaite accompagner en France des offres et services de cloud souverain compatibles avec la doctrine Cloud au Centre de l’État français. Notre compétence globale dans le Cloud nous le permet. En outre, Devoteam répond ainsi aux attentes de ses clients dans le secteur public ou celui des Opérateurs d’Importance Vitale (OIV). Ces acteurs souhaitent segmenter leurs données et leurs applications afin de les basculer soit dans le cloud public, soit dans un cloud privé pour ne pas être impactés par le Patriot Act américain.
Pourquoi Devoteam investit-il davantage dans le cloud public que dans le cloud privé en France et en Europe ?
Devoteam concentre en effet ses investissements dans le cloud public car ce type de service répond à la demande des clients. La demande à venir est énorme. En Europe, seuls 15 % des clients ont déjà terminé leur passage dans le cloud selon IDC, et uniquement 35 % des applications seraient déjà dans le cloud. L’objectif affiché par nos Clients et nos cinq partenaires stratégiques est d’atteindre un taux de 50 à 60 % d’ici 2025, surtout dans les grandes entreprises européennes. Ce focus dans le Cloud Public ne veut pas dire que Devoteam ne prévoit pas de proposer également du cloud souverain plus sécurisé.
Devoteam peut-il créer des « clouds souverains » en France avec AWS, Google, Microsoft, Salesforce et ServiceNow ?
Devoteam n’a pas aujourd’hui vocation à créer des Clouds Souverains. Nous souhaitons accompagner nos clients dans leur transformation, et nous souhaitons nous associer avec ces opérateurs de “Cloud Souverain” dès lors que ces offres reçoivent la certification SecNumcloud décernée par l’Anssi.
La cybersécurité fait-elle partie également du nouveau plan stratégique 2024 de Devoteam ?
Plus que jamais ! Si l’an 1 de notre plan stratégique 2021-2024 consistait à aligner nos cinq grands partenaires Cloud avec l’organisation de Devoteam, l’an 2 sera surtout consacré au développement européen de nos offres dans les services managés du Cloud, mais aussi dans la cybersécurité. Le groupe compte déjà 600 experts dans ce domaine sur des activités telles que l’Audit, la Résilience, l’IAM (Identity Access Management) ou le Pentesting. Devoteam a aussi réalisé récemment l’acquisition d’Integrity, un expert européen du Pentesting as a Service basé à Lisbonne.
Devoteam prévoit-il d’investir encore en 2022 dans les technologies Smacs (Sécurité, Mobilité, Analytique, Cloud et Social) ?
Devoteam a déjà recentré avec succès ses activités dans le Digital et les SMACS progressivement depuis 5 ans. Ces technologies IT porteuses représentent déjà plus de 80 % de notre chiffre d’affaires en 2021, contre 24-25 % il y a quelques années. L’objectif est maintenant de soutenir la croissance et d’investir plus fortement dans l’innovation chez nos clients et la formations et certifications de nos 10 000 collaborateurs.
Quels sont vos projets en matière de développement d’applications ?
Ils sont importants car ils permettent d’accompagner la transformation sur les plateformes et l’usage du Cloud. Cependant Devoteam ne cherche pas à faire du Dev pour du Dev. Devoteam favorise actuellement le Low Code, ainsi que les méthodologies permettant de passer du mode “projet” classique à un mode “produit” afin de cocréer des usages à la main des métiers avec des équipes regroupées dans des « studios ». Deux acquisitions ces dernières années, Axance en France et JayWay en Suède nous permettent de diffuser ce savoir-faire “Creative Tech” en Europe et au Moyen Orient.
