Face à la plateformisation croissante du travail, une mission d’information créée à l’initiative du groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste au Sénat a produit un rapport intégrant dix-huit recommandations afin d’agir contre la dépendance économique et sociale.
Cette mission d’information sur le thème « l’uberisation de la société : quel impact des plate-formes sur les métiers et l’emploi ? » s’est intéressée au développement des plate-formes numériques de travail et aux transformations des métiers et des emplois qu’elles induisent, notamment par l’externalisation. Selon ses protagonistes, le modèle économique de la plate-forme, qui ne se cantonne pas à la mobilité ou la livraison de repas, tend en effet à remettre en cause notre modèle social et économique et impose aux travailleurs les pratiques du management algorithmique qu’il est nécessaire de mieux encadrer.
« Si les premiers constats de ce rapport concernent les chauffeurs-livreurs, nous avons tout de suite vu qu’il fallait élargir le champ de notre travail, souligne Martine Berthet, présidente de la mission d’information et sénatrice de la Savoie. En effet, on assiste au développement de plate-formes destinées notamment aux professions libérales elles-mêmes très réglementées, alors que les plate-formes ne le sont pas. On peut notamment évoquer des plate-formes comme Doctolib qui élargit de plus en plus son champ d’action vis à vis des professions libérales en proposent le transit d’ordonnances, d’analyses…. Les architectes par exemple sont aussi concernés avec le risque que certains proposent leurs services sur des plate-formes sans peut-être avoir le diplôme d’architecte ».
Pour que les algorithmes ne dictent plus indûment leur loi
Après avoir entendu plus de 60 personnes dans le cadre d’une trentaine d’auditions, la mission d’information a décidé de formuler dix-huit recommandations autour de quatre grandes problématiques : l’amélioration des conditions de travail ; le développement du dialogue social ; le principe d’une rémunération minimale devant être fixé dans la loi et sa détermination assurée par la négociation sociale ; l’encadrement du management algorithmique ainsi que la transparence, l’explicabilité et la régulation des algorithmes des plate-formes.
Cette dernière thématique est apparue comme particulièrement importante à la mission d’information. « Les algorithmes peuvent éliminer, ne pas mettre en haut de la liste ou ne pas proposer à un client les services d’un livreur, d’un chauffeur ou encore d’un professionnel parce qu’il n’est pas suffisamment souvent connecté par exemple, explique la sénatrice. Nous proposons donc dans le rapport de clarifier la façon dont ils fonctionnent, afin qu’un professionnel qui propose ses services par l’intermédiaire d’une plate-forme soit informé dès le départ de ce qui a été intégré dans l’algorithme notamment pour la sélection des prestataires. Nous voulons que ces algorithmes soient soumis à davantage de réglementation et de contrôle ».
Le 15 novembre dernier, l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021, conséquence de la loi d’orientation des mobilités, a été ratifiée par le Sénat. Cette ordonnance est relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plate-formes et aux conditions d’exercice de cette représentation et habilite le gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plate-formes. La prochaine étape pourrait être l’élaboration d’une proposition de loi portant sur les différentes préconisations du rapport sur l’uberisation de la société.
En attendant, la Délégation sénatoriale aux entreprises s’emparera très certainement de ce sujet dans le prolongement de la mission d’information « Évolution des modes de travail, défis managériaux : comment accompagner entreprises et travailleurs ? » dont la sénatrice a été un des co-rapporteurs.
Patricia Dreidemy