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Les projets se bousculent

© Ricardo Goncalves de Pixabay

Les banques centrales, garantes de la stabilité monétaire, développent leurs projets de monnaie électronique, alors que les cryptomonnaies font le buzz, et que les opérateurs privés agréés continuent d’innover. L’Union Européenne s’engage vers l’euro numérique.

 

Près de la moitié des adultes vivant dans la zone euro préfèrent payer de façon numérique, tendance accélérée par la pandémie de Covid-19, selon l’étude Space de la Banque centrale européenne et des banques centrales nationales publiée en décembre 2020. Cet engouement incite l’Union Européenne, et d’autres pays, à transformer leurs stratégies de monnaie électronique. Celle-ci est actuellement émise par des opérateurs privés, hormis aux Bahamas.

En France, il existe 15 établissements de monnaie électronique agréés, comme Treezor, filiale de la Société Générale, plateforme française de Banking-as-a-Service, ou W-HA, filiale d’Orange. Ils émettent de la monnaie électronique, c’est-à-dire une valeur monétaire stockée sur un support électronique (porte-monnaie électronique, carte bancaire prépayée, carte cadeau…). Ils sont vecteurs d’innovation et de diversité des moyens de paiement.

Or comme le soulignent Tobias Adrian et Tommaso Mancini-Griffoli du Fonds Monétaire International (FMI), le système monétaire contemporain a une architecture à deux niveaux : la monnaie privée (émise par des banques, opérateurs de télécommunication ou prestataires de services de paiement spécialisés) repose sur un soubassement de monnaie publique (émise par les banques centrales). La monnaie privée, en pouvant s’échanger contre de la monnaie publique parfaitement liquide et sans risque, est un moyen de paiement efficient.

Les cryptomonnaies ne sont pas de la monnaie

Ce qu’on appelle les cryptomonnaies, dont la plus connue est le bitcoin (le Salvador l’a d’ailleurs adopté comme monnaie officielle), sont des actifs numériques et non de la monnaie. Contrairement à celle-ci, ils sont très volatiles et non liquides. Une seconde génération de cryptomonnaies est en train d’apparaître sous la forme des “stablecoins”, tels le JP Morgan Coin ou le Libra de Facebook, rebaptisé Diem. Ceux-ci ont de nombreuses caractéristiques communes avec les autres crypto-actifs mais cherchent à stabiliser leur cours par divers moyens, notamment en les indexant sur de la monnaie fiduciaire.

> Les objectifs de la Banque Centrale Européenne relatifs à l’euro numérique

Les banques centrales ripostent

Or la concurrence de plus en plus accrue des cryptomonnaies – Paypal acceptant ainsi le bitcoin comme moyen de paiement, Tesla y investissant et souhaitant aussi l’accepter – et “stablecoins” incite les banques centrales à accélérer leurs projets de monnaie électronique. En octobre 2020, les Bahamas ont été le premier pays à lancer leur monnaie électronique, le Sand dollar, avec pour objectif l’inclusion financière de ses 390 000 habitants. Le projet chinois avance bien, un Yan numérique est déjà à l’essai dans certaines villes. Plus largement, les projets de monnaie numérique de banque centrale (central bank digital currency, CBDC) progressent : selon la 3e étude annuelle de la Banque des règlements internationaux (BRI) sur le sujet, publiée en janvier 2021, 86 % des 65 banques centrales interrogées y travaillent fin 2020. 60 % ont lancé des expérimentations ou des Proof of Concept, et 14 % en sont au stade du pilote ou du développement. La plupart des projets visent une monnaie pour tous, plus que des règlements entre institutions financières (“wholesale”).Les banques centrales représentant collectivement 20 % de la population mondiale sont susceptibles d’émettre une CBDC à usage général dans les trois ans.

Selon les deux experts du FMI, « Le système monétaire actuel à deux niveaux pourrait continuer d’être appliqué à l’ère numérique. Le secteur privé continuera d’innover. De nouveaux types de monnaie électronique apparaîtront, ainsi que de nouveaux stablecoins (cryptomonnaies adossées à des actifs). Au fur et à mesure que la demande pour ces produits croîtra, les autorités de réglementation devront intervenir pour en réduire les risques. Dans un système ouvert, des développeurs de plus en plus nombreux pourraient accroître le recours aux monnaies numériques des banques centrales au-delà de la simple offre de services de porte-monnaie électronique. »

Bientôt un euro numérique ?

En octobre 2020, l’Union Européenne a déclaré intensifier ses travaux sur un euro numérique. Il serait une créance sur la banque centrale européenne (BCE). « Un euro numérique serait de la monnaie de banque centrale émise sous forme dématérialisée par l’Eurosystème pour les paiements de détail, qui, comme les billets de banque et les réserves de banque centrale, ne comporterait aucun risque », explique Christine Lagarde, présidente de la BCE. La BCE décidera de son éventuelle émission…

Elle évalue actuellement les cas d’utilisation qu’un euro numérique pourrait servir le mieux. L’euro numérique devrait être créé si l’utilisation des espèces diminuait ou si, par suite d’événements extrêmes (catastrophe naturelle, pandémie…), d’autres moyens de paiement cessaient de fonctionner. Il pourrait aussi empêcher qu’un service de paiement numérique – public ou privé – émis et contrôlé en dehors de la zone euro ne supplante les solutions de paiement existantes, ce qui pourrait soulever des questions prudentielles, menacer la stabilité financière ou la souveraineté monétaire européenne. Il serait également conçu de manière à interagir avec les solutions de paiement privées.

La BCE a lancé d’octobre 2020 à janvier 2021 une consultation publique. 8 221 citoyens, entreprises et associations professionnelles ont répondu. La confidentialité des paiements occupe la première place parmi les caractéristiques demandées d’un euro numérique (41 % des réponses), suivie de la sécurité (17 %) et de la portée paneuropéenne (10 %).

> 3e étude annuelle de la BRI sur les monnaies électroniques des banques centrales.