Selon Jamal Labed, directeur général et cofondateur d’EasyVista, l’éditeur est sorti de la bourse car ce n’est plus le seul modèle économique qui lui permettra de doubler ses 50 M€ de chiffre d’affaires d’ici 2025. Un challenge que les fonds Cathay Capital et Eurazeo PME ont relevé fin 2020 en soutenant son LBO. Des acquisitions sont à prévoir car EasyVista veut consolider le marché des services IT managés (ITSM) et de ceux du management de l’entreprise (ESM).
Olivier Bellin, éditeur délégué du groupe Solutions Numériques : Pourquoi EasyVista a-t-il choisi fin 2020 de faire appel à des fonds d’investissement pour accompagner sa croissance ?
Jamal Labed, directeur général et cofondateur d’EasyVista, un éditeur spécialisé dans les services IT managés (ITSM) et de ceux du management de l’entreprise (ESM) :
Fin 2020, nous avons fait entrer deux nouveaux investisseurs dans notre capital afin d’accompagner EasyVista dans la réalisation de son LBO et le déploiement de son nouveau plan stratégique 2025. Il s’agit du fonds asiatique Cathay Capital et du fonds Eurazeo PME, pour qui il s’agissait là du premier investissement dans le secteur du logiciel en France. Ensemble, ils détiennent la majorité du capital d’EasyVista.
Pourquoi des fonds comme Cathay Capital et Eurazeo PME ont-ils choisi d’investir dans EasyVista ?
Cathay Capital et Eurazeo PME ont investi quelques 130 M€ dans EasyVista car notre groupe présente un très bon historique financier et métiers depuis sa création. Ils ont aussi compris qu’EasyVista pourra franchir une nouvelle étape de croissance avec eux. Ils s’engagent d’ailleurs à nous aider à doubler le chiffre d’affaires d’EasyVista d’ici 2025.
Pourquoi EasyVista a-t-il quitté la bourse mi-janvier 2021 ?
La bourse n’est plus le seul modèle économique pouvant permettre à EasyVista de doubler nos 50 M€ de chiffre d’affaires d’ici 2025. Certes, le climat boursier est euphorique actuellement, mais il y a aura des phénomènes de correction d’ici là. Et contrairement aux US, la communauté financière française a parfois du mal à comprendre qu’il lui faut investir de l’argent, et donc en perdre éventuellement, pour en gagner.
D’ailleurs, n’y avait-il pas en 2020 moins d’éditeurs français de logiciels importants côtés en bourse ?
Effectivement, je regrette qu’il ne reste plus beaucoup d’ISV de poids côtés en bourse en France. Je suis d’ailleurs favorable à la création d’un Nasdaq européen pour financer les projets d’avenir des éditeurs de logiciels. Surtout quand on sait que la principale finalité des start-ups européennes qui réussissent est de se faire racheter par des concurrents américains.
Etes-vous satisfait du parcours d’EasyVista en bourse malgré tout ?
Oui, même si le parcours d’EasyVista n’a pas toujours été facile après notre entrée en bourse en 2005. Surtout dès 2008 quand le groupe a lancé ses premières offres logicielles en Saas. En effet, les analystes avaient du mal à comprendre ce nouveau modèle économique dans le cloud à l’époque. Certes, notre chiffre d’affaires reconnu a d’abord baissé pour générer ensuite davantage de revenus récurrents.
Et que pèsent cette année les ventes de logiciels en Saas dans le chiffre d’affaires d’EasyVista ?
Les ventes en Saas représentent actuellement 90% du chiffre d’affaires d’EasyVista. Toutefois, je ne prévois pas de porter ce pourcentage à 100% car certains de nos clients ne souhaitent pas aller dans le cloud, pour des questions de sécurité ou de financement notamment. Bien évidemment, nous les incitons à passer au Saas mais sans le leur imposer. Par exemple, EasyVista réalise 30% de son chiffre d’affaires dans le secteur public, où nombre de clients ne souhaitent pas aller dans le cloud, sauf pour réaliser du cloud privé dans leur propre datacenter.
Comment EasyVista prévoit-il de doubler son chiffre d’affaires en 5 ans ?
EasyVista va renforcer sa position de leader sur le marché de l’ITSM/ESM grâce à sa croissance organique soutenue – nous avons multiplié par 2 notre chiffre d’affaires tous les 4-5 ans – et par des opérations de croissance externe
Si j’ai bien compris, EasyVista projette de consolider le marché mondial des services IT managés (ITSM) et du management de l’entreprise (ESM) ?
Effectivement, EasyVista est le seul éditeur français de poids dans le secteur de l’ITSM/ESM, que nous consoliderons dès 2021 avec l’aide de nos deux fonds. C’est un marché en forte croissance – de l’ordre de 15 à 20% par an – car les entreprises ont davantage besoin d’automatiser leurs processus en interne (moyens généraux, RH, etc.). Seuls trois grands acteurs tirent ce marché au plan mondial.
Quels types d’entreprise EasyVista prévoit-il de racheter dès 2021 ?
EasyVista rachètera de la technologie pour élargir ses offres et non des parts de marché. Nous avons besoin de briques pour compléter nos deux principales solutions : Service Manager, notre plateforme historique, et Self Help, notre solution de gestion des connaissances qui est le fruit d’une acquisition il y a 2 ans. Cette dernière aide les salariés de nos clients à s’auto-dépanner sans intervention humaine dans de nombreux cas d’incidents, un processus que l’on peut encore automatiser davantage. EasyVista recherche par exemple des produits qui lui permettent d’agir directement sur le poste de travail avec une prise en main via le salarié ou un opérateur. Nous prévoyons aussi d’améliorer la gestion des trop nombreux tickets d’incident produits, où les salariés veulent juste changer leurs mots de passe ou leurs messages d’absence.
EasyVista va-t-il donc investir davantage dans les technologies liées à sa nouvelle plateforme Self Help ?
Tout à fait. Je crois beaucoup à l’avenir du « Self Healing » de bout en bout si l’on investit suffisamment pour innover. Surtout depuis que le passage massif au télétravail a encouragé EasyVista à développer Self Help for Remote Workers, une offre qui a rencontré un succès considérable en 2020, année où beaucoup de collaborateurs se sont retrouvés à travailler chez eux en urgence et sans support. Désormais, EasyVista applique aussi cette offre à la relation entre l’entreprise et le client final, et non plus seulement entre l’entreprise et ses salariés. Par exemple, les opérateurs énergétiques peuvent améliorer la qualité de leur support en aidant le client à se dépanner à distance, en cas de panne de leur chaudière par exemple, sans forcément avoir recours à une intervention humaine.
Les outils collaboratifs et les réseaux sociaux débarquent-ils également dans la version « Self Healing » du help desk ?
Les logiciels d’EasyVista proposent déjà un certain niveau d’intégration avec des outils collaboratifs comme Teams ou Zoom, car cette tendance se développe dans le cadre de ce que Gartner appelle le « Peer support ». J’y crois beaucoup car la nouvelle génération n’utilise pas le support téléphonique, qui n’est plus son seul canal de communication. Elle préfère trouver elle-même des solutions sur des plateformes comme Youtube, Slack, etc., autant de canaux qui échappent pour l’instant au support IT BtoB classique. Mais plus pour longtemps grâce au « Self Healing ». En créant par exemple des communautés de sachants au sein de la société, et en nous inspirant des bonnes pratique BtoC dans la relation de service, EasyVista peut aussi améliorer le support BtoB classique.
Compte-tenu des évolutions que vous décrivez, peut-on dire que le rôle du DSI a changé dans le help desk et les services IT managés ?
Je ne fais pas partie de ceux qui ont annoncé la mort du DSI. Il reste notre interlocuteur car il est le garant de la sécurité et de l’urbanisation de son système d’information. Toutefois, ses missions changent et son rôle se renforce. Il source davantage des technos pour devenir une sorte de broker de services capable de bien informer le Comex.
Comment s’est terminée 2020 pour EasyVista ?
2020 avait bien démarré au premier trimestre, mais au final, EasyVista un ralentissement passager de son chiffre d’affaires à cause de la Covid-19. Je félicite d’ailleurs l’équipe pour avoir réussi à maintenir une rentabilité raisonnable. La portée financière de cet incident de parcours conjoncturel est finalement assez limitée par rapport à certains de nos confrères.
EasyVista prévoit-il de développer davantage son réseau de partenaires en 2021 ?
EasyVista collabore avec quelques 60 partenaires certifiés dans le monde et nous en recrutons d’autres. En 2020, le canal indirect représentait en moyenne 30 à 40% de notre chiffre d’affaires dans tous les pays, dont 40% en France. Ce pourcentage n’est que de 15 à 20% aux Etats-Unis pour l’instant, mais il se développe.