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La transformation numérique des collectivités territoriales passe par l’essor des services aux usagers, l’amélioration de la productivité des agents, et s’accompagne d’un changement culturel.
“Nous assistons depuis quelques années à une dématérialisation massive des processus, une démarche encore inachevée ; la maturité numérique des collectivités, comme celle d’autres acteurs publics, est hétérogène », analyse Tugdual Le Bouar, directeur marketing et développement produits chez Berger-Levrault. Cet éditeur réalise un chiffre d’affaires de 190 M€ en 2020 à 80 % dans le secteur public ; une commune sur deux est équipée d’au moins une de ses solutions.
Les collectivités, communes, départements ou régions, doivent concilier différents enjeux, une tâche particulièrement ardue. Il faut prendre en compte l’amélioration de la relation avec les usagers, qu’ils soient citoyens, associations ou entreprises, et l’inclusion numérique, sachant que les territoires ne sont pas tous égaux en termes d’équipement réseau. Autres défis, la complexité organisationnelle qu’exige la transformation numérique dans les grandes collectivités et intercommunalités, l’efficacité budgétaire, les départs d’agents territoriaux non remplacés qui nécessite d’améliorer la productivité grâce au numérique, enfin la formation des agents publics. L’enjeu de réduction des coûts est majeur : les collectivités attendent beaucoup des gains de productivité générés par la dématérialisation et l’automatisation des tâches. En retour, les agents doivent apprendre de nouvelles compétences, de nouveaux métiers, nécessitant un accompagnement au changement. « Le changement culturel est ahurissant à l’échelle des administrations publiques en général », souligne Bertrand Pruvost, directeur commercial d’Arpège, qui a développé le pôle e-administration et gestion de la relation citoyen de cet éditeur qui offre des solutions de gestion aux collectivités locales pour gérer la relation avec le citoyen dans toutes les étapes de sa vie. « Et les collectivités se structurent de plus en plus. »
Du citoyen-usager au citoyen-client
Les valeurs des collectivités évoluent depuis quatre à cinq ans. Au-delà de la mission traditionnelle de service public au citoyen-usager qui est toujours bien là, les collectivités développent des approches de marketing territorial pour capter et fidéliser les citoyens-clients. Dans une logique de compétition entre territoires, les collectivités deviennent des marques, mesurent la qualité de service, nécessitant l’utilisation d’outils décisionnels. La mission de service public évolue en fonction des attentes… et l’une des attentes est d’en finir avec l’attente au guichet !
Une plateforme multicanal de services
Les collectivités offrent de nombreux services de proximité. Les plateformes de relation avec les usagers sont devenues un élément important de la qualité de service. Les éditeurs doivent appréhender la diversité des territoires tout en proposant des plateformes mutualisées.
« Le numérique impacte les services de proximité qui doivent allier services numériques et physiques, à travers une plateforme multicanal où l’on peut commencer une démarche en numérique et la finir si nécessaire au guichet », explique Fabien Ferrazza, directeur du secteur public, Docaposte, filiale numérique du groupe La Poste, qui a travaillé auparavant en collectivité et dans les services du Premier ministre. Pour les petites communes de moins de 3 500 habitants, le numérique s’avère complémentaire de la relation physique qui reste prédominante. Selon Fabien Ferrazza, la simplification des démarches nécessite la simplification des procédures, au-delà de leur dématérialisation. Les collectivités ont à développer des “places de marché” de services publics. Elles doivent prioritairement agir sur les services utilisés de façon récurrente, comme ceux relatifs à l’école. Elles doivent en outre proposer une identité numérique unique au citoyen, comme à Paris, pour lui faciliter l’utilisation de leurs services. Cela suppose de développer des logiques multicanal et d’interopérabilité entre les systèmes d’informations et les logiciels métiers. « Elles n’en sont qu’au début, constate Fabien Ferrazza. Nous investissons sur une plateforme d’orchestration des services et d’interopérabilité. » Docaposte a réalisé un chiffre d’affaires de 700 M€ en 2019 dont 100 M€ dans le secteur public et compte 23 000 clients.
La qualité de la relation avec le citoyen passe ainsi par des plateformes centralisant les demandes des usagers : la communication à l’usager de leur prise en compte, de leur traitement et de leur résolution doit s’effectuer dans des délais raisonnables, si ce n’est courts.
Certains services sont développés en lien avec les administrations publiques. Par exemple, la plateforme sociale Neolink de Berger-Levrault est utilisée par des départements pour faciliter le retour à l’emploi des allocataires du RSA, en lien avec la CAF et Pôle Emploi.
Les collectivités ont aussi à tirer profit du numérique dans leur gestion.
Mieux gérer les actifs
La gestion et la rentabilisation des actifs gérés par les collectivités ne sont pas aussi matures que dans le privé. « Les collectivités ont à gérer beaucoup d’actifs hétéroclites, beaucoup de foncier », fait remarquer Laurent Figiel, directeur général d’AS-Tech Solutions, qui met à disposition pour 700 clients, 50 % des collectivités territoriales et 30 % des administrations publiques, une solution de gestion du patrimoine et des services techniques (travaux, parc automobile, foncier, énergie, équipements personnels…). « Notre application transversale se fonde sur un référentiel unique pour en finir avec les silos par type d’actifs. Elle permet d’avoir une gestion d’actifs à jour et de contrôler les coûts. Il reste beaucoup à optimiser dans les collectivités de plus de 5 000 habitants que nous ciblons, en termes de processus et de traçabilité notamment. La dématérialisation des processus représente un important gain de temps pour les agents. »
Accompagner le changement
Les collectivités doivent créer les conditions de la confiance et accompagner les utilisateurs, usagers et agents dans les nouveaux usages. Les services numériques facilitent certes la vie des agents, qui ont moins de saisie de tâches sans valeur ajoutée à effectuer, et une meilleure visibilité sur l’ensemble des services consommés par les citoyens, mais qui doivent être formés. L’accompagnement passe aussi par une meilleure ergonomie et une simplification des parcours, qui nécessitent une bonne interopérabilité des outils.
La transformation numérique des territoires va reposer sur plusieurs leviers dans un proche avenir.
Les leviers de la transformation
A court terme, avec la poursuite de la crise sanitaire, l’accélération de la dématérialisation exige de sécuriser les accès à distance, afin d’assurer la continuité de service. A moyen terme, le principal levier réside dans la gestion et les usages de la donnée, qui passent notamment par sa valorisation sociale et l’open data. Et l’archivage électronique encore naissant dans les collectivités, devrait se développer. L’intelligence artificielle devrait améliorer l’optimisation des procédures et des solutions mises en œuvre. Pour Tugdual Le Bouar, « d’ici à cinq ans les logiciels embarqueront des analyses de données plus puissantes, plus d’automatisation grâce à la robotisation des procédures (Robotic Automatisation Process – RPA). Et l’intelligence artificielle sert à faire évoluer plus rapidement nos solutions ; par exemple pour leur mise à jour réglementaire, l’IA réalise une analyse sémantique des textes de loi qui permet à nos concepteurs d’analyser les impacts sur les métiers et les logiciels. »