L’association des grandes entreprises françaises utilisatrices de l’IT alerte, à nouveau, sur les mauvaises pratiques commerciales de leurs grands fournisseurs IT et Cloud, des Gafam pour la plupart. Et surtout dans le Cloud, où elles se seraient multipliées lors de la Covid-19. Le Cigref parle même de dévoiement du modèle Saas et de piège pour ses utilisateurs !
Le Cigref a déjà dénoncé à plusieurs reprises par le passé certaines mauvaises pratiques commerciales de ses plus grands fournisseurs IT BtoB, la plupart américains, tels qu’AWS, Google, IBM, Microsoft, Oracle, Salesforce et SAP. L’association des grandes entreprises (Elior, Essilor, Lvmh, Safran, etc.) et administrations françaises utilisatrices de solutions et services numériques a récidivé le 25 septembre 2020. Dans son collimateur cette fois-ci, leurs mauvaises pratiques dans le Cloud qui se seraient multipliées lors du confinement lié à la Covid-19.
Le « dévoiement du modèle Saas » est en marche estime le Cigref
Lorsqu’il est entré dans le détail des mauvaises pratiques dans le Cloud provenant des fournisseurs IT, Philippe Rouaud, le président des Relations Fournisseurs de la commission Cloud du Cigref, qui est aussi le DSI de France Télévision, a parlé de « Dévoiement du modèle Saas qui reproduit les vieux travers des modèles des éditeurs ». Il s’insurge contre la « Perpétuelle inflation tarifaire dans le Cloud et la multiplication des bundles qui accroissent les volumes d’achat (…) qui font craindre à des clients que certains fournisseurs ne leur fassent payer un jour leurs propres données… ».
Les salariés sont mis en chômage partiel, mais pas les licences Cloud…
En outre, Philippe Rouaud estime que la plupart des fournisseurs de services Cloud ont rappelé à leurs clients pendant la crise sanitaire que « le Cloud rime effectivement avec des coûts fixes. D’ailleurs, certains fournisseurs ont maintenu les paiements de nos mensualités à leurs services Cloud, malgré la gravité de la crise que traversent nos sociétés. Nos salariés sont mis en chômage partiel et ils sont financés par les pouvoirs publics, mais pas leurs licences… Ce n’est guère surprenant car les commerciaux des fournisseurs sont incentivés sur le Cloud ».
Rares sont les fournisseurs de services Cloud qui ont fait un geste commercial selon le Cigref, en réduisant par exemple le montant des mensualités temporairement, ou en les reportant, afin d’aider leurs clients à préserver leurs trésoreries malmenées et à mieux traverser la crise sanitaire.
Le président des Relations Fournisseurs de la commission Cloud du Cigref et les autres adhérents de l’association constatent désormais un durcissement et « un appauvrissement des discussions commerciales avec des fournisseurs IT historiques. Les fournisseurs Cloud sont pourtant les principaux gagnants de la crise sanitaire. Ils enregistreront 20% de croissance en moyenne selon Gartner ».
Le piège du Saas se referme sur ses utilisateurs…
Philippe Rouaud critique sans ambages ses grands fournisseurs Cloud, des Gafam pour la plupart, quand il déclare que « Le piège du Saas se referme sur les utilisateurs, et notamment dans les secteurs matures comme la bureautique (Microsoft, Google, etc.). Le succès du Saas repose sur un déploiement rapide du service mais il est trop souvent associé à un verrouillage des clients. » avant d’ajouter : « Les roadmaps produits de ces fournisseurs sont trop contraignantes et elles détournent nos ressources-produits sur une année ».
Le président du Cigref, Bernard Duverneuil, qui est également le DSI d’Elior, a déclaré que les adhérents à son organisation sont également confrontés, dans le cadre du Cloud, à « une crise sérieuse face aux abus dans la maintenance applicative, qui est toujours la vache à lait des éditeurs de logiciels. Mais dans le même temps, le client doit se prémunir contre les défauts de conception et de sécurité de leurs applications sur site ou dans le Cloud. Le client ne doit pas avoir à payer pour leurs patchs ! ».
… Comme un drame en 4 actes
Philippe Rouaud n’hésite pas à comparer le piège du Saas à un drame en quatre actes. L’acte 1 est la lune de miel : lorsque démarre l’adoption de leurs technologies IT sur un marché naissant, les fournisseurs IT sont très présents chez le client et ils pilotent avec lui la co-construction de sa solution. Lors de l’acte 2, qui correspond à l’extension de sa couverture fonctionnelle, la relation demeure satisfaisante même si le client ressent une forte pression pour y souscrire.
Elle devient particulièrement intense dès l’acte 3 selon le Cigref, au moment de « l’upgrade » des solutions Cloud déployées, alors même que les fournisseurs IT tentent de faire passer une seconde extension de package sur le deuxième renouvellement annuel ; dont des bundles non sollicités, que leurs commerciaux commercialisent de manière bien trop agressive pour atteindre, voire dépasser leurs objectifs.
Le piège du Saas se referme sur le client à l’acte 4 quand il étend ses services Cloud aux multiples utilisateurs de son organisation. « Il réalise alors qu’il n’a pas la moindre marge de négociation et il subit d’importantes augmentations qui le mettent à genoux. » déplore selon Philippe Rouaud. « Et je ne parle même pas de la complexification croissante des offres ».
A quand le divorce ?
Les entreprises du Cigref veulent en finir avec le modèle de reconnaissance financier du fournisseur toujours basé sur une croissance illimitée de son chiffre d’affaires chez les clients. Elles souhaitent désormais privilégier une meilleure reconnaissance de la réelle valeur ajoutée liée aux vrais bénéfices d’un Cloud pour les clients. « Celle-ci ne doit plus correspondre pour les fournisseurs à une taxation injustifiée de la valeur ajoutée produites par les clients » estime Philippe Rouaud.
Un vœu pieux ? Même si la plupart ont une taille très importante, les grandes entreprises du Cigref ont-elles les moyens de mettre fin à la relation commerciale qui les lie depuis des années à leurs principaux fournisseurs sur des infrastructures ou des services IT stratégiques ? Probablement pas. Elles savent que les stratégies de remplacement sont aussi longues que coûteuses. Des propositions sont en cours de finalisation au Cigref.
Les discussions sur le licensing impactent trop les projets de transformation digitale des entreprises
En conclusion, le président du Cigref, Bernard Duverneuil, estime que la négociation contractuelle et les discussions sur le licensing dominent désormais trop les discussions technologiques de fond, portant préjudice aux projets de transformation digitale et d’innovation de ses adhérents : « Certes, si les pratiques commerciales de nos fournisseurs IT ne sont pas illégales, elles sont illégitimes et dommageables pour nos entreprises et notre économie ».
Bernard Duverneuil est d’autant plus mécontent cette année que les mauvaises pratiques de ses grands fournisseurs IT se seraient multipliées lors de la crise sanitaire du Covid-19. Et tout particulièrement dans les secteurs du Cloud, on l’a vu, mais également dans la cybersécurité, « qui devient une activité très rentable pour eux, alors même que la cyber responsabilité ne peut pas incomber aux seuls clients ».