Le marché de l’impression a souffert aux deuxième et troisième trimestres 2020 à cause de la Covid-19. Le confinement massif des étudiants et des salariés a fait s’effondrer les volumes d’impression. Post-covid, le salut des acteurs du print pourrait venir de la dématérialisation, du Cloud et du home office, mais aussi de la vente d’imprimantes et consommables en abonnement.
Les analystes et les professionnels des systèmes IT de reproduction et de numérisation des documents sont unanimes. Les deuxième et troisième trimestres 2020 figurent déjà parmi les pires périodes dans l’histoire mondiale des ventes d’imprimantes, de multifonctions (MFP) et de copieurs au XXIe siècle.
Dépressif depuis des années, le marché du print a été l’un des plus impactés en entreprise, toutes technologies IT confondues. Pour certains observateurs, la situation qu’ont vécu les fabricants de copieurs et d’imprimantes est même pire que lors de la grande crise financière de 2008. En effet, les budgets impression et reproduction ont été parmi les premiers à subir les coupes budgétaires et les arbitrages défavorables des entreprises. « Au plus fort de la Covid-19, le Print était certes moins prioritaire par rapport à d’autres sujets IT, dont la gestion sécurisée de la data, la mobilité des collaborateurs et l’optimisation du workplace en télétravail, mais il reste un poste important pour les entreprises, dont il peut représenter jusqu’à 3% du total des achats IT », précise Gilles Abry, directeur des ventes BtoB chez Epson France.
« Le Print reste un poste important pour les entreprises »
Gilles Abry, Epson
Les impressions repartent lentement depuis la rentrée
Les fabricants de copieurs et d’imprimantes constatent avec soulagement que les volumes d’impression repartent à la hausse en septembre. Une bonne nouvelle pour Gilles Abry « Nous constatons que le nombre de pages réaugmente avec le retour des salariés au bureau ». Le retour à une situation pré-Covid-19 sera longue estime Jean-Pierre Blanger, directeur Solutions et Services chez Ricoh France, surtout si le confinement des salariés devait reprendre cet automne : « Le marché est un peu reparti à la rentrée. Le retour à la “normale” s’effectuera certainement sous forme de racine carré, mais il est peu probable que nous retrouvions les volumes d’impression pré-Covid avant deux ans, car la crise sanitaire a généré une rupture dans l’utilisation des machines et les gens impriment différemment désormais ».
Innover pour survivre et renouer le dialogue avec les clients
Face à l’ampleur de la crise économique générée par la Covid-19, les fabricants de copieurs et d’imprimantes ont dû se montrer plus innovants. Leur survie et celles de leurs clients sont en jeu. Les entreprises se sont intéressées davantage aux modes d’achat alternatifs, dont ceux capables de préserver leurs trésoreries tendues, alors que les risques d’une forte récession économique sont très élevés en 2020, voire en 2021.
A commencer par toutes les offres financières (leasing, MPS, etc.) qui leur proposent de louer ou d’acheter leurs matériels et leurs logiciels de Gestion Electronique de Documents (GED), en ne payant qu’un abonnement à un service d’installation, d’entretien, de remplacement, pour les gérer ensuite à distance dans le Cloud par exemple.
Les constructeurs informatiques renforcent le locatif…
Mais tel n’était pas le cas chez tous leurs concurrents dans l’informatique. Or ces pratiques locatives ont généré plus d’une fois leur convoitise. Tous les constructeurs d’imprimantes et de MFP jet d’encre cherchent des revenus annuels plus récurrents pour sécuriser leurs marges.
Mais leurs commerciaux sont toujours plus prompts à vendre directement leurs produits et consommables sur étagère en mode CapEx que de les louer, voire de vendre un abonnement indexé sur le nombre de pages imprimées. Logique, ils préfèrent toucher une commission sur une vente avec un chiffre d’affaires élevé que sur un loyer mensuel, même annualisé sur trois ans.
Certains constructeurs informatiques ont donc profité de l’épidémie pour accélérer leurs projets de vente directe en mode locatif de leurs imprimantes, dite contractuelle. Device as a Service (Daas), ou terminal vendu en location en français, tel est le nom générique que les fournisseurs IT donnent à cette nouvelle approche locative et à son utilisation dans le Cloud.
Ainsi, le nouveau PDG de HP, Enrique Lopez, a déclaré dès son arrivée en juin 2020 son intention de développer bien davantage le mode locatif dans le groupe, tant pour les imprimantes que pour les PC notamment. Pour l’heure, celui-ci ne pèse que quelques pourcents du chiffre d’affaires du leader mondial du Print. Pourtant, il commercialise des offres coût page depuis 15 ans en entreprise.
Afin de se démarquer encore plus des fabricants de copieurs, HP a monté au printemps 2020 l’offre locative “Workplace as a service” qui package la livraison, la gestion et la maintenance des PC et des imprimantes. Le groupe avait fait une première tentative il y a 3 – 4 ans, sans grand succès, car le marché n’était pas prêt à l’époque selon lui.
… Et développent les Managed Print Services (MPS)
De même que les offres de Managed Print Services (MPS) portés par ses revendeurs. Mais HP en a fait sa priorité en 2020, à l’instar de la plupart de ses concurrents. Pour sa part, Epson rappelle qu’il a déployé depuis 15 ans son Print Performance (EPP), un programme MPS de gestion des coûts à la page et de l’impression, comprenant l’installation, le financement, et la maintenance de niveau 1 et 2 via un partenaire, ou 3 directement par Epson. Et depuis 2020, la plateforme du constructeur permet désormais à un revendeur de signer un contrat de coûts à la page en 10 mn. Epson cible les revendeurs dont le print n’est pas le cœur de métier.
Le DaaS et les MPS sont l’avenir en temps de crise économique, comme le confirme Philippe Chaventré, Director Enterprise Print Solutions, Sales & Delivery Business Unit : « Ces logiques “as a service” lissent les dépenses et sont donc particulièrement adaptées en cette période de trouble où bon nombre d’entreprises font face à des problèmes de trésorerie. En outre, la contractualisation des services impose au fournisseur d’en garantir la livraison et permet donc au client de bénéficier de la continuité de services. C’est ainsi que nos clients dits sensibles pendant le COVID, notamment ceux des secteurs de la santé, du transport, de l’alimentaire ou de la sécurité, se sont sentis rassurés par la position et l’engagement de HP pendant le confinement ».
Capitaliser sur la GED pour séduire les clients
Face à la Covid-19, le challenge des fabricants de copieurs et de MFP a été d’élargir leur discours aux logiciels et aux services pour renouer le dialogue avec des clients frileux et difficiles à convaincre.
« La GED devient le “as a service” ou le “Software Defined” de l’industrie de l’impression. »
Jean-Pierre Blanger, Ricoh
L’épidémie a accéléré leurs projets en matière de Gestion et de traitement des flux électroniques de documents (GED). La dématérialisation et le stockage structuré des documents administratifs (facturation, comptabilité, contrats, impôts, etc.) étant toujours prisés par les entreprises, surtout avec des salariés confinés à domicile, les constructeurs ont joué sur ce registre pour recapter l’attention de leurs clients et vendre des MFP ou des scanners équipés de logiciels de GED. La Covid-19 est un accélérateur de la transformation digitale des processus documentaires chez les clients, qui ont aussi appris à gérer ces activités à distance. Jean-Pierre Blanger, de Ricoh, confirme l’importance accrue de la GED en 2020, « qui devient le “as a service” ou le “Software Defined” de l’industrie de l’impression. La gestion des flux documentaires est stratégique pour Ricoh et ses clients depuis le rachat de Docuware, éditeur qui a intégré ses offres GED dans notre portfolio au début ». Depuis juillet, Ricoh peut gérer désormais en automatique le courrier et les flux documentaires des entreprises avec Digital Mailroom Service, sa nouvelle offre d’externalisation “as a service”.
Alors que les achats de cartouches et de toners se sont effondrés en entreprise pendant le confinement, la gestion optimisée des consommables (voir encadré “Les grosses imprimantes laser départementales attendent désespérément des utilisateurs depuis fin mars”) est un autre terrain sur lequel les fournisseurs informatiques de MFP ont affronté les fabricants de copieurs.
La bataille des consommables s’organise
Par exemple, Epson inclut dans l’achat de ses imprimantes et MFP jet d’encre de la gamme EcoTank trois ans d’encre noir & blanc, ou couleur, afin de réduire les coûts d’impression à la maison. « Le Covid-19 n’ayant fait qu’accentuer l’intérêt des clients pour ce type d’offre, Epson a étendu l’offre EcoTank à la clientèle BtoB depuis juillet 2020 », explique Gilles Abry. Le constructeur livre d’office ses MFP jet d’encre avec des bouteilles d’encre pour imprimer jusqu’à 1 000 pages par mois pendant 5 ans avec une garantie sur cette période. Le coût de revient est alors beaucoup plus faible qu’avec des cartouches, même de grande capacité.
HP rencontre aussi un grand succès planétaire avec Instant Ink, son récent programme qui propose au grand public, moyennant un abonnement annuel, la livraison et le renouvellement à faible coût de leurs cartouches d’encre. « HP a assisté à une ruée des individus confinés vers les consommables dans les premières semaines du confinement. Nous avons ainsi multiplié par 4 le nombre d’abonnements à Instant Ink ! » se réjouit Philippe Chaventré. « Désormais, beaucoup de sociétés, dont de très grandes entreprises, demandent à HP comment équiper leurs salariés en télétravail avec une imprimante incluant la livraison automatique de consommables ».
Les vendeurs de MFP jet d’encre Pro sauvés
par le Home office… et la “cartouche fraise”
Une offre jet d’encre BtoC leur aurait permis de compenser une partie de leur manque à gagner sur les lasers A4 ou A3 ou les jets d’encre et MFP BtoB. En effet, la demande en multifonctions (MFP) à jet d’encre A4 a été très forte chez les télétravailleurs et les étudiants confinés.
« HP a largement bénéficié du report des impressions effectuées à la maison sur des MFP jet d’encre, tant à titre personnel que professionnel », confirme Philippe Chaventré, chez HP France. Même constat pour son confrère Gilles Abry chez Epson France : « Epson fait partie des rares vendeurs de systèmes d’impression professionnels à avoir pu répondre à la forte demande du Home office grâce à notre offre jet d’encre BtoC et à sa profondeur de gamme. La “cartouche fraise” a même été un best-seller des ventes, y compris alimentaires, dans des enseignes de la grande distribution entre avril et juin, voire juillet 2020 ! ».
Cela dit, l’équipement du Home Office avec des produits BtoB “relookés” a toujours existé, même chez les bureauticiens possédant des gammes d’imprimantes A4 jet d’encre professionnelles. La pandémie les a d’ailleurs incités à promouvoir davantage ce genre d’offres pour compenser la baisse de leurs ventes de copieurs.
Imprimantes en locatif :
quels bénéfices réels pour les entreprises ?
Quand un client achète en mode transactionnel ses imprimantes et ses consommables séparément, il les paie plus cher. Selon HP, s’il passe en mode contractuel (coût à la page ou MPS), il économise jusqu’à 30 % sur sa facture totale étalée sur 4 ans. En outre, le client n’a plus à gérer les stocks de cartouches qui dorment dans les armoires, ou leurs changements à mauvais escient. Chaque machine de son parc est alors pilotée à distance (dans le Cloud). Un logiciel génère automatiquement les réapprovisionnements, en fonction de seuils préétablis et de leurs capacités d’impression mensuelles. Une pratique déjà courante chez les constructeurs de copieurs.