Entreprises de la tech ou pas, bon nombre de sociétés vont désormais plus largement adopter le télétravail, alors qu’elles ont dû, contraintes et forcées, faire travailler leurs collaborateurs chez eux pendant la crise sanitaire.
« En moyenne, nos employés feront probablement davantage de télétravail dans le futur. Les estimations initiales vont de 10 à 20 % du temps de travail », affirmait à la mi-mai Thomas Gottstein, le directeur général du Crédit Suisse, deuxième banque de Suisse, dans une interview au journal Neue Zurcher Zeitung. La pandémie de Covid-19 a donné un coup d’accélérateur aux transactions en ligne, réduisant encore l’importance des agences traditionnelles, dont le nombre « va donc continuer à diminuer ». Il y a « beaucoup » à apprendre des banques qui utilisent les smartphones pour fournir des services de « la manière la plus simple, la plus rapide et la plus pratique possible », ajoutait-t-il. « À moyen terme, nous serons certainement en mesure d’assurer nos activités avec moins de personnel – en particulier parce que nous continuerons à automatiser l’entreprise », prévenait M. Gottstein.
Autre secteur adoptant le télétravail, l’automobile. PSA a indiqué qu’il en ferait une règle générale, dès cet été pour toutes les fonctions tertiaires, la R&D, les fonctions administratives et commerciales, et cela partout dans le monde. Le télétravail devrait concerner près de 80 000 salariés, qui pourraient ne venir au bureau qu’un jour à un jour et demi par semaine. Pour Xavier Chéreau, le directeur des ressources humaines du groupe PSA, c’est un moyen d’améliorer “le bien-être au travail”, mais aussi de réaliser des centaines de millions d’euros d’économies en réduisant les mètres carrés de bureaux nécessaires, de réduire l’empreinte carbone.
«Si nos employés ont un rôle et une situation qui leur permettent de travailler à domicile et qu’ils veulent continuer à le faire pour toujours, nous y arriverons. »
Jennifer Christie, Responsable des ressources humaines de Twitter
Twitter : travailler à domicile pour toujours
Dans le monde de la tech, Twitter, Square et Facebook souhaitent généraliser le travail à distance. Dès le 12 mars, le réseau social américain Twitter donnait l’ordre à tous ses employés dans le monde de travailler depuis leur domicile. « Nous avons à présent informé tous nos employés dans le monde qu’ils devaient travailler de chez eux », annonçait la responsable des ressources humaines de Twitter, Jennifer Christie, dans un communiqué posté sur le blog de l’entreprise. Deux mois plus tard le 12 mai, Twitter annonçait sur son blog : « Si nos employés ont un rôle et une situation qui leur permettent de travailler à domicile et qu’ils veulent continuer à le faire pour toujours, nous y arriverons. »
Les employés de la société de paiement Square, dirigée par le même PDG Jack Dorsey, sont logés à la même enseigne : ils auront la possibilité de continuer le travail à distance s’ils le souhaitent, même après la réouverture des bureaux.
« Je pense qu’il est possible qu’au cours des cinq à dix prochaines années, nous puissions faire en sorte qu’environ la moitié de l’entreprise travaille à distance en permanence . »
Mark Zuckerberg, PDG de Facebook
Facebook est dans une démarche analogue : d’après son PDG Mark Zuckerberg, la moitié de ses employés travaillera à distance dans les cinq à dix prochaines années. Il a annoncé fin mai que Facebook permettra le travail à distance permanent pour un grand nombre de ses employés. « Nous allons être l’entreprise la plus avant-gardiste en matière de télétravail à notre échelle », a-t-il déclaré dans une interview accordée à The Verge. « Je pense qu’il est possible qu’au cours des cinq à dix prochaines années, nous puissions faire en sorte qu’environ la moitié de l’entreprise travaille à distance en permanence ». Rappelons que Facebook emploie 48 000 personnes au travers de 70 bureaux dans le monde. Cette politique va permettre aussi au réseau social d’ouvrir aussi “agressivement” le recrutement de collaborateurs qui habitent loin de ses bureaux.
Les DSI en première ligne
5,1 millions de Français auraient basculé en télétravail lors du confinement général d’après le ministère du Travail. Une pratique inédite pour les travailleurs – dans une enquête d’Okta, presque 60 % des répondants français n’avait jamais eu recours au télétravail auparavant – mais aussi évidemment pour les DSI. Malgré les difficultés de mise en place et les préoccupations sur la cybersécurité, les responsables informatiques tirent un bilan positif, comme le révèle une enquête de Citrix menée en avril et mai auprès de 500 DSI. 75 % affirment avoir été surpris par la facilité avec laquelle la majorité des employés de leur entreprise s’est adaptée au télétravail. Ils sont même 80 % à estimer que les technologies ont permis aux salariés de collaborer aussi efficacement qu’en face à face.
Mais les services informatiques ont payé un lourd tribut psychologique : 74 % d’entre eux disent avoir subi des niveaux élevés de stress. La moitié (49 %) des entreprises ne disposait pas en effet d’un plan de continuité des activités prévoyant l’obligation pour la grande majorité des membres du personnel de travailler à distance.
Le télétravail, pas sans le Cloud
Ce sont ces équipes IT qui mettent actuellement en place des solutions technologiques permettant de faciliter le télétravail à long terme dans le monde post-pandémie. En réponse à la crise sanitaire, 62 % des DSI envisagent de réduire l’infrastructure informatique physique et de passer à un modèle Cloud. Ils sont 41 % à prévoir de mettre en place des plateformes d’espace numérique de travail et 47 % à se tourner vers les services cloud publics afin de faciliter le télétravail à long terme. La crise, sur ce point, a été « un vrai test à l’échelle planétaire de la scalabilité du Cloud public », comme le souligne Christophe Lopez-Castel, Channel & Distribution Manager France chez Citrix.
Les DSI auront aussi des préoccupations évidentes sur les risques que le télétravail représente pour la sécurité des informations. Pendant la crise, 66 % d’entre eux ont constaté notamment une hausse des installations de logiciels non autorisés par les collaborateurs, et ont été confrontés aux arrêts non programmés des VPN, un problème majeur pour 31 % des répondants.
Finalement, si l’on en croit 4 DSI sur 10, cette pandémie aura permis de gagner plus d’un an dans la transformation digitale de l’entreprise.
Des préoccupations sur la sécurité
Selon l’étude “The New Workplace: Re-imagining Work After 2020”, réalisée par Okta, seul un quart des répondants français a estimé que les mesures de sécurité prises par leurs employeurs pour les protéger des cyberattaques étaient satisfaisantes. Un niveau de préparation qui varie en fonction du secteur : 45 % des répondants travaillant dans l’informatique ont considéré que leur employeur était totalement prêt, mais seul un quart des personnes interrogées dans les secteurs du commerce de détail et de l’enseignement était du même avis.
Une autre étude menée en avril par OneLogin, spécialiste de la gestion des identités et des accès, montre que la France, comme d’autres pays, n’a clairement pas accordé la priorité aux meilleures pratiques en matière de mots de passe. En France, plus de la moitié (52 %) des sondés n’ont jamais changé le mot de passe de leur ordinateur, exposant ainsi toutes les données de leur entreprise à un risque d’intrusion. A la réception d’un nouvel ordinateur professionnel, 35 % seulement des Français ont pris le réflexe de changer leur mot de passe dans les 48h. Enfin, 46 % des personnes interrogées ont indiqué ne pas avoir changé leur mot de passe Wifi à leur domicile depuis plus d’un an.
Des télétravailleurs pas toujours bien équipés
Selon l’étude “The New Workplace: Re-imagining Work After 2020” réalisée par Okta, un spécialiste de la gestion des identités en entreprise, 33 % des personnes interrogées ont estimé que leur entreprise ne leur avait pas fourni les équipements nécessaires. Si l’industrie informatique était plutôt bien préparée avec 79 % des professionnels du secteur ayant déclaré avoir un accès aux équipements nécessaires, le secteur de la santé l’était beaucoup moins, avec seulement un peu plus d’un tiers de leurs employés (35 %) correctement équipés. La fonction publique semble s’être la moins préparée à s’adapter à cette pandémie, avec près de 60% des employés découvrant le télétravail. Seuls 48 % et 44 % des répondants auraient respectivement bénéficié du matériel et des logiciels adéquats, contre 54 % et 47 % pour les salariés du secteur privé.