Aux PC portables, voire smartphones et tablettes, il a bien fallu adjoindre des outils collaboratifs et des solutions de communication pour rester en contact avec les collègues et le management. Un véritable boom de croissance pour certains d’entre eux, qui auront fait parfois leur première introduction dans l’entreprise et comptent y rester.
« Nous avons assisté à un record de 2,7 milliards de minutes passées en réunion en une seule journée. »
Jared Spataro
Teams sera passé de 44 millions d’utilisateurs actifs quotidiens à 75 millions en seulement six semaines, annonçait Microsoft fin avril, le dernier chiffre connu à l’écriture de cet article. Le nombre d’appels vidéo passés via la solution de collaboration de Microsoft aura bondi de 1 000 % en mars, d’après un rapport (Work Trend Index) publié par l’éditeur, se retrouvant en concurrence avec Zoom, une des applications reines du confinement.
Le 31 mars, Jared Spataro, vice-président de Microsoft 365, relevait dans un billet en ligne : « Nous avons assisté à un record de 2,7 milliards de minutes passées en réunion en une seule journée, soit une hausse de 200 % par rapport aux 900 millions de minutes du 16 mars ». Jared Spataro était déjà persuadé que cette période allait « changer nos façons de travailler et de nous connecter pour toujours. » Jérôme Bour, président de DDS Logistics, éditeur de logiciels spécialisés transport et Supply Chain, indiquait en mai à Solutions Numériques : « Nous utilisons Teams pour converser et partager des documents, et la messagerie d’équipe Slack, notamment pour la communication interne et discuter de façon informelle. Le confinement a vu s’accélérer l’adoption chez nos clients et partenaires de ce genre d’outils. »
Des records d’utilisation
La plupart des services de communication/collaboration ont brisé leurs records d’utilisation à mesure que la planète était appelée à rester chez elle pour enrayer la pandémie de coronavirus. Début avril, la startup française Livestorm, bien implantée en Amérique du Nord et qui propose une plateforme de communication vidéo SaaS (réunion et webinaire), a vu son chiffre d’affaires bondir de 75 % en un mois. Un demi-million de participants se sont connectés à des webinars via Livestorm sur la même période, soit une augmentation de 300 %. Gilles Bertaux, CEO et cofondateur de Livestorm, nous expliquait ainsi tout début avril qu’il avait « quasiment réalisé l’objectif de l’année début mars » et « gagné environ 1000 clients sur un mois ». Une croissance phénoménale qui a poussé l’entreprise à revoir l’architecture technique et même a embauché pour le support clients.
Mais une plateforme en particulier a volé la vedette à toutes les autres, Zoom, qui a été très largement adoptée au-delà des entreprises, ses clients traditionnels. Elle a dépassé les 200 millions de participants à des réunions quotidiennes en mars, puis les 300 millions en avril, contre 10 millions au mois de décembre 2019.
Loïc Rousseau, le dirigeant France de Zoom, nous chiffrait très tôt, le 19 mars : « Depuis le début de la crise, les demandes vont croissantes, multipliées par quatre ». Son succès a, de fait, engendré des suspicions sur la sécurité et la confidentialité des données. Mais fait aussi réagir les concurrents, qui se sont empressés d’ajouter des fonctions : dans Teams Meetings, on a ainsi vu apparaître une option pour personnaliser son arrière-plan ou encore un bouton “lever la main”.
Autre exemple, la version entreprise de Workplace, le RSE de Facebook, qui compte désormais plus de 5 millions d’utilisateurs payants, est dotée depuis fin mai de fonctionnalités de vidéoconférence, ainsi que d’une intégration aux Portal, les enceintes intelligentes du géant.
Dans Teams, qui est évidemment bien plus qu’un simple outil de visio, d’autres nouveautés se sont vu insérées pendant la crise. Ainsi l’application Réservations (Booking) « permet de planifier facilement des rendez-vous en personne et des rendez-vous virtuels, avec un médecin, un consultant financier, un enseignant… », nous précisait début juin Laurent Camus, Senior Product Marketing Manager chez Microsoft France. Le reponsable est persuadé que les collaborateurs ont découvert une autre façon de travailler, de collaborer avec des outils nouveaux, « et cela va rester ».
Entrer gratis dans les entreprises et espérer y rester
Effectivement, les éditeurs ont espéré pendant la crise que leurs outils seraient définitivement adoptés par la suite. Et pour cela, ils les ont souvent offerts gracieusement un temps limité. 3CX a ainsi proposé sa solution de web conférence éponyme gratuitement, fait remarquable pour les 3 prochaines années, en lien avec sa solution de communication, promettant hôtes illimités, durée illimitée et jusqu’à 4 fois le nombre de participants ajoutés gratis. Le constructeur Innovaphone a mis à la disposition des entreprises et des salariés sa plateforme de communication myApps durant trois mois, avec fonctions de téléphonie, visiophonie, conférence / visioconférence, tchat, informations de présence, etc.
Même Mitel, dans un souci d’entraide, a mis à disposition la solution MiTeam Meetings en version OTT (over the top), qui se passe de sa plateforme de communication pour pouvoir fonctionner, et cela même si, comme nous l’expliquait en mai son directeur marketing, Jean-Denis Garo, la DSI « a une problématique de cohérence » et doit utiliser des solutions professionnelles « pérennes, intégrées au système d’information », capables en particulier d’archiver les échanges, permettant de revenir sur un pont, de retrouver des documents partagés dans les différentes réunions, etc.
Starface a rendu accessible, jusqu’au 30 juin 2020, la version bêta publique de sa solution de visioconférence Neon allant jusqu’à 16 participants. La startup Netframe a offert sa solution collaborative tout-en-un en trois langues (français, anglais et espagnol), conjuguant des fonctions de communication (visioconférence, réseau social…), de travail collaboratif et de gestion de projets. « Il nous a paru normal de permettre aux organisations d’accéder gratuitement aux solutions dans une période de travail à distance intense et aussi de leur donner la possibilité de comparer avant de se fixer sur une solution », indiquait Valentin Przyluski, fondateur et directeur général de Netframe. La solution était disponible via la plateforme Open Solidarity d’OVHcloud, OVHcloud prônant un écosystème autour des acteurs français et européens du numérique.
Quitte à choisir une nouvelle solution, autant qu’elle soit française ou européenne ont, en effet, pensé certains éditeurs. « Cette crise a montré les problèmes de souveraineté », faisait remarquer à Solutions Numériques Christopher Potter, président et fondateur de CEO Vision. Il a donné naissance à la plateforme collaborative GoFAST, basée sur l’Open Source, et dont l’ambition est offrir une alternative européenne sérieuse à Office365/ SharePoint, et dans une moindre mesure à Google Docs/Drive.
Des solutions souveraines
« Nous, on a rassemblé les meilleures briques open source, que l’on a intégrées et testées, et nous avons ajouté une interface utilisateurs la plus simple possible et fonctionnellement puissante. Nous tenons tête à Microsoft sur une grosse partie de leur produit. Microsoft vend tout en SaaS dans ses datacenters. GoFast peut être, lui, hébergé dans un SaaS souverain, c’est-à-dire un datacenter en France ou en Europe avec des capitaux européens, non soumis au Cloud Act, ou hébergé dans le datacenter du client, en version on premise. » CEO Vision mettait ainsi en avant pendant le confinement GoFAST Digital-Workplace Community pour remplacer le serveur de fichiers et gérer documents et tâches, Riot Matrix, prétendant au remplacement de Teams ou Slack, OnlyOffice pour remplacer MS Office, la solution collaborative et de communication unifiée française de Bluemind, compatible Outlook et Thunderbird, ainsi que la solution de webconférence Jitsi meet.
Des stratégies de télétravail “permanentes”
Parce que 71,2% des répondants français à une étude mondiale menée en mai par l’éditeur de la base de données open source MariaDB s’attendent à une deuxième vague de la pandémie et donc à de nouvelles difficultés, les professionnels IT opèrent toute une série de changements en prévision d’un nouveau ralentissement de l’économie, et déploient des stratégies de télétravail “permanentes”, ce qui est le cas pour 50 % des répondants en France, accompagné du développement d’un accès à distance pour tous les employés (55,8 %) et de la migration accélérée d’applications dans le Cloud (51,9 %). Les outils de communication et de collaboration ont donc de beaux jours devant eux, en particulier ceux en SaaS.