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Entreprises du numérique, impactées mais combatives

La traversée économique de la crise n’a pas été de tout repos pour le secteur. Son activité ne va reprendre que progressivement à plein régime, alors que la technologie prend une place prépondérante en entreprise.

 

Godefroy de Bentzmann

Certes, pendant le confinement, et encore aujourd’hui, les entreprises se sont appuyées sur les technologies numériques pour continuer leurs activités, mais cela n’a pas empêché le secteur du numérique lui-même d’avoir été fortement impacté par la crise « par une réaction en chaîne, les clients des entreprises étant eux-mêmes touchés, le secteur a fait face à un recul indéniable de son activité », annonçaient ainsi le 7 mai Godefroy de Bentzmann, président du Syntec Numérique, et Pierre-Marie Lehucher, président de TECH IN France.

Gel ou report des nouveaux projets

Toutes les entreprises, mêmes celles s’appuyant sur un modèle économique de revenus récurrents, ont fait face à un gel ou à un report des nouveaux projets. 75 % des entreprises du secteur considèrent que leur pérennité serait en jeu si l’économie ne retrouvait pas son rythme d’avant-crise d’ici 6 mois. Les entreprises du numérique ont dû, comme dans de nombreux secteurs, adapter leur activité avec la mise en place du télétravail (99 % des entreprises y ont eu recours) et de l’activité partielle (71 % des entreprises ont utilisé le dispositif) impliquant une réorganisation du travail quotidien et le déploiement de nouveaux outils. Le groupe Atos a économisé par exemple en gelant des recrutements, en remplaçant des sous-traitants par des ressources internes devenues disponibles, notamment, pour un total de 400 millions d’euros d’économies sur 2020. De son côté, le groupe Econocom a accéléré certaines étapes de son plan de réduction de coûts pour l’adapter le plus rapidement possible à la décroissance de son activité : chômage partiel pour tous les métiers connaissant un ralentissement et baisse de certaines charges de structure amplifiée. Des mesures qui ont permis dès le 1er trimestre d’amortir les effets de l’érosion du chiffre d’affaires de la période et de rester bénéficiaire.

Chez Sopra Steria, le CA du premier trimestre 2020, publié le 24 avril, a été impacté à partir de la mi-mars par la crise sanitaire. Si le CA du trimestre augmente de 3,3 % en croissance organique, sur le mois de mars, l’impact négatif de la crise sanitaire a été « de l’ordre de 10 M€ de chiffre d’affaires », précisait l’ESN à l’époque. Mais globalement, « depuis, le ralentissement continu des économies européennes a entraîné des reports ou des annulations de prestations par certains clients. Ainsi, l’impact anticipé sur le chiffre d’affaires du 2ème trimestre 2020 est plus significatif ». « Pour le 1er semestre 2020, le groupe anticipe une baisse de chiffre d’affaires, à taux de change et périmètre constants, qui pourrait être comprise entre 2 % et 6 % », indiquait Sopra Steria fin avril.

Paul Hermelin

Si le géant informatique français Capgemini a annoncé le 28 avril une progression de 2,3 % du chiffre d’affaires au 1er trimestre 2020 malgré la pandémie, il a renoncé à faire des prévisions pour 2020. Pour Paul Hermelin, le PDG du groupe, et Aiman Ezzat, le directeur général, le deuxième trimestre 2020 sera « difficile, avant un redressement progressif aux troisième et quatrième trimestres ». Cependant, ajoutent-ils, « compte tenu du niveau d’incertitudes, en particulier sur la vitesse à laquelle la demande reprendra suite au déconfinement, le groupe ne peut s’engager à ce stade sur des perspectives pour l’année 2020. » Le géant mondial TCS (filiale de Tata) lui-même, qui emploie plus de 448 000 consultants dans 46 pays à travers le monde a indiqué à la même période : « La résilience sera de mise sur le long terme et ponctuée de défis à court terme », malgré un chiffre d’affaires annuel en progression de 5,3 % par rapport à l’année fiscale 2019.

Une baisse attendue de 25 % sur le deuxième trimestre

A la fin avril, le secteur du numérique anticipait globalement une baisse de chiffre d’affaires de 25 % sur le deuxième trimestre, selon la deuxième édition du baromètre mis en place par Syntec Numérique – les chiffres réels des CA n’étant pas disponibles à l’heure de l’impression du magazine. 81 % des chefs d’entreprise interrogés (vs 74 % première édition) anticipent une baisse de leur chiffre d’affaires prévisionnel sur le deuxième trimestre 2020, en moyenne de 25,1 % (vs 22,9 % première édition). Cette estimation s’explique par plusieurs facteurs selon l’organisation, à commencer par la suspension ou l’annulation de projets démarrés avant la crise. Seuls 60 % des projets sont maintenus actuellement pour les entreprises du numérique. D’autre part, les prévisions de prise de commande jusqu’à juin sont en baisse en raison de la pandémie pour 95 % des répondants.

Selon les résultats d’une étude d’In Extenso Finance & Transmission parue à la mi-mai, 66,7 % des ESN estiment qu’elles vont subir une décroissance en 2020 (“décroissance significative”, “décroissance”, ou “légère décroissance”). 29,9 % des entreprises sondées estiment qu’elles seront “stables” ou en “légère croissance” malgré la crise du Covid-19 dont 37 % des ESN de plus de 10 m€ de chiffre d’affaires (vs. 28 % des ESN de moins de 10 m€ de CA) Les ESN de taille significative sont, à priori, plus confiantes que les ESN de moins de 10 m€ de CA sur l’année 2020.

54,7 % des éditeurs estiment, de leur côté, qu’ils vont subir une décroissance en 2020, étant précisé qu’une majorité estiment qu’il s’agira d’une “légère décroissance”. 41,3% des entreprises sondées estiment qu’elles seront “stables” ou en “légère croissance” malgré tout. Cela s’explique par la récurrence contractuelle ainsi qu’un premier trimestre en croissance. Malgré le contexte, les éditeurs anticipent un “churn” client faible, du moins à court terme.

Redémarrage progressif et croissance dans les 3 ans…

L’élan est cependant de mise. 70 % des chefs d’entreprise ont déjà réfléchi à un plan de relance de leur activité. Et 95 % d’entre eux anticipent une accélération de la transformation numérique pour les entreprises suite à la pandémie. Plus d’un chef d’entreprise sur deux estime toutefois que le redémarrage de l’activité sera progressif et étalé sur plusieurs mois, de septembre à décembre 2020.

A quand le vrai retour à la croissance ? Selon l’étude d’In Extenso Finance & Transmission, 88,9% des ESN sondées estiment qu’elles seront en croissance à horizon de 3 ans. 80 % des ESN de plus de 10 m€ de chiffre d’affaires estiment ainsi qu’elles auront une “croissance” ou “une croissance significative”, contre 61 % des ESN de moins de 10 m€ de CA. Sur trois ans, les éditeurs sont également très majoritairement confiants, 82,7 % des sondés estimant qu’ils seront en croissance à cet horizon. Ceux dont le CA dépasse les 5 m€ sont 90,9 % dans ce cas (vs. 76,2 % des éditeurs de taille inférieure).

Les éditeurs s’attendent néanmoins pour 65,3 % d’entre eux, et majoritairement chez les grands (78,8 %), à une baisse des valorisations du secteur, même si une majorité considère qu’elle sera “légère”. 16 % considèrent au contraire qu’il y aura une hausse et/ou un rebond des valorisations du secteur. Une très grande majorité des ESN, 86,2 %, est plus pessimiste et estime qu’il va y avoir une baisse des valorisations du secteur avec une majorité qui considèrent que celle-ci sera “significative”. Dans le domaine, il n’existe pas de différence de perception selon la taille des entreprises.

Données, Cloud, sécurité, des besoins présents

Mais les entreprises auront besoin des ESN et des éditeurs. Paul Hermelin et Aiman Ezzat indiquent ainsi que Capgemini « peut compter sur la demande dans le digital et le Cloud qui reste soutenue, la technologie prenant une place encore plus prépondérante dans notre société. »

Elie Girard

« Cette nouvelle ère verra une accélération de besoins spécifiques des clients, à savoir les plateformes de données, la cybersécurité, la migration vers le Cloud, le Digital Workplace et la décarbonation », estime Elie Girard, le directeur général d’Atos

« On s’attend à ce que nos clients sécurisent leurs infrastructures Cloud et investissent massivement dans la cybersécurité, pour assurer les nouveaux risques inhérents à l’usage massif du télétravail qui va durer », indique Godefroy de Bentzmann, par ailleurs président de l’ESN Devoteam.

Pour les deux présidents des deux associations de professionnels du numérique, qui ont adressé an mai au gouvernement une liste de 75 propositions, c’est bien la transformation numérique des entreprises qui soutiendra la reprise économique post-Covid.