Les géants du Cloud public, quasiment tous Américains, peuvent remercier les centaines de millions de télétravailleurs confinés pour cause de Covid-19. Le recours massif, et en urgence, aux outils bureautiques et collaboratifs dans le Cloud, a fait bondir leurs résultats financiers au premier trimestre 2020. Toutefois, les dépenses en services IaaS ont progressé un peu moins vite qu’en 2019, une année déjà record pour le Cloud. En outre, 2020 s’annonce compliquée avec le report de nombreux projets IT.
Les Amazon, Apple, Facebook, Google et Microsoft, etc. (Gafam) et certains de leurs challengers ont enregistré au premier trimestre 2020 un net surcroît de commandes provenant des millions d’entreprises et de leurs salariés confinés à cause du Covid-19, surtout en Asie, point d’origine de la contamination au départ. Une bonne nouvelle car comme 2019 avait déjà été une année record pour le Cloud, certains fournisseurs tablaient pour 2020 sur une progression plus modérée de leurs ventes.
Plusieurs cabinets d’études IT confirment l’impact « bénéfique » du confinement forcé des télétravailleurs sur les ventes des géants américains du Cloud et des réseaux sociaux, voire de leurs challengers régionaux. Qu’ils soient en chômage technique ou en « vacances forcées », les individus confinés ont utilisé plus massivement Internet, les réseaux sociaux et les services de communication interactifs dans le Cloud afin de rester connectés – toujours un peu plus – à leurs environnements professionnels ou personnels.
Les dépenses en IaaS progressent un peu moins vite qu’en 2019
Les dépenses en services d’infrastructure dans le Cloud (IaaS) sont restées à un niveau encore très élevé au premier trimestre 2020, alors même qu’elles avaient déjà enregistré une plus forte progression en 2019 (voir tableau). Selon la société d’études Canalys, les ventes mondiales de services IaaS, dans le Cloud public essentiellement, ont augmenté de 34 % par rapport à la même période de 2019 (+ 39 %) pour atteindre 31 milliards de dollars. Sa consœur Synergy partage aussi des chiffres assez proches. Elle estime par exemple que le marché global des services et logiciels IT consommés dans le Cloud public, en croissance de 39 % sur la période, ont atteint 29 milliards de dollars au premier trimestre 2020. Le pourcentage ne tient pas compte de la contribution beaucoup plus faible du Cloud privé hébergé. Leurs prévisions pour le second trimestre 2020 pourraient être encore plus spectaculaires suite à l’allongement dès avril du confinement dans une majorité de pays.
Amazon, Microsoft et Alibaba bénéficient le plus de cette crise
Canalys et Synergy sont tombées d’accord pour affirmer qu’au moins la moitié de la croissance du Cloud public enregistrée au premier trimestre 2020 a été captée par ses deux leaders des services IaaS et SaaS respectivement : Amazon Web Services et Microsoft. AWS, le leader historique des services Cloud délivrant de la puissance de calcul (IaaS) et du stockage (STaaS), a terminé le premier trimestre 2020 en conservant ses 32 % de parts de marché. De même que Microsoft, son principal challenger, qui a maintenu ses positions à 17/18 % grâce notamment au succès de son service d’IaaS public Azure et de sa suite bureautique Office365. Comme en 2019, Google occupe toujours la troisième place avec 8 % de parts de marché selon Synergy (6 % pour Canalys). Mais il est talonné désormais par le BATX chinois Alibaba (6 % selon Canalys), qui a gagné 1 % de part de marché sur la période, sur fonds de pandémie en Asie. Le cinquième fournisseur de ce classement est Salesforce avec 3 %, uniquement grâce à son portefeuille PaaS. IBM et Oracle, deux autres leaders américains du Cloud au plan mondial, et de l’IaaS privé en particulier, ne semblent pas pouvoir entrer dans ce Top 5 à court terme.
Forte progression du chiffre d’affaires trimestriel des leaders du Cloud public
La progression des Gafam est plus impressionnante en termes de chiffres d’affaires. La division Cloud d’Amazon, le leader historique mondial du IaaS public, a réalisé sur la période un chiffre d’affaires trimestriel de 10,22 milliards de dollars, en croissance de 33 % ! Les revenus cloud de Google ont bondi eux de 52 % à 2,77 milliards de dollars au premier trimestre 2020. Quant à Microsoft, son pôle d’activités Productivity and Business Processes (Office 365, Teams, Azure, etc.) a vu son chiffre d’affaires progresser de 15 % à 11,7 milliards de dollars sur son troisième trimestre clos en avril 2020.
Où en sont nos champions français du Cloud ? Ceux que nous avons sollicités n’ont pas été en mesure de nous communiquer des chiffres, ou ils n’ont pas souhaité le faire… Même Orange ne donne plus vraiment de détails financiers sur ses offres Cloud. Dommage. Vive le Cloud souverain.
Produits de communication collaboratifs et d’apprentissage en ligne, jeux vidéo dans le Cloud et e-commerce : les grands gagnants
Tous ces fournisseurs Cloud confirment que les clients ont plébiscité, dans l’urgence, leurs offres d’Infrastructure-as-a-Service (IaaS), leurs logiciels de communication vendus sur abonnement (SaaS), les Plateformes-as-a-Service (PaaS) et les offres de Communication Unifiée dans le Cloud (UcaaS). “Le Cloud public offre une flexibilité et un refuge pour les entreprises qui ont du mal à maintenir des opérations normales“, a déclaré M. Dinsdale, VP de la société d’études Synergy.
Les fournisseurs IT et Cloud qui ont le plus augmenté leurs ventes au premier trimestre 2020 sont ceux qui commercialisent, à destination de toutes les entreprises et de leurs salariés, des produits de communication collaboratifs, de visioconférence, d’apprentissage à distance et des jeux vidéo dans le Cloud. L’un des grands gagnants de ce confinement forcé est Google, qui revendique désormais au moins 6 millions d’utilisateurs payants à G-Suite, sa suite bureautique collaborative en SaaS concurrente d’Office365. D’ailleurs, Microsoft a quant à lui indiqué fin mars que Team, son outil de communication collaboratif, avait déjà enregistré des pics journaliers à 44 millions d’utilisateurs connectés, soit le double par rapport à fin 2019.
« Deux ans de transformation numérique en deux mois seulement » mais gare au reste de l’année
Pragmatique, Satya Nadella, le PDG de Microsoft, pondère l’impact du confinement Covid-19 sur le succès de ses offres Cloud. S’il reconnaît avoir « assisté à deux ans de transformation numérique en seulement deux mois », il estime que « le Covid-19 a eu un impact net minimal sur les revenus totaux de l’entreprise. » Attention, le patron de Microsoft se montre plus pessimiste pour la suite de l’année, et tout particulièrement pour la vente de logiciels et de migrations Windows 10 aux PME, dont beaucoup pourraient déposer le bilan. Et notamment dans les secteurs du voyage, du divertissement en salle, de l’hôtellerie, etc., qui ont baissé leurs dépenses IT car leurs PME ont été touchées de plein fouet par le confinement.
Bien que saluée, cette hausse continue des ventes de produits et services Cloud constitue malgré tout un sujet d’inquiétude pour nombre de fournisseurs IT et Cloud. Sera-t-elle suffisante pour compenser, dans la durée, le ralentissement des migrations IT complexes des (grandes) entreprises, ainsi que le report de certains projets de transformation numérique des processus et infrastructures IT, dans le Cloud notamment ? En effet, les entreprises et les DSI confinées ont interrompu toutes leurs activités informatiques, sauf les plus importantes, à mesure que le confinement progressait. Et celui pourrait durer encore plusieurs semaines…
Auteur : Olivier Bellin