Le secrétaire d’Etat au numérique Cédric O souhaite créer avec la Cnil, le gardien de la vie privée sur Internet, une instance d’évaluation des projets de reconnaissance faciale en France, a-t-il indiqué lundi dans une interview au Monde. Au passage, il tente de désamorcer les fantasmes autour de la reconnaissance faciale de l’application d’identité Alicem.
Cette instance “composée de membres issus de différentes administrations et régulateurs, sous la supervision de chercheurs et de citoyens (…), superviserait et évaluerait” les expérimentations de reconnaissance faciale, a-t-il expliqué. “Il me semble important qu’il y ait une supervision de la société civile car le sujet est trop sensible: l’Etat doit se protéger de lui-même” en la matière, estime notamment le secrétaire d’Etat au numérique.
La reconnaissance faciale a fait d’énormes progrès ces dernières années grâce aux avancées de l’intelligence artificielle. Elle est utilisée massivement en Chine, mais les pays occidentaux sont plus circonspects, en raison des risques qu’elle fait peser sur le respect de la vie privée.
Dans l’interview, M. O se déclare ainsi “extrêmement partagé” sur
l’utilisation de la reconnaissance faciale en temps réel sur des images de vidéo-surveillance. “On voit bien l’utilité, par exemple pour identifier des terroristes dans une foule, mais aussi les risques”, explique-t-il. “Il faut donc en définir très clairement le cadre et les garanties pour éviter la surveillance généralisée.”
Le secrétaire d’Etat se dit favorable à un “débat citoyen” sur le sujet, avec les parlementaires et les élus locaux. “C’est, d’une certaine manière, aux Français de choisir, car les décisions seront lourdes de conséquences”, estime-t-il.
Alicem, “il y a beaucoup de fantasmes”
Le secrétaire d’Etat s’est exprimé alors que le ministère de l’Intérieur
est en train de tester un système de preuve d’identité pour utilisateurs de téléphones mobiles, Alicem, qui repose sur la reconnaissance faciale de l’utilisateur. “Il y a beaucoup de fantasmes” sur cette application, a estimé le secrétaire d’Etat, affirmant qu’il n’y aurait “aucun mécanisme” obligeant les internautes à passer par la reconnaissance faciale.
Pour utiliser le système Alicem, l’utilisateur doit notamment prendre une vidéo de lui même avec son smartphone. Si les images de cette vidéo correspondent avec la photo d’identité sur son passeport biométrique ou son titre de séjour électronique, l’usager obtient son identité Alicem, avec un code secret à 6 chiffres à mémoriser. Il peut ensuite se servir de cette identité Alicem pour accéder à des services numériques, y compris à ceux qui sont bien protégés.
La reconnaissance faciale n’est utilisée qu’une seule fois, au moment d’obtenir le code secret à 6 chiffres, mais n’est plus utilisée ensuite.
Dans un avis rendu en octobre 2018, la Cnil avait critiqué le projet, estimant que les utilisateurs devraient avoir un moyen d’accéder à l’identité numérique Alicem autrement que par ce système de reconnaissance faciale – par exemple en se rendant dans une préfecture pour y être identifiés par un agent.
Alicem est actuellement en test, mais “nous n’ouvrirons pas le test plus largement avant d’avoir eu (les) premiers retours” des députées Paula Forteza et Christine Hennion, “qui ont débuté un travail pour le compte de l’Assemblée nationale” sur ce sujet, a indiqué Cédric O.
Lors d’une table ronde organisée le 10 octobre par eFutura sur l’identité numérique, les intervenants ont déclaré qu’il était important qu’une application mobile d’identité soit proposée, tout en rappelant le caractère non obligatoire de cette reconnaissance faciale.