Solutions Numériques a rencontré Ciaran Forde, directeur des marchés datacenter et informatique d’Eaton, à l’occasion de l’événement Datacloud à Monaco. Le responsable invite à repenser le réseau d’énergie de façon plus globale.
Pourquoi lancez-vous une campagne invitant les entreprises à transformer leur réseau d’alimentation énergétique ?
Nous cherchons à encourager nos clients et prospects à repenser l’attitude traditionnelle vis à vis de l’infrastructure électrique du datacenter. Ils adoptent souvent une vision produits, centrée sur les commutateurs des armoires réseaux ou sur les onduleurs du centre de données. Nous leur recommandons d’adopter dorénavant une vue réseau de l’ensemble de la chaîne d’énergie. Le réseau d’énergie est au cœur de l’efficacité du datacenter, de sa résilience, de son économie, de son niveau de disponibilité et de sa sécurité. Une approche d’ingénierie système devient donc nécessaire pour que ce réseau fonctionne de façon stable, correcte et continue.
Par quel service démarrez-vous cette initiative, un audit de l’existant ?
Nous pouvons faire un état de santé du réseau électrique sur l’ensemble du site. Nos équipes contribuent à valider des schémas de conception, à établir des diagnostics selon les alarmes et à préconiser aux ingénieurs du terrain des optimisations possibles sur plan. Nous travaillons aussi sur le thème de la transformation du réseau d’alimentation énergétique vers le niveau suivant car nous croyons que les batteries d’onduleurs peuvent fournir une réserve d’énergie et soutenir une grille locale ou nationale, tout en conservant un rôle d’alimentation de secours en cas de coupure.
Est-ce une transformation peu coûteuse du datacenter ?
Oui, puisqu’il s’agit d’une simple mise à jour de firmware pour participer à une grille d’énergie. Les onduleurs Eaton disposent d’un rectificateur bidirectionnel intégré, depuis 2014. En activant cette fonction, vous pouvez stabiliser une grille d’énergie et lui fournir de plus en plus d’énergie renouvelable.
Avec un retour sur investissement rapide ?
Absolument, par exemple nous travaillons avec des sociétés comme NLX qui agrège les sources d’énergie et négocie avec les compagnies de grilles nationales. A notre siège de Dublin, nous avons connecté notre infrastructure au grid d’Irlande, avec cette relation bilatérale activée à plusieurs reprises. La fréquence en réponse de nos onduleurs bénéficie immédiatement au grid, que l’on rend plus green. Déjà composée à 30% d’énergies renouvelables, la grille d’Irlande pourrait afficher 60% à 70% d’énergies renouvelables avec la participation de plusieurs grandes infrastructures telles que la nôtre.
Et sur le continent européen ?
Le défi est plus difficile sur le continent car la grille est interconnectée avec de grands investissements consentis en carburants fossiles et en énergie nucléaire. Néanmoins, les pays nordiques pourraient être les premiers à adopter l’UPS en réserve d’énergie. La taille de leurs grilles apporte déjà une stabilisation, mais il existe des poches où ce serait possible. A mesure que les marchés évoluent, avec diverses formes d’énergie disponibles, il devient important de se poser la question : que puis-je faire concrètement au-delà des « discours green » ? Nous contribuons concrètement, en tant qu’acteur de l’industrie électrique, à rendre la grille d’énergie plus verte. Et, en participant à des projets de recherche européens avec l’EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne) par exemple, nous cherchons constamment de nouvelles façons d’exprimer au marché nos valeurs de développement durables tout en améliorant nos solutions et nos technologies.
Auteur : Olivier Bouzereau