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Partage d’expérience – Comment Bouygues Travaux Publics connecte ses tunneliers au Big Data

L’équipe Tunnel Lab de Bouygues TP a dévoilé le 6 novembre, lors de l’événement Microsoft experiences18, les premiers résultats de ses travaux visant à améliorer la productivité et la sécurité de ses tunneliers. Une application unique du Big Data et de l’IoT.

L’édition 2018 de Microsoft experiences a été l’occasion de découvrir un projet d’innovation étonnant mené par Bouygues Travaux Publics : Tunnel Lab. Une équipe créée suite à une initiative de la direction générale avait réuni il y a quelques années tous ses experts en forage de tunnel afin de faire émerger des idées pour améliorer l’exploitation de tunnelier. Parmi les 30 idées qui ont émergé de ce travail de réflexion, 3 étaient des sujets Big Data : aide au pilotage du tunnelier, amélioration de la sécurité du forage et maintenance prédictive. C’est pour développer les modèles prédictifs que Tunnel Lab a mis en place un Data Lake et fait travailler des Data Scientists sur les données générées par les tunneliers.

Améliorer la productivité d’un tunnelier qui est à l’arrêt 50 % du temps
Microsoft experiences18 : Nicolas Braud, responsable de Tunnel Lab – Bouygues Travaux Publics, sur scène expliquant l’ulisation du Big Data pour forer les tunnels.

Comme l’a souligné Nicolas Braud, responsable de Tunnel Lab au sein de la direction d’optimisation industrielle de Bouygues Travaux Publics, un tunnelier ne fonctionne que 50 % du temps. 25 % est passé à attendre la livraison des matériaux, les voussoirs qui sont plaqués sur les parois du tunnel ainsi que les consommables nécessaires à son fonctionnement. Dans 25 % du temps, le tunnelier est en panne car ces machines sont colossales. « Il faut voir le tunnelier comme une usine mobile, de 100 mètres de long, de 14 mètres de hauteur avec des moteurs électriques, de l’hydraulique, de la pneumatique pour une puissance totale de 5 MW, soit 5 fois la puissance d’un datacenter et autant pour l’usine de traitement des boues. » Pouvoir réaliser la maintenance prédictive du tunnelier pourrait permettre de réduire les périodes d’indisponibilité du tunnelier : « Détecter une panne à l’avance va permettre de mobiliser un électricien s’il s’agit d’une panne électrique et le guider vers l’endroit où va survenir la panne, lui indiquer le type de panne à laquelle il doit s’attendre. L’idée est de pouvoir réparer au moment de la pose d’un anneau. Le tunnelier est alors à l’arrêt pendant une heure et on peut ainsi réparer en temps masqué. » En outre, des progrès peuvent être réalisés sur la logistique car si un tunnelier est une usine mobile, sa logistique doit en permanence s’adapter et assurer les livraisons de voussoirs, tuyaux, graisses, fluides hydrauliques alors que le tunnelier progresse dans le tunnel et s’éloigne de sa base. La donnée doit permettre d’optimiser cette logistique extrêmement complexe, mais aussi augmenter la sécurité du chantier car le tunnelier évacue 2 000 à 3 000 m3 de boues par heure, ce qui peut déstabiliser le terrain et créer des éboulements devant le front de taille du tunnelier.

Une plateforme Big Data bâtie sur Microsoft Azure

Si Bouygues TP avait identifié de multiples cas d’usage du Big Data pour ses tunneliers, le Tunnel Lab devait bâtir une infrastructure encore inédite chez Bouygues Travaux Publics : « Nous sommes arrivés il y a deux ans chez Bouygues Travaux Publics pour créer cette activité, sachant que les informaticiens ne connaissaient pas les technologies Big Data », explique Nicolas Janicaud, chef de groupe au Tunnel Lab : « Nous devions partir de zéro pour rapidement disposer d’une plateforme qui nous permette de couvrir ces enjeux. » Pour Nicolas Janicaud comme pour Nicolas Braud, tous deux venus de TF1, ceux-ci vont découvrir le monde des travaux publics et des tunneliers, un monde d’ingénieurs ultrapointus mais pas très au fait du Big Data : « Quand nous avons démarré, nous pouvions nous appuyer sur 10 années de données de chantier, des disques durs avec des données de bonne qualité issues des 2 000 à 3 000 capteurs dont sont équipés en moyennes nos tunneliers, des données remontées toutes les secondes. »

L’équipe Tunnel Lab a dû lire ces disques durs un par un, avec des formats de fichiers propriétaires de chaque fournisseur, convertir ces données et connecter les sources de données pour remonter en quelques secondes les données des tunneliers en fonctionnement dans le Data Lake. Pour aller vite, l’équipe projet décide de créer ce Data Lake sur Microsoft Azure. De novembre 2016 à mai 2017, l’équipe travaille sur la collecte des données puis le travail sur les algorithmes peut démarrer sur un bac à sable “Data Science” jusqu’en octobre avant de basculer dans une approche Cluster as a service jusqu’en juin 2018, puis la version 1 de la plateforme Data définitive. Nicolas Braud explique : « Nous avons beaucoup tâtonné et au bout de 18 mois obtenu un premier algorithme qui a donné d’excellents résultats. Notre plus grosse difficulté a été de trouver un data scientist capable de parler avec les tunneliers, un ingénieur hydraulicien, un directeur tunnel. Nous avons pu trouver deux très bons data scientists, une géophysicienne et un géologue, capables de modéliser le comportement du terrain. »

Premier bilan positif pour la plateforme 

Pour le responsable de Tunnel Lab, le premier résultat positif a été de rendre toutes les données historiques des tunneliers enfin disponibles. « Rien que le fait de mettre à disposition toutes les données sur une plateforme Big Data avec des API pour exposer ces données est un gain pour les équipes méthodes qui recherchent un retour d’expérience sur telle ou telle géologie de terrain. » Autre gain attendu de cette analyse des données, aller plus vite dans le percement des tunnels. « Nous avons développé un indicateur qui permet au pilote de tunnelier de savoir quelle énergie le tunnelier met réellement en œuvre pour percer le sol. Aujourd’hui, c’est par son expérience que le pilote sait que le tunnelier est en train de forcer ou pas. Nous avons développé l’équivalent du compte-tour du tunnelier, un indicateur qui donne au pilote le pouls de sa machine, ce qui n’a rien d’évident pour un tunnelier qui compte 15 moteurs électriques, des pompes hydrauliques de 350 CV, de la pneumatique omniprésente. » Alors que le pilote de tunnelier conduit la machine avec une dizaine d’écrans, un indicateur synthétique va simplifier son travail sachant qu’avec les travaux du Grand Paris, les pilotes d’expérience manquent et qu’une soixantaine de pilotes sont en cours de formation.

Les tunneliers sont connectés en fibre optique et alimentent en temps réel les algorithmes calculant cet indicateur. Actuellement, Bouygues TP gère 6 To de données mais les volumes devraient s’envoler rapidement. En 2019, le rythme de collecte des données va être multiplié par 5. Ainsi, sur le prochain chantier de prolongation du RER E vers La Défense, la collecte de données va passer de 2 000 à 10 000 données par seconde, et de nouveaux capteurs vont être installés sur le tunnelier afin d’élargir les types de données collectées et permettre le développement de nouveaux algorithmes. Des usages inédits qui devraient s’améliorer et se répandre au fil du temps.

 

Auteur : Alain Clapaud