Accueil Juridique Procès – Saisie d’e-mails à l’étranger, “un acte extraterritorial interdit” selon Microsoft

Procès – Saisie d’e-mails à l’étranger, “un acte extraterritorial interdit” selon Microsoft

Les autorités américaines peuvent-elles forcer Microsoft à leur remettre des emails stockés sur un serveur situé hors des Etats-Unis. L’audience du géant américain devant les neuf plus hauts magistrats des Etats-Unis a montré une Cour suprême perplexe et divisée sur le sujet.

Les vénérables sages, parmi lesquels deux octogénaires, ont effectué une plongée dans le numérique, univers qu’ils donnent parfois l’impression de découvrir. “Ces emails sont stockés en Irlande et la DEA (agence fédérale antidrogue, NDRL) veut nous forcer à aller les chercher“, a dénoncé Joshua Rosenkranz,l’avocat de Microsoft. “Il s’agit d’un acte extraterritorial interdit“, a-t-il ajouté, affirmant que la loi en vigueur, le Stored Communications Act (SCA) s’appliquait aux perquisitions sur le territoire américain. L’avocat du gouvernement, Michael Dreeben, a défendu une position différente, rejetant la notion de “saisie” effectuée à l’étranger.

E-mail: immatériel ou pas ? 

L’injonction judiciaire impose à Microsoft de divulguer les emails sous son contrôle, où qu’ils soient, un acte que peut réaliser depuis les Etats-Unis un technicien devant son écran, a expliqué M. Dreeben. La loi SCA, a-t-il plaidé, “se focalise sur la divulgation et non le stockage“. Le juge conservateur Samuel Alito a été sensible à cet argument, s’inquiétant du fait qu’on puisse facilement déplacer des emails d’un serveur à un autre, compliquant les enquêtes policières.
Ces emails ont une présence physique“, a rétorqué M. Rosenkranz. “Ils
n’existent qu’en Irlande“. “On peut aussi déplacer des lettres en papier”, a-t-il poursuivi.
Face à ce casse-tête, la magistrate progressiste Sonia Sotomayor a suggéré d’attendre que le Congrès vote le “Cloud Act”, une loi en discussion censée rénover le Stored Communications Act, adopté en 1986 et aujourd’hui dépassé. Ce débat est suivi de près par deux camps qui se méfient l’un de l’autre: d’un côté se trouvent les partisans de l’intérêt supérieur des enquêtes, de l’autre les firmes technologiques soucieuses de protéger la vie privée de leurs clients.
Pour le ministère américain de la Justice, “des centaines voire des milliers d’enquêtes pénales” sont en jeu. Le dossier soulève également le risque de “créer des problèmes internationaux” avec des pays jaloux de leur souveraineté, a averti la juge Sotomayor.
Microsoft se défend de traîner les pieds quand sa coopération est demandée
dans les enquêtes. Après l’attaque contre Charlie Hebdo en janvier 2015, la société assure avoir répondu en 45 minutes à une demande des autorités françaises. Un délai tombé à 30 minutes après l’attentat de Westminster en mars 2017 à Londres.
La Cour suprême américaine rendra sa décision d’ici fin juin.

 

Auteur : La Rédaction avec AFP/Sébastien Blanc