La blockchain est un sujet majeur qui est passé d’un système de paiement alternatif sous la forme de Bitcoin par exemple à un concept qui, selon les experts, pourrait bouleverser l’ensemble du paysage informatique. Mais la blockchain est-elle un remède universel pour améliorer l’efficacité (coût), la sécurité et l’autonomie ? Comment les possibles nouvelles applications affectent-elles l’ECM et les services de gestion de contenu ?
Qu’est-ce que la blockchain ?
Selon Wikipedia, la blockchain est une base de données distribuée transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle. Par extension, une chaîne de blocs est une base de données distribuée qui gère une liste d’enregistrements protégés contre la falsification ou la modification par les nœuds de stockage. Une blockchain est donc un registre distribué et sécurisé de toutes les transactions effectuées depuis le démarrage du système réparti. Initialement implantée comme le noyau de bitcoin, la blockchain voit désormais plusieurs cas d’utilisation possibles, par exemple autour de la gestion des documents. À titre d’exemple, le registre foncier suédois l’utilise pour les enregistrements fonciers. Ici, toutes les étapes du contrat entre l’acheteur et le vendeur sont réalisées et enregistrées dans la blockchain.
ECM et blockchain
Bien que la Blockchain publique soit considérée comme un écosystème autonome hautement sécurisé, ses deux paradigmes essentiels – à savoir l’absence d’autorité centrale et la (pseudo) anonymisation – peuvent entraver de manière significative les principes de bonne gestion de l’entreprise. Étant donné que l’ECM se positionne comme une solution stratégique pour gérer les documents d’entreprise, cette technologie doit pouvoir se conformer aux exigences des législations actuelles et futures, comme par exemple à celles du récent RGPD.
En général, ECM et blockchain suivent deux approches tout à fait différentes, non seulement sur le plan technologique, mais aussi sur les principes de gouvernance propres aux entreprises :
1. Traçabilité par rapport à l’anonymat
Un système ECM est basé sur la traçabilité et l’accès à une piste d’audit pour se conformer aux règles et à la législation de l’entreprise. Dans un système basé sur l’anonymat, les données sont censées être protégées par cet anonymat. Dans une blockchain, les blocs enregistrés avec leurs transactions sont traçables, mais ils ne peuvent être attribués à un individu… De plus, les blockchains publiques ne permettent pas la suppression ou la modification des blocs, ce qui en fait un système rigide où de nouvelles informations doivent être stockées dans de nouveaux blocs. Les blockchains privées peuvent résoudre ce problème en atténuant notamment les notions d’anonymat.
Au niveau des obligations légales, elles exigent un « original » immuable que la blockchain peut fournir. Mais une fois qu’il s’agit d’éditer ou de supprimer du contenu, le concept de blockchain n’est pas capable de reproduire ces actions. Les nouvelles informations sont stockées dans de nouveaux blocs qui étendent la chaîne. Le cas échéant, le bloc prédécesseur doit être réclamé en mode peer-to-peer. L’ensemble constitue un processus consommateur d’énergie.
2. Sécurité des données
À l’origine, le concept de blockchain repose sur une approche ouverte et publique avec une vérification peer-to-peer, ce qui signifie que les blockchains publiques sont complètement ouvertes et accessibles. Leur valeur provient de la multitude de parties impliquées dans le processus de vérification. Dans le concept d’ECM, la sécurité et la confidentialité des données sont fondamentales. L’ECM réduit les risques de fuite de données au maximum, en gardant toutes les données sensibles à l’intérieur de l’entreprise. C’est pourquoi, la majorité des installations ECM fonctionnent encore sur site et non dans le Cloud. Comme la blockchain est un concept nouveau et différent, il est probablement trop tôt pour envisager son adoption à grande échelle. En ce qui concerne la sécurité et la confidentialité, les blockchains privées se sont développées ces dernières années. Elles sont proposées avec des « fonctionnalités additionnelles », comme les autorisations d’accès et les restrictions, et permettent aux administrateurs de modifier la chaîne directement. C’est peut-être l’avenir des blockchains couramment utilisées.
3. Administration centralisée vs distribuée
En utilisant des solutions de gestion de contenu, les entreprises recherchent la sécurité des données, la conformité et la souveraineté. Cela va de pair avec une administration centrale et interne de la solution et de ses utilisateurs. La blockchain s’accompagne d’un concept complètement différent : toute validation ou confirmation des transactions se fait via des dispositifs distribués et de manière automatisée. La gestion des utilisateurs telle que nous la connaissons n’est fondamentalement pas possible, car les transactions ne sont pas connectées à des profils d’utilisateurs individuels.
4. Montée en charge
La façon de valider les transactions dans une blockchain est basée sur la « preuve de travail », où les nœuds du réseau entrent en concurrence pour valider un bloc. Il s’agit d’un mode de travail extensif – dont le résultat consiste à condenser des blocs dans une chaîne séquentielle – qui doit démontrer sa capacité à monter en charge. Tous les systèmes ECM modernes permettent de traiter rapidement les fichiers et les données. La confirmation que le contenu a été déposé, mis à jour ou supprimé, est à portée de main.
La blockchain change-t-elle l’essence même de l’ECM ?
Certains comparent l’impact de la blockchain à celui d’Internet quand il est apparu. C’est tout à fait possible, car il s’agit d’un tout nouveau point de vue sur la technologie. Comme l’Internet – avant qu’il ne devienne courant – le concept de blockchain semble difficile à saisir. Cependant, certains cas d’utilisation apparaissent et offrent un aperçu de son avenir. Mais ces cas d’utilisation sont-ils pertinents ou révolutionnaires vis-à-vis de l’ECM ? Et si oui, est-ce que tout le monde est concerné ?
La blockchain est donc un concept révolutionnaire qui fera probablement évoluer les solutions du marché. Les cas d’usage de l’ECM en seront diversement affectés.
À titre d’exemple, les acteurs de la logistique ou de l’industrie de l’assurance peuvent intégrer la blockchain aux modèles existants pour créer plus de valeur. Et bien que la blockchain ne respecte pas actuellement de nombreuses exigences de gestion de contenu d’entreprise, l’ECM pourrait à terme en exploiter les concepts pour apporter à ses utilisateurs un ensemble de services complémentaires tout en restant conforme aux exigences réglementaires.
Une vision d’une plateforme ECM complétée par la blockchain pourrait intégrer les éléments suivants :
Un système conforme et sécurisé de “profils” avec des profils (pseudo) anonymisés, verifiés et auto-administrés pour les employés, les clients et les fournisseurs, où les données sont protégées et les acteurs – particuliers ou entreprises – habilités.
Une approche avec des politiques d’édition et de suppression plus souples lorsque cela s’avère nécessaire pour se conformer aux règles internes et à la législation.
Tout cela peut améliorer les services de gestion de contenu existants et créer un système plus efficace, convivial et sécurisé. N’oublions pas que la force d’une solution ECM est sa capacité à s’intégrer à d’autres applications…
Olivier Berckmans, Country Manager de SER Solutions France