Corinne Estève Diemunsch, Directrice Marketing & Communication chez Limonetik
Même si de nombreux experts s’accordent à dire qu’aujourd’hui déjà, le paiement en espèces sonnantes et trébuchantes devient de plus en plus obsolète, d’autres et non des moindres, comme la Bank of Scotland, insistent sur la complémentarité de nos pièces et billets avec nos autres moyens de paiement, les plus originaux inclus.
La période enfantine des moyens de paiement est derrière nous ? Pas du tout. Les voici, pour ceux que nous connaissons, en pleine adolescence, prêts à conquérir le monde sans aucune barrière, ni frontière, ni préjugé, ni complexe. Ne vous y trompez pas, le Baby Boom des moyens de paiement n’est pas terminé. Nous risquons encore de perdre quelques billets tombés de nos poches ou d’alourdir nos sacs avec des piécettes devenues parfois bien encombrantes.
Il est clair que nos générations ont assisté à une évolution majeure dans le domaine des modes de paiement avec les systèmes NFC, les portefeuilles électroniques, le paiement en un clic, mobile, etc. Mais innovantes, disruptives ou pragmatiques, les nouvelles méthodes pour acquérir des biens ou acheter des services poursuivront leur révolte et continueront de déferler sur notre société de consommation encore quelques temps. L’enjeu des Fintech du paiement est d’autant plus important qu’il constitue l’une des bases même de l’avenir de notre société.
Limonetik s’est penché sur ce sujet avec quatre de ses partenaires, Cofidis Retail, EBRC, Webhelp et Computop. Et c’est à l’occasion de sa soirée biannuelle, Meet The Payments, que plusieurs experts ont pu s’exprimer sur l’avenir du paiement en 2050 et au-delà.
Des scénarii insolites
Chez Webhelp par exemple, Dominique Chatelin, imagine trois scénarii possibles. Les deux premiers, très créatifs, consisteraient à éliminer définitivement les monnaies. La vie serait monétisée et financée par la publicité. Le second scénario catastrophe consisterait à remplacer les moyens de paiement par des coquillages ou des graines ; ce serait alors l’ère du Seedcoin. Quitte à migrer vers une autre planète ! Le troisième scénario est le plus plausible pour les esprits les plus conservateurs. Il s’agirait d’une évolution de la situation actuelle. Dans ce cas de figure, le paiement pourrait se faire en un clin d’œil avec l’invention par un nouvel entrant d’un implant rétinien de paiement connecté directement au système nerveux central de l’humain (vous !).
Cependant, la première hypothèse de Dominique Chatelin est reprise par Laurent Nizri, Président d’Alteir Consulting, créateur du Paris Fintech Forum et Président de la commission paiements de l’ACSEL. Pour lui, le plus logique serait de développer les services, type Uber, qui intègrent l’étape de paiement directement dans l’acte d’achat et, in fine, dans tout acte de la vie quotidienne. C’est le « payment inside » : plus pratique et plus simple. Le client n’a plus à s’inquiéter du règlement de la prestation par clic, par Smartphone ou via tout autre procédé. Celui-ci est inclus dans le processus même d’expérience client et devient transparent. Gommée la douleur du passage à la « caisse » !
Angelo CACY, Consultant Senior de SYRTALS-CARDS, donne encore plus de crédit à la thèse de Dominique Chatelin. Selon lui, en 2050 notre civilisation sera à l’apogée de technologies comme l’intelligence artificielle, le machine learning ou encore le Big data. La logique voudrait donc que l’on puisse régler ses achats simplement en présentant sa paume de main, voire par la pensée ou même par anticipation. Tout sera plus simple et plus fluide qu’aujourd’hui.
Le mobile aurait des atouts pour conserver sa place dans les moyens de paiement du futur
Selon Régis Bouyala de Pémance, le premier enjeu des moyens de paiement restera l’expérience utilisateur. Pour lui l’avenir s’inscrit dans l’usage étendu des Smartphones. Aussi évolués soient-ils, ils demeureront le mode de paiement universelle. Leurs progrès techniques se feront évidement de manière progressive selon Pierre-Antoine Vacheron du groupe Ingenico. La question sera de connaitre les méthodes et les délais d’adaptation des particuliers comme des professionnels pour faciliter le paiement, tout en gardant sa transparence.
Moyens de paiement, les cyber-risques en question !
Peu importe finalement les moyens de paiement, déclare Pierre-Henry Savoye, auteur du Blog BanqueLab. Selon lui, les paiements sont liés à la démographie de notre planète ; il est donc évident que les transactions vont croitre de manière considérable tirées par l’explosion de la Chine. Reste le problème majeur de la fraude. Pour Laurent Dhaeyer de Secure Trading, la prolifération des moyens de paiement et des données qui leur sont attachées représente un enjeu clé. Les data éparpillées et stockées un peu partout seront une cible de choix pour les hackers. Une bataille incessante aura lieu entre les cyber-pirates qui tenteront de tirer parti de la situation et ceux qui tenteront de protéger les données. Selon lui, le cœur de l’enjeu réside dans l’évolution des processus de Backoffice qui devront connaitre des évolutions significatives. Pierre-Antoine Vacheron insiste également sur ce point et précise l’importance de la sécurité des données quel que soit le moyen de paiement. Laurent Nizri pointe de son côté l’importance du rôle des régulateurs et des associations de protection des consommateurs.
Si chez un être humain la transition entre 2 étapes de sa vie (adolescent à adulte actif, célibataire à vie de famille, adulte actif à retraité…) est souvent délicate et dure de 6 mois à 2 ans, chez nos amis les moyens de paiement, ruptures, changements, repères perdus… ne lambinent pas. Vous l’aurez compris, nous sommes loin de la période de sagesse qui frappera peut être un jour le domaine ; le Botox n’est pas prêt d’intéresser nos moyens de paiement. Vieilliront-ils ou seront-ils balayés par un bon coup de mistral ? Une chose est sûre, grands sont les risques que les moyens de paiement que l’on connait actuellement soient obsolètes à un horizon de 30 ans. Le monde connu des moyens de paiement disparaitra-t-il entièrement pour laisser place à une cyber-société, digne des meilleurs films de science-fiction. La question reste bien ouverte.