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Entre métiers du numérique et numérisation des métiers, l’innovation au service de l’emploi (tribune)

L’impact du numérique sur l’emploi va s’accélérer, à la faveur des prochaines innovations technologiques et des nouveaux usages qui en découleront. Les avancées majeures en matière d’intelligence artificielle faible, pour ne citer qu’elles, présagent par exemple un bouleversement, à moyen terme, de l’industrie automobile et des métiers du transport. Entre métiers du numérique et numérisation des métiers, l’innovation au service de l’emploi : voici une tribune signée par Claude Molly-Mitton, président de l’USF, l’association des utilisateurs francophones des solutions SAP.

Crieur public, opérateur téléphonique, mécanographe, speakerine… Autant de professions disparues au siècle dernier, sous la pression des nouveaux moyens de communication. Et autant de métiers qui ont laissé leur place à tant d’autres qui n’existaient pas auparavant.
Cette période de transition, nous la revivons aujourd’hui, alors que le virage de la nouvelle économie nous oblige à nouveau à une restructuration majeure des compétences, des ressources et de l’organisation même du travail. De quoi nous interroger sur le lien entre innovation et emploi, entre menace et opportunité.

La peur du progrès technologique destructeur d’emplois

La peur n’évite pas le danger, et quand on parle de la révolution numérique que nous traversons, cela ne fait aucun doute : les plus grands impacts sur les sociétés, comme sur la société, restent à venir. Nous n’avons donc pas d’autre choix que l’assimilation de ce nouveau paradigme.
Bien sûr, force est de constater que certains métiers sont largement menacés par la digitalisation de l’économie. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à regarder la révolution du secteur du tourisme ces dernières années, et la difficulté, pour les agences de tourisme traditionnelles, à maintenir leur activité et leur modèle économique face aux pure players du web et à la mondialisation de l’offre.
Et évidemment, l’impact du numérique sur l’emploi va s’accélérer, à la faveur des prochaines innovations technologiques et des nouveaux usages qui en découleront. Les avancées majeures en matière d’intelligence artificielle faible, pour ne citer qu’elles, présagent par exemple un bouleversement, à moyen terme, de l’industrie automobile et des métiers du transport.

Mais restons pragmatiques !

Le robot domestique qui remplace les services à la personne, l’humanoïde « professeur », ou même le « Robocop » soldat, ce n’est pas pour demain. Et le poinçonneur des Lilas a beau avoir disparu depuis bien longtemps, les transports parisiens n’emploient pour autant pas moins de personnel.
Car, dans le même temps, de nouvelles professions voient le jour. Dans le secteur informatique par exemple, on découvre chaque année de nouveaux métiers : Community Manager, Chief Data Officer, Data Scientist, Data Analyst, Big Data Architect… Des compétences stratégiques pour les entreprises, qui recherchent et valorisent ces nouveaux profils.
Et n’en déplaise aux sceptiques, ces nouveaux métiers ne concernent pas que les cadres du numérique. Preuves en sont les professionnels de l’environnement, que ce soit pour la dépollution de sites pollués ou les énergies renouvelables ; les activités de loisirs, toujours en plein boum, ou même les services à la personne et d’aide à domicile, qui pourraient, selon certaines études, être les plus créateurs d’emplois dans les 10 ans à venir.
Autre exemple bien connu, celui d’Uber : il s’agit d’une illustration concrète de la façon dont la technologie, en l’occurrence une application qui connecte en temps réel l’offre et la demande, peut créer de l’emploi, à savoir les millions de chauffeurs à travers le monde, qui tirent leur activité professionnelle de la plateforme.
La révolution numérique, que beaucoup baptisent de 4ème révolution industrielle, pourrait alors être une opportunité majeure de créer de l’emploi et ainsi de concrétiser, une nouvelle fois, la célèbre « destruction créatrice » de Joseph Schumpeter. Théorie élaborée pendant la 2nde révolution industrielle, selon laquelle tout progrès, toute innovation technologique majeure, par essence discontinue, se traduit au final par un solde positif en matière d’emplois. Et ce même si elle en détruit initialement.

L’agilité : notre plus grand défi

Si l’équation « innovation – emploi » est au final positive, elle nécessite cependant une souplesse et une agilité qui constituent, aujourd’hui, nos vrais défis, individuels et collectifs.
Cela implique, en tout premier lieu, de faire évoluer les compétences et les missions au sein des métiers, afin d’utiliser les nouveaux usages numériques pour améliorer les performances de chacun. Un exercice complexe mais déjà
largement entamé. Comme, par exemple, dans les métiers de la maintenance industrielle, où certains techniciens utilisent désormais la réalité augmentée sur des tablettes connectées au système d’information pour établir, en direct depuis les chaînes de production, les diagnostics des machines, et ainsi anticiper les pannes et les changements de pièces.
Cela nécessite, par ailleurs, de modifier les modes de management à l’intérieur de l’organisation, pour passer d’entreprises ultra-hiérarchisées, comme le préconisaient les modèles industriels japonais des années 80, aux nouveaux modèles collaboratifs de « flat organisation ». Des modèles qui décloisonnent l’entreprise et impliquent l’ensemble des salariés dans les processus d’innovation et de décision, en mode projet, avec très peu de niveaux hiérarchiques, selon les modèles culturels des start-ups ou des champions de la Silicone Valley. Autant dire ici que la majorité de nos grandes entreprises – et ne parlons même pas de nos administrations – en sont à des années-lumière.
Enfin, ultime effort, et non des moindres, cela rend indispensable de repenser l’organisation du travail, construite depuis 150 ans autour d’un modèle salarial qui semble ne plus systématiquement répondre aux enjeux de notre temps. Et à regarder le nombre croissant d’autoentrepreneurs dans l’artisanat, ou de consultants dans les métiers de service, les technologies numériques sont également des vecteurs d’externalisation du travail salarié vers le travail indépendant.
La nouvelle économie numérique n’ayant de limite que notre imagination, bien heureux celui qui pourrait aujourd’hui deviner l’impact réel qu’auront, à long terme, les mutations actuelles sur l’emploi, alors même que 60 % des métiers qui seraient exploités en 2030 n’existent pas encore selon beaucoup**. Une chose est sûre : la technologie « pour la technologie » n’intéresse plus personne, et seuls comptent, pour les individus comme pour nos organisations, les nouveaux usages, créateurs de nouvelles compétences et de nouvelle valeur.

** Livre-blanc Adecco novembre 2016