Par Antoine Chéron, avocat associé, www.acbm-avocats.com
C’est une bien mauvaise nouvelle pour les couche-tards d’Ile de France qui vient d’être annoncée puisque l’application Heetch fait l’objet d’une suspension provisoire. Depuis plusieurs mois, et après que des centaines de taxis aient revendiqué leur qualité de partie civile à l’ouverture du procès, le verdict est finalement tombé ce jeudi 2 mars.
En effet, cette suspension fait directement suite à la condamnation de la start-up et de ses fondateurs par le Tribunal correctionnel de Paris au paiement de 441 000 euros en réparation du préjudice moral subi par les taxis, sans compter 91 000 euros au titre des frais de justice, soit plus d’un demi-million d’euros !
Une condamnation moins sévère au pénal
Ils ont été reconnus complices de l’exercice illégal de la profession de taxi, leur activité serait une pratique commerciale trompeuse et ils organiseraient enfin illégalement un système de mise en relation de clients avec des chauffeurs non professionnels.
Or, les amendes pénales s’élèvent à 200 000 euros pour la société, dont 150 000 avec sursis. Les dirigeants Teddy Pellerin et Mathieu Jacob ont respectivement écopés d’une amende de 10 000 euros dont 5 000 avec sursis. Autrement dit, suspendre l’exploitation de l’application devrait leur permettre d’économiser au total 160 000 euros, et ils ne devront verser « que » 60 000 euros d’amende au titre de leur condamnation pénale.
Le préjudice moral des taxis largement admis
En revanche, la somme de 441 000 euros en réparation de « la précarisation et [du] développement d’un sentiment d’angoisse des taxis » augmentée de 91 000 euros en remboursement des frais de justice revêt un caractère punitif pour cette jeune start-up française. Or, il reste assez rare d’observer une telle indemnisation pour préjudice moral, et non matériel ou corporel, dans la pratique judiciaire des tribunaux français.
Toutefois, si les taxis ont gagné une bataille, la guerre n’est pas terminée puisque les fondateurs de Heetch pourraient faire appel de cette décision. En tout état de cause, ils ne sont pas les seuls perdants puisque l’ensemble de la communauté des utilisateurs de Heetch devront à nouveau faire appel aux services de Uber, des Taxis bien plus chers, ou des Noctiliens, bien plus longs.
En conclusion, le contentieux opposant les taxis aux nouveaux acteurs du marché, d’abord Uber et ses « UberPop » et aujourd’hui Heetch, met en lumière les limites légales à l’ubérisation et au développement de l’économie collaborative. Dans un contexte éminament politique d’élections présidentielles, cette affaire pourrait bien catalyser une modification de la loi Thévenoud de 2014.