Accueil Les ESN se réinventent avec les métiers

Les ESN se réinventent avec les métiers

Une ESN qui conçoit un drone inventoriste ? L'Eyesee d'Hardis est l'illustration des conséquences parfois inattendues de la transformation numérique des entreprises.

Face à des entreprises qui doivent faire preuve de plus d’agilité, revoir leur expérience clients tout en abaissant leurs coûts, les ESN doivent se réinventer. Nouvelles organisations, nouvelles méthodes de travail, celles que l’on appelait les SSII doivent désormais travailler pour et avec les métiers. Une véritable révolution pour certaines.

 

L’heure est à la transformation numérique des entreprises. Tous les grands comptes du CAC40 ont désormais engagé cette transformation et les PME y viennent à leur tour. Un défi de taille pour les ESN jusqu’ici habituées à ne traiter qu’avec les directions informatiques pour des contrats de TMA pluriannuels ou de longs projets de développement. Les ESN doivent désormais passer à un rôle de conseiller en technologies, mais doivent aussi s’engager dans des démarches de co-développement et d’open innovation face à des clients contraints d’innover plus vite.

J-Simeon_DG-Application-Services-France_Capgemini« Les projets de transformation digitale ne sont plus sur une déclinaison de projets connus, comme un déploiement d’ERP.
A chaque fois on part vers l’inconnu. »  

Jérôme Siméon, Capgemini

Apprendre à parler aux métiers

Si aucune ESN ne peut se permettre de perdre le lien avec les DSI, toutes ont dû se rendre à l’évidence : le département marketing et les métiers sont ceux qui disposent désormais des budgets pour innover. Avec plus ou moins de difficultés, les SSII ont dû apprendre à parler à des directions marketing, RH ou industrielle peu impressionnées par le jargon informatique. « Nos interlocuteurs ne sont plus uniquement les DSI et nous avons dû pousser nos forces de vente pour qu’elles puissent travailler plus en liaison avec notre partie consulting et monter en compétences vers le Business », reconnait Jérôme Siméon, directeur général Application Services France chez Capgemini. L’ESN, qui revendique être la premiere à avoir évoqué la « transformation digitale » en 2012 dans une étude réalisée par Capgemini Consulting et le MIT Center of Digital Business, s’est donc reconfigurée très rapidement afin d’accompagner ce changement de nature des projets : « La phase avant-vente se mène différemment avec un recours de plus en plus fréquent aux POC (Proof of Concept). Pour accompagner cette évolution, nous disposons depuis quelques années de centres d’innovation en Ile-de-France et en régions où nous pouvons amener le client afin de monter un POC avec lui. »

A l’image de Capgemini, face à cette transformation numérique, GFI s’est restructuré en « practices métiers ». Pierre Montcel, directeur Business Développement et Marketing et membre du Comex de GFI, explique cette démarche : « Nous avons créé 4 practices métier alors que jusqu’à maintenant nous étions structurés par practices technologiques. Nous avons voulu passer à l’étape suivante, c’est-à-dire les practices métiers, car on se rend compte que pratiquement 50% des projets numériques sont achetés par les métiers. » GFI a donc créé une practice « Smart City », une autre dédiée à l’ « Usine 4.0 », une troisième à l’ « Omni-commerce » et enfin une practice « Digital Banking ». « Ces practices ont été créées afin d’incuber et pré-industrialiser des approches nouvelles pour nos clients. Leur mission est de trouver les premiers projets, mettre en place un écosystème propre à chacune d’elles. »

Autre illustration de ce mouvement des ESN vers les métiers, l’intérêt porté par CGI aux pôles de compétitivité. « L’objectif est de comprendre les enjeux d’un secteur afin de savoir dans quels domaines nous devons investir, comprendre quelles technologies seront en mesure de répondre aux besoins des entreprises, puis signer des partenariats avec des clusters techniques ou des startups », explique Laurent Gerin, vice-président du centre d’Excellence dédié à la Transformation Digitale – Industrialisation & Innovation de CGI. L’ESN a notamment adhéré à Aerospace Valley en région Occitanie/Aquitaine, à l’IoT Valley de Toulouse.

Ces dernières années, les ESN ont multiplié l'ouverture de laboratoires d'innovation, Fab labs, des lieux où les experts métiers et ingénieurs peuvent travailler avec les clients afin de mener des ateliers d'idéation, créer des POC et des démonstrateurs technologiques. Une nouvelle approche du métier d'ESN.
Ces dernières années, les ESN ont multiplié l’ouverture de laboratoires d’innovation, Fab labs, des lieux où les experts métiers et ingénieurs peuvent travailler avec les clients afin de mener des ateliers d’idéation, créer des POC et des démonstrateurs technologiques. Une nouvelle approche du métier d’ESN.

De nouvelles méthodes de travail s’imposent

Si les organisations ont dû être revues pour coller au plus près des métiers, les ESN ont aussi dû revoir leurs méthodes de travail pour faire face au besoin d’agilité de leurs clients. Olivier Gervaise, le créateur des Equipes Transformantes chez Sopra Steria Consulting témoigne de son action : « La notion d’équipe transformante est assez centrale tant en interne que chez nos clients. Il s’agit d’équipes composées de profils très différents et qui sont capables d’adresser une problématique de bout en bout. » Pour le responsable de Sopra Steria, un projet de transformation digitale consiste à définir la stratégie digitale de l’entreprise, avec des consultants capables de définir des roadmap et les métiers.

Les ESN qui faisait beaucoup appel à l’offshore lointain afin de mener des développements dans le cadre de projets à long terme ont dû changer leur fusil d’épaule, même si le nearshore et l’offshore ne sont pas forcement antagonistes avec les approches agiles estime Jérôme Siméon de Capgemini : « Nous avons aussi dû adapter notre outil industriel car outre le travail que nous menons chez nos clients, nous avons un modèle de travail distribué avec la capacité de travailler à distance. » Lorsqu’une équipe doit travailler sur des “runs” de 3 à 4 semaines et non plus dans le traditionnel cycle en V de projets avec des délais de plusieurs mois, il n’est plus possible de réaliser certaines tâches avec 5 heures de décalage horaire et les ESN doivent alors privilégier des sites de développement en France, en province ou dans des pays à moins d’une heure d’avion du client. « La manière dont nous répartissons les tâches n’est plus le 1 pour 1 entre la France et l’Inde, observe Jérôme Siméon, la répartition peut être réalisée entre la France, le Portugal, le Maroc et l’Inde comme nous pouvons le faire sur certains projets réels, c’est ce que nous appelons le Right Shore. »

Les ESN face à la montée du Cloud

Bien souvent, une composante clé de la transformation numérique repose sur la souplesse offerte par le Cloud. Si les ESN ont traîné des pieds en voyant le nombre de jours d’intégration à facturer fondre comme neige au soleil à cause de la rapidité de mise en œuvre des solutions Cloud, notamment SaaS, celles-ci accompagnent désormais le mouvement, notamment en se dotant d’un portefeuille d’offres Cloud prêtes à être déployées. « Nous nous posons bien plus fréquemment la question de savoir s’il existe une solution SaaS pouvant répondre au besoin du client », explique Laurent Gerin, vice-président du centre d’Excellence dédié à la Transformation Digitale – Industrialisation & Innovation de CGI. « Nous avons fait le choix de ne pas devenir fournisseurs de puissance informatique mais plutôt de nouer des partenariats avec des fournisseurs de solutions Cloud tels qu’ Amazon Web Services, Microsoft, IBM dont nous proposons les offres en marque blanche. »

« La réflexion sur la transformation numérique ne s’appuie pas seulement sur du conseil stratégique, du conseil en organisation, mais aussi sur des dimensions métiers et usage que nous maîtrisons chez Orange tant du fait de nos besoins qu’au travers d’acquisitions. »

Olivier Ondet, Orange Application Business

Orange Business Service, intégrateur de poids en France, dispose bien évidemment de ses propres ressources Cloud et propose ses services aux entreprises, mais il a aussi intégré à son portefeuille de solutions plusieurs services Cloud du marché. « Depuis plusieurs années déjà, notre ambition est d’accompagner nos clients dans leur transformation numérique, notamment en leur proposant les solutions les plus en pointe pour les grandes entreprises, mais aussi les solutions les plus packagées possibles », explique Olivier Ondet, directeur de la division Orange Application Business. « Forts de notre expérience interne, nous avons constitué un portefeuille de solutions Cloud pour la mise en place de centres de contact, l’ITSM, le CRM afin de diffuser ces solutions auprès des entreprises de taille plus petite. » Orange Application Business, partenaire avec ServiceNow pour l’ITM, pousse sa solution Cloud Flexible Contact Center et réalise aussi l’intégration de CRM tels que Microsoft Dynamics ou Salesforce.

Alors que les grandes ESN se sont redéployées et ont pu s’appuyer sur leurs pôles consulting pour répondre aux grands projets de transformations des entreprises françaises, les ESN d’une taille plus modeste ont elles aussi dû s’adapter à cette nouvelle donne. Pour Hubert de Charnacé, président d’Infeeny, filiale d’Econocom, l’avenir est dans la spécialisation. Celui qui a fondé MC Next sur une spécialisation dans les technologies Microsoft a notamment misé sur des maquettes prêtes à l’emploi intégrant des solutions Cloud Microsoft.

Le dilemme des ESN de taille moyenne face à la transformation numérique

« Ces démonstrateurs qui permettent de créer des POC très rapidement et servent de base de travail aux projets. Nous l’avons fait dans le domaine collaboratif sur Office 365 avec notre produit Mozzaik365, mais nous avons aussi développé des démonstrateurs pour l’IoT, les bots, les services intelligent, ou encore le décisionnel sur PowerBI. »

D’autres ESN se sont lancées dans une diversification, c’est notamment le cas de Keyrus : « Une ESN ne peut rester spécialisée sur un domaine, notamment pour répondre à l’impact du numérique sur le Business Model, les processus et l’expérience client » estime Amram Azoulay, directeur Digital Consulting chez Keyrus. « Keyrus a su se diversifier et proposer une offre autour de ces trois problématiques. » Dans ce but, Keyrus a créé le KIF (pour Keyrus Innovation Factory) pour attirer à lui des startups, s’est doté d’une agence digitale spécialisée sur l’UX et le Design Thinking, ainsi qu’une Business Unit dédiée à SAP Hybris. « Nous avons vraiment une offre 360 autour du digital, depuis l’agence, l’intégration e-commerce et enfin une BU Digital consulting que je porte et qui apporte une dimension conseil à notre offre. »

Comme Keyrus, Micropole a abordé la question de la transformation digitale en se dotant d’une agence de communication digitale, Wide et, en 2013, Micropole créait son pole consulting : « Micropole était connu par les DSI et il était difficile d’avoir accès aux directions financières et de mener des ateliers métier avec eux », explique Charles Parat, directeur Stratégie et Innovation chez Micropole. « Nous devons être capables de mener une réflexion sinon stratégique au moins tactique, et amener nos clients sur des ateliers de type Application Factory, Data Factory. C’est ce qui permet d’avancer très rapidement avec lui vers l’application dont il a besoin. Nous sommes passés d’une logique où l’ESN était une machine à enregistrer des cahiers des charges et à exécuter à une logique de conseil opérationnel. »

Une ESN qui conçoit un drone inventoriste ? L'Eyesee d'Hardis est l'illustration des conséquences parfois inattendues de la transformation numérique des entreprises.
Une ESN qui conçoit un drone inventoriste ? L’Eyesee d’Hardis est l’illustration des conséquences parfois inattendues de la transformation numérique des entreprises.

Hardis Group est allé encore plus loin puisque l’ESN grenobloise ne se contente plus du seul volet logiciel des projets qu’elle imagine avec ses clients. Une de ses équipes travaille à la mise au point de l’Eyesee, un drone qui réalise automatiquement l’inventaire des produits stockés dans un entrepôt. « Ce type de projet est nouveau pour nous puisque notre métier est, à la base, de développer du logiciel », rappelle Yvan Coutaz, directeur général du groupe. « Nous avons mis en place une structure transverse pour piloter la R&D, le volet juridique du projet et travaillé en écosystème avec FM Logistics et Squadrone. Chaque acteur apporte son volet de co-innovation. » Le projet a été porté financièrement par Hardis et le Crédit Impôt Recherche, une prise de risque financière qui pourrait bien rapporter gros à l’ESN si elle parvient à mettre au point sa solution : « Actuellement, 150 entreprises du monde entier nous ont contactés afin de participer au projet ou être clientes de cette solution. » Un modèle de co-innovation qui devrait sans doute faire école dans les ESN françaises. On conclura sur Open qui se positionne comme acteur de la transformation industrielle et numérique des entreprises et en innovation permanente. Elle offre aux entreprises une boîte à outils complète, « du quoi faire au comment faire », selon l’expression de Frédéric Sebag, co-président d’Open, jusqu’à « l’appropriation des chantiers ». L’ESN revoit en ce moment même son dispositif de marque, avec un site web et des outils de relation clients, en même temps qu’elle a déjà beaucoup travaillé sur les relais des réseaux sociaux. Elle lance également «  un canal digital de business à partir duquel nos clients pourront solliciter des prestations Open ». Des prestations qui vont évoluer, avec de nouveaux types de revenus en termes de propositions de services, d’abonnements, et de solutions applicatives et technologiques. Enfin, pour être une entreprise « full digital dans ses codes et son fonctionnement », Open revoit ses processus, notamment dans une vue collaborative, et a déjà installé la plateforme Microsoft 365 pour cela. Une dynamique d’innovation permanente, et nécessaire.

 

 


 

Pierre-Montcel---GFI« Nous sommes en train d’aller vers une économie des plateformes »

Pierre Montcel,
directeur Business Développement et Marketing et membre du Comex de GFI

« L’IT doit emprunter des voies nouvelles afin de rester un “business enabler” pour les entreprises. Nous sommes en train d’aller vers une économie des plateformes et nous devons évoluer vers une notion de pay-per-use, de paiement à l’usage. Ainsi, notre practice « Omni-commerce » a Iancé une plateforme à destination des retailers et celle-ci est facturée au client à la mise en place puis à l’usage, sur des métriques non pas techniques, mais purement métier, comme par exemple sur les paniers d’achat. Autre illustration de cette stratégie de plateformes, ce que nous avons mis en place avec TCS Software sur le Business Analytics. Il s’agit d’une plateforme Big Data qui nous permet de traiter de multiples “use case” comme la rétention client, la vision 360 du client, l’up-selling, etc.

Cette approche plateforme est certainement notre différenciateur vis-à-vis des autres ESN, nous avons compris que l’économie des plateformes est importante pour nous, comme l’ont démontré Uber, AirBnB. Nous voulons être partie prenante de cette économie des plateformes dans le B2B. »

 

 


Olivier-Gervaise_Sopra-Steria« Les 3 objectifs des projets de transformation digitale »

Olivier Gervaise,
créateur des Equipes Transformantes chez Sopra Steria Consulting

« Dans les projets de transformation digitale, il y a 3 objectifs à atteindre en simultané. Il faut d’une part définir la stratégie digitale de l’entreprise, avec des consultants capables de définir des roadmap, travailler avec les métiers sur la stratégie. En parallèle, il faut construire ce que nous appelons la Digital Boosting Platform, une plateforme qui va servir l’ensemble des projets, capable de communiquer avec les ressources de l’entreprises, ave des partenaires extérieurs dans une approche de type API, de collecter et valoriser les données au moyen d’algorithmes. Il faut ici des profils IT qui vont travailler en liaison avec les DSI de nos clients. Le troisième objectif à atteindre, c’est changer la culture d’entreprise au niveau des métiers afin de pouvoir mener les projets de manière différente. Il faut pousser les directions métiers à adopter des méthodes de travail plus agiles, définir un nouveau type de gouvernance de ces projets.»