Grand Prix
Equipez vos 73 000 facteurs de smartphones, créez un Hub Numérique, des identités numériques associées à un coffre-fort numérique, touillez très intelligemment… et voilà comment vous déclinez en numérique ce qu’ est la Poste depuis 500 ans
Devant votre boîte aux lettres, voici l’un des facteurs de La Poste équipé d’un smartphone Facteo. Un message l’a averti sur son mobile de venir récupérer directement dans votre boîte un colis que vous souhaitez envoyer. C’est le service « Expédition en boîte aux lettres », dont La Poste faisait pour la première fois la promotion en octobre-novembre 2015 au travers d’une campagne de publicité. Au lieu de vous déplacer dans un bureau de Poste, vous avez juste indiqué, et payé, votre demande sur le portail laposte.fr via un formulaire dédié. Il s’agit là d’un bel exemple d’hybridation des services de La Poste, par le numérique, décliné aussi pour les professionnels, et testé actuellement dans une version encore plus aboutie et interactive avec le bouton « Domino ». Pour les professionnels qui affranchissent leurs colis en ligne 3 à 4 fois par semaine et dont le volume de colis ne justifie pas une collecte quotidienne par les services, La Poste a imaginé en effet « Colissimo Ondemand ». Le professionnel prépare son colis, l’affranchit en ligne et en imprime l’étiquette. En un clic sur Domino, le bouton connecté de La Poste, il prévient les services postaux pour une collecte directement sur son lieu de travail, quel que soit le nombre de colis en attente. Le passage du facteur est garanti avant la fin de la journée si la demande a été effectuée avant 13h. Le colis sera injecté directement dans les flux Colissimo pour être livré sous 48h chez le destinataire. Et c’est un succès ! « Plus d’1 million de colis ont été envoyés ainsi », nous indique Jean-Marc Stefann Chief Technical Officer de la branche numérique de La Poste. Interviewé fin décembre, le CTO nous indique « une croissance à deux chiffres sur les deux derniers mois, plus particulièrement sur la déclinaison BTB de cette offre ». Pour le retour d’un vêtement qui ne vous convient pas par exemple, l’e-commerçant vous fournit un bordereau à imprimer et à coller sur le colis que vous déposez simplement dans votre boîte aux lettres, « et ça repart automatiquement vers le marchand ».
Des missions alternatives pour les facteurs
Alors que le courrier est en diminution régulière de 6 % par an – La Poste cherche en effet à donner des missions alternatives aux facteurs. Pour accompagner le développement des services que le groupe dispense dans les métiers traditionnels, le numérique fait partie des trois missions de la Branche Numérique qui a été créée en 2014. En plus d’être le représentant de la Poste dans le monde du digital, via le portail en particulier, et de développer des produits digitaux en tant que tels (via Docapost notamment qui offre des solutions de dématérialisation dans le domaine RH et financier, et hébergeur de données de santé, et Mediapost Communication).
Jean-Marc Stefann résume ainsi cette approche : « la Branche Numérique est un fournisseur de briques de base ou de solutions d’infrastructures pour aider à la transformation globale des métiers du groupe, au premier rang desquels les métiers traditionnels, les métiers logisticiens (du courrier, des colis), ainsi que dans une moindre mesure le métier de la banque, qui a déjà entamé sa transformation dans le monde du digital. »
Le Hub Numérique : un élément-clé
Le facteur sait aussi se transformer en agent de proximité dédié à votre bien-être grâce au tout nouveau service « Veiller sur mes parents », qui propose des visites régulières du facteur au domicile de personnes âgées, au rythme et aux jours choisis par le souscripteur : 2, 4 ou 6 fois par semaine. Chaque jour, il est informé directement sur son smartphone, via une application dédiée, de la tenue et du bon déroulement de la visite et des éventuels besoins exprimés par le bénéficiaire du service. Les proches sont ainsi rassurés, notamment en cas d’éloignement géographique. Les seniors concernés bénéficient également, s’ils le souhaitent, d’un équipement connecté à un centre de veille et d’écoute disponible 24h/24 et 7j/7 qui peut, si nécessaire, appeler les proches et les secours. 73 000 facteurs sont en cours de formation pour rendre facilement ce service grâce à leur smartphone.
« On a la chance d’avoir cette force sur le territoire, déployée 6 jours par semaine ; une puissance de frappe assez incroyable qu’il faut amener sur des missions différentes. Et la transformation numérique sert aussi à cela. »
J-M Stefann
L’IOT en plus
L’offre devrait s’enrichir à l’avenir grâce aux objets connectés. « Il pourra ainsi être possible de fournir des indicateurs d’activité en temps réel ou d’automatiser les interactions avec le domicile par des interrupteurs et des prises connectés », précise Jean-Marc Stefann. Car c’est le « Hub Numérique » de La Poste qui réalise l’orchestration de l’ensemble des briques de services nécessaires à la bonne exécution de cette offre. Elément-clé de la stratégie numérique du groupe, cette plateforme veut simplifier et sécuriser l’accès à des services de l’Internet des Objets. Pour les particuliers, c’est une application mobile permettant d’accéder à ces services et de piloter les objets. A l’aide d’une application téléchargeable gratuitement sur App Store et Google Play, on accède à une interface unique où sont centralisées les données produites par les objets connectés.
Un hub universel
Pour les entreprises (partenaires de La Poste, entreprises de l’IoT, fabricants, fournisseurs de services ou collectivités), c’est une plateforme SaaS permettant de créer en 30 minutes et diffuser un service connecté à destination des clients. Un catalogue de scénarios prédéfinis est mis à disposition au sein de l’application pour faire dialoguer les objets entre eux, quel qu’en soit le fournisseur. Car ce Hub se veut « universel » ou « agnostique » permettant de combiner les données issues d’objets connectés d’univers très différents ou de l’open data (quels que soient les réseaux de connectivité). La Poste revendique à ce jour près de 40 marques et plus de 70 produits déjà compatibles, comme les solutions MyHome Domotique de Legrand, les produits Withings, GoogleFit, Archos, Parrot, iHealth, etc.
Digiposte +
Lancé à l’automne 2016, Digiposte + est un assistant administratif et personnel permettant, outre la gestion et le stockage de documents, la gestion de la vie administrative.
Capable d’interprétations, de conseils et d’actions, Digiposte + va chercher les documents dématérialisés (factures, attestations, relevés bancaires…) sur Internet pour les classer, les indexer, les mettre à jour intelligemment, et peut alerter sur les échéances à venir.
Une partie gratuite permet d’importer, classer dans des dossiers et stocker automatiquement les documents importants dans la limite de 5 Go et de 5 collecteurs.
Une offre premium (3,99€/mois TTC sans engagement) ouvre les services d’assistant personnel en proposant davantage de suggestions et d’automatisation, sans limite de stockage.
L’application est organisée autour de 3 dossiers principaux (mes documents, mes démarches et mes organismes) et de plusieurs univers : « ma famille », « mes biens », « mon travail » et « ma voiture…
.COM1, nouvelle plateforme
sous Office 365
.COM1 : c’est le petit nom de la nouvelle plateforme, basée sur Office 365, que la Poste va déployer auprès de ses 200 000 collaborateurs. Alors que La Poste « transforme son business model » face à un courrier en décroissance, et des bureaux de moins en moins « fréquentés », Philippe Bajou, Secrétaire général de La Poste, annonçait tout début février au siège d’Issy-les-Moulineaux de Microsoft une collaboration importante avec l’éditeur. Le Groupe, qui compte 200 000 collaborateurs, et est le premier employeur français, a en effet choisi de déployer la plateforme de communication et de collaboration Office 365. La Poste l’a baptisée « .COM1″ (lisez « point commun »).
La Poste souhaite créer une plateforme en phase avec « les nouveaux usages numériques », permettant aux postiers de mieux « travailler ensemble », et de « partager leurs innovations et idées ». « Nos collaborateurs sont aussi importants que nos clients », affirme Philippe Bajou, qui souhaite leur porter une « symétrie d’attention ». Cette plateforme va remplacer, améliorer et unifier les outils existants (messagerie, agenda, moteur de recherche, etc.), et proposer plusieurs outils collaboratifs : un réseau social d’entreprise, des applications de co-création et de communications instantanées (chat, SMS-like, visio ou audio conférence), un espace de gestion documentaire (GED). La plateforme sera mise à disposition des 200 000 collaborateurs d’ici à début 2019.
Interview
« Ces briques d’infrastructures induisent par elles-mêmes un puissant levier de transformation systémique. »
Nathalie Collin, directrice générale adjointe du Groupe La Poste en charge du Numérique et de la Communication, explique les deux axes de développement numérique de La Poste : la confiance et la maison intelligente
Sur le To C, La Poste a deux positionnements principaux en matière de numérique. Le premier tourne autour de la notion de tiers de confiance – c’est-à-dire comment on accompagne les notions d’identité numérique sur lesquelles on est assez en avance, pour, à terme, pouvoir faire des actes avec une identité numérique forte. Une notion qui accompagne notre coffre-fort numérique, qui est maintenant devenu un assistant personnel [NDLR : voir notre encadré]. On est dans le bon timing de la loi Lemaire. On voit bien aujourd’hui une dématérialisation des originaux qui est en train de s’accélérer puisque maintenant les bulletins de paie peuvent être en opt-on plutôt qu’en opt-in. On croule d’ailleurs sous les demandes qui concernent les bulletins de paie. Et nous avons signé un partenariat avec l’Education Nationale pour être les premiers à héberger dans notre coffre-fort les e-diplômes. L’idée est de générer des usages autour d’un assistant sécurisé et personnel numérique, qui, de fait, a un rôle de coffre-fort, de fil d’actualités et d’objet de gestion de démarche. On pousse beaucoup pour que cela puisse avoir une valeur légale, et le relier à tout ce que l’on peut faire par ailleurs -La Poste est aussi par exemple un acteur de la lettre recommandée électronique.
Des services connectés
Le deuxième axe est la maison intelligente, ou la maison connectée. C’est notre Hub numérique qui orchestre les services et les objets connectés, le top de la technologie et la proximité humaine de nos postiers. Cette plateforme permet très simplement d’orchestrer des services, en incluant la possibilité de connecter les services facteurs, et de faire parler entre eux des objets connectés. Nous ne sommes pas tellement dans l’objet connecté très compliqué, cher et dont l’usage peut être parfois réservé à un petit nombre. Mais plutôt dans des capteurs intelligents qui permettent de savoir si la personne s’est levée, si elle a activé ses interrupteurs, et pouvoir ainsi déclencher des d’alertes, et éventuellement une télé-assistance. On propose ainsi notre service « Veiller sur mes parents ». On a une vision stratégique complètement ouverte. On veut appliquer aux objets connectés, et à tout ce que nous faisons, ce qui a été appliqué il y a quelques années dans la téléphonie, c’est-à-dire la portabilité. Nous avons une stratégie centrée sur l’individu, qui lui-même décide de ce qu’il fait de ses objets, des données provenant de ces objets, etc. On a fait le code postal, infrastructure qui a permis de l’échange et du business, aujourd’hui on fait le hub numérique, infrastructure qui permet à des startups de proposer leurs services, d’accéder à des services postaux ou de postiers… C’est possible grâce à notre positionnement d’opérateur d’infrastructure neutre, universel, et de la proximité, 73 000 facteurs et 17 000 points de contacts, ces éléments différenciants de la Poste, sur lequel on s’appuie, c’est une force. Et ces briques d’infrastructures induisent par elles-mêmes un puissant levier de transformation systémique de notre groupe en partant des usages et des clients.