Dématérialisation et gestion de la data
Au salon Documation, on ne parle désormais plus dans les stands de documents entrants ou sortants mais de workflows, de processus, de gouvernance, d’urbanisation, de confiance, de collaboration, d’intelligence, et, évidemment, de plus en plus de gestion de data…
Il ne fallait pas venir chercher de grandes ruptures technologiques au salon Documation, dont la 22e édition 2016 s’est tenue les 6 et 7 avril à Paris Expo Porte de Versailles, mais plutôt prendre le pouls du marché de la dématérialisation et celui de tout l’écosystème qu’il alimente depuis des années. Avec près de 130 exposants, une trentaine de conférences et de nombreux ateliers et démos, Documation 2016 n’aura pas failli à sa réputation de manifestation majeure du secteur. Et quelle meilleure place qu’une concentration de quelques fleurons de l’ingénierie documentaire pour mettre en musique le thème de l’entreprise digitale ? Aux avant-postes de la percée du numérique depuis de longues années, ce salon est un pont qui relie transformations des modèles et approches pragmatiques des projets. Si la maturité des solutions qui y sont présentées ne fait aucun doute, l’évolution des éléments de langage servant à conceptualiser les offres est révélatrice d’une mue. On ne parle désormais plus dans les stands de documents entrants ou sortants mais de workflows, de processus, de gouvernance, d’urbanisation, de confiance, de collaboration, d’intelligence, et, évidemment, de plus en plus de gestion de data… autant de termes utilisés hier pour décrire les fondements fonctionnels et organisationnels plus ou moins segmentés de la production documentaire, alors qu’ils désignent aujourd’hui les briques indissociables d’une transformation numérique que chaque entreprise est invitée à réaliser. A mesure que le numérique progresse dans l’entreprise, la dématérialisation sert idéalement à décloisonner le capital informationnel. Un chantier souvent colossal mais toujours accessible, à condition que l’entreprise parle d’une seule voix et avance d’un même pas.
Directions générales et métiers, une force de prescription
En reconsidérant la présentation de leurs offres et en ajustant leurs cibles, les exposants de Documation ne s’y trompent d’ailleurs pas : « lorsque j’ai rejoint l’organisation du salon Documation en 2011, les exposants cherchaient dans leur grande majorité à rencontrer des DSI ou des content managers. Aujourd’hui, s’ils privilégient toujours ces populations, ils ciblent aussi les directions générale et métier qui ont une force de prescription. L’arrivée du Cloud a bouleversé le business model et ouvert le marché de la dématérialisation, de la GED et des réseaux sociaux d’entreprise », constate Guillaume Settembrini, directeur adjoint du salon. Aucun prestataire ne s’en plaindra : toucher, en plus du département informatique, le patron ou le responsable métier élargit le champ des négociations. D’autant que le SaaS redistribue les cartes décisionnelles. Avec lui, les projets gagnent en ampleur et en rapidité, fournissant à chaque périmètre concerné un levier de modernisation. Des atouts incontestables pour accélérer la transformation digitale des entreprises, mais qui nécessitent une bonne gouvernance du SI.
Interrogés sur le salon Documation, les exposants se sont pour la plupart montrés satisfaits du positionnement plus ouvert de cette édition. Ils considèrent toutefois que la manifestation est d’abord pour eux un endroit où l’on fait du business, qu’il s’agisse de générer des leads ou de bâtir des partenariats. Avec leur typologie élargie, les visiteurs n’ont pas les mêmes motivations. Hormis les DSI, une majorité d’entre eux ne s’intéressent pas à l’aspect technologique des solutions. Ils viennent plutôt chercher des réponses pratiques aux problèmes identifiés, des méthodes simples pour mener à bien les projets planifiés, et des éclaircissements pour s’y retrouver dans la jungle réglementaire. Les conférences et les ateliers leur ont fourni quelques pistes. En tout cas, du prospectif « Entreprise : l’âge de l’intelligence artificielle ? » au pragmatique « Enjeux de la facture électronique et de la piste d’audit fiable », en passant par le nécessaire « Cloud et archivage électronique : question de confiance ? » ou l’essentiel « Accompagnement humain dans la transition digitale », la centaine de thèmes abordés a permis des échanges riches.
La French Tech récompensée
Décliné dans le même espace que Documation, le mini salon Data Intelligence Forum s’est pour sa part chargé de mettre en perspective la gestion de la donnée sous les axes collecte, stockage, enrichissement, analyse, restitution, gouvernance et usage. Pour démontrer la pertinence des enjeux de cette gestion, les responsables de la manifestation ont décerné pour la quatrième année consécutive leurs DIA (Data Intelligence Awards). Parmi les startups récompensées, Linkurious, dont la technologie de data visualisation a été utilisée pour explorer les données de l’affaire “Panama Papers”, mais aussi Cryptosense dans la catégorie “sécurité, véracité et intégrité des données”, et eLum dans celle des “predictive analytics”.
Machine learning, mobilité et signature électronique infalsifiable
Du côté des annonces de produits, on l’a dit, point d’innovations majeures, mais quelques nouveautés ont retenu notre attention.
Chez Wacom notamment, outre la présentation de Sign pro PDF, qui permet de capturer des signatures manuscrites, de compléter des formulaires et d’annoter hors connexion des documents PDF, on a mis au point des tablettes et stylets d’une nouvelle génération, capables d’enregistrer les mouvements effectués par la main qui signe pour rendre la signature réellement infalsifiable. On franchit ici le cap de l’interface homme-machine pour entrer de plain-pied dans la cybernétique. La technologie est prête, déjà utilisée en Espagne, mais Wacom attend l’aval de la CNIL pour lancer le développement d’applications en France.
Toujours dans le domaine de la confiance, Dhimyotis, petit poucet français face à des géants tels que l’américain DocuSign, mettait en avant ses solutions basées sur la technologie du CEV (cachet électronique visible) qui, apposé sur un document numérique ou imprimé, permet d’en vérifier l’authenticité. Dans un tout autre registre, l’éditeur Cadic présentait iCi App, une application mobile qui permet de gérer des fonds documentaires en situation de mobilité, et un module de reconnaissance faciale intégré à sa solution multimédia de records management Cadic Intégrale.
On pourrait encore citer la « Digital Workplace » de Jalios, plateforme associant réseau social d’entreprise, espaces collaboratifs, portail personnalisé et modules de gestion documentaire et de contenus, ou bien Content Classifier, une solution de classement automatique de documents et de données non structurées conçue par l’éditeur Antidot et mettant en œuvre des algorithmes de machine learning.
Saluons enfin les initiatives qui visent à simplifier le parcours d’entreprises peu familières de la culture numérique et en quête d’offres quasi complètes, par exemple celle du VAD Spigraph qui a réuni sur son stand fabricants et éditeurs dans le but de proposer des solutions de capture et de GED opérationnelles.
Baromètre de l’optimisation des processus clients : lutter contre la fraude documentaire et satisfaire le consommateur
A l’occasion du salon Documation, le CXP et Itesoft ont dévoilé les résultats de l’édition 2016 de leur baromètre « Optimisation des processus clients ». On y apprend que le premier objectif désormais visé par les entreprises est l’amélioration de la satisfaction client, plus que celle de la productivité. « Les entreprises ont compris la nécessité de répondre aux évolutions de comportement des consommateurs qui souhaitent des interactions multicanal de qualité, réactives, personnalisées et suivies », explique-t-on chez Itesoft. Autre enjeu souligné par l’étude, prévenir les risques de fraude documentaire ou identitaire, tout en offrant une expérience client « sans coutures ». Parmi les principaux enseignements à retenir de ce baromètre, les projets d’automatisation et de dématérialisation des processus clients sont stratégiques pour davantage d’entreprises en 2016 qu’en 2014 : 84 % versus 70 %. Et pour 67 % des sociétés interrogées, ces projets s’insèrent dans les programmes de transformation numérique. Une implication plus forte de la direction générale est également observée : en 2014, un membre de la direction générale était sponsor d’un projet de ce type dans 58 % des cas. Ce chiffre passe aujourd’hui à 67 %, tandis que pour 40 % des entreprises, la direction qui pilote la relation client est en charge du projet. L’amélioration de la satisfaction client a été quant à elle retenue par 76 % des entreprises, un résultat bien supérieur à celui qui avait été obtenu en 2014 (48 %), laissant l’amélioration de la productivité en seconde place avec 66 %. Enfin, le sujet de la fraude est une préoccupation largement partagée : 71 % des répondants estiment qu’elle est même majeure. Et si les entreprises ne sont pas nombreuses (37 %) à avoir déployé des fonctions de détection de fraude documentaire, 62 % projettent de s’équiper d’ici à 2019.